Certains petits-déjeuners sont des traquenards. On croit s’enfiler tranquillement quelques innocentes viennoiseries, voire un Å“uf et du bacon, quand, soudain, entre le jus de fruit et le thé ou le café, on déclare bêtement que le statut des fonctionnaires français est inadapté au monde moderne. Immédiatement, le bacon se rebelle, l’œuf tourne, le jus de fruit se renverse et le café bout. Ce jour-là , plutôt que parler, le petit Emmanuel aurait mieux fait de se concentrer sur sa confiture …
Eh oui ; vendredi 18 septembre au matin, Emmanuel Macron, invité à un petit-déjeuner-débat organisé par le think-tank « En Temps Réel », a décidé de remettre en question le statut de la fonction publique, tabou pourtant clair notamment en Socialie et plus encore lorsqu’elle est dirigée à gauche, qu’il a déclaré n’être plus « adéquat » dans certains cas. Pour un Macron complètement débridé, c’est clair : maîtriser les déficits publics et parvenir à redresser la situation passe par une réforme du statut de la fonction publique pour un certain nombre de missions qui ne le justifient pas.
Surprise. Stupeur. Ahurissement. Consternation. L’audience présente au petit-déjeuner a probablement dû recracher quelques petits bouts de croissants dans un cri étouffé en prenant conscience de toute l’ampleur de la déclaration du ministre : une remise en cause du statut de fonctionnaire, mais, mais, mais vous n’y pensez pas, mon brave, ce n’est plus une réforme, c’est une mutinerie que vous fomentez là  !
La stupeur n’a cependant pas empêché l’information de parvenir jusqu’au Chef de l’État, alors en train de bricoler de la médaille du côté de Tulle. Ce dernier a profité de l’occasion pour écraser rapidement toute velléité de son ministre à remettre en cause le tabou du statut de fonctionnaire. Il y a des choses qui ne se disent pas, même en privé, même en off, même dans un think-tank, même lorsqu’on a été choisi comme faire-valoir réformiste du gouvernement. Pour l’ « entourage » du président, il fallait réagir vite sous peine de laisser s’installer un doute, abominable, concernant le statut de la fonction publique.
Quant à Manu les bons tuyaux, il a bien vite rectifié le tir : « Ouh la la, une réforme, vous n’y pensez pas, sans langue de bois ni provocation, ce n’est pas ce que je voulais dire, on m’a salement déformé le propos, je n’étais plus moi-même, une overdose de jus de fruit ou de bacon, pas d’autre explication, j’ai été drogué, la sniffette au chaton ne m’a pas réussi et tout ça » a-t-il rapidement déclaré (en substance) à l’AFP, histoire de bien montrer sa totale allégeance au patron et enlever toute envie aux uns et aux autres de seulement envisager la question.
Fouyaya, on pourrait croire qu’on a ainsi évité l’incident grave… En fait non, l’incident a bel et bien eu lieu, et la gravité s’en ressent déjà  : les habituels excités du service public et les thuriféraires du Tout À l’État se sont levés comme un seul parasite homme pour s’écrier que les déclarations du ministre étaient insupportables. Au premier rang des exaltés, on retrouve sans mal le député Yann Galut, qui dévoile clairement le fond de sa « pensée » :
« Je trouve qu’à quelques semaines des élections régionales, où l’on doit mobiliser notre électorat, où l’on doit réaffirmer nos valeurs de gauche, reprendre une fois de plus des propositions qui sont de droite, des mots qui sont de droite, je pense que c’est irresponsable de la part du ministre de l’Économie »
Notez au passage que si le Galut s’est tout remonté le bourrichon au point de demander la démission du gouvernement, c’est avant tout parce que les déclarations de Macron risquent bien d’amoindrir encore un peu le futur score électoral catastrophique du PS. Entre deux bouffées de panique, le pauvre député du Cher comprend confusément que son poste est menacé à terme par les vaguelettes du ministre, et, comme une bonne partie de la gauche actuelle, perdre son mandat serait une catastrophe pour notre homme qui n’a jamais connu autre chose que la politique et ses coulisses. Pour lui, comme pour tous ceux qui ont hurlé et qui font actuellement tout pour minimiser les propos de Macron, même si l’évidence des positions qu’il tient leur crève les yeux (et leur fend le cÅ“ur, les pauvres petits choux), il fallait réagir et tenter le tout pour le tout pour que jamais, ô grand jamais, une réforme de ce statut ne soit envisagée.
Que voulez-vous, la France et sa fonction publique sont des petites choses fragiles et colériques qu’il ne faut, sous aucun prétexte, bousculer ou même effleurer. Les tabous, devenus omniprésents, ont consciencieusement sécurisé tous les domaines en verrouillant tout discours qui pourrait porter sur la pertinence des 35 heures (elles ont créé de l’emploi, un point c’est tout), sur le travail du dimanche (inutile et destructeur familial), sur l’épaisseur du Code du travail (seule garantie d’une couverture parfaite de tous les cas possibles), et sur le statut même des fonctionnaires.
La sclérose est maintenant totale, et si l’on a encore le droit (ouvert à débat) de penser, en revanche, plus rien ne peut être dit et encore moins fait, et ce, même lorsqu’on tient compte de l’ampleur réelle des précédentes « réformes » de Macron, nanoscopique. La moindre évocation d’un changement un peu courageux entraîne des levées de boucliers, des hurlements et des appels à la démission sans la moindre nuance, paralysant complètement le législatif et l’exécutif du pays, et ce, au détriment évident de ceux qu’ils entendent protéger — un paquet de fonctionnaires auraient en réalité tout intérêt à une refonte massive de leur statut, qui injecterait, enfin, un peu de méritocratie dans un système devenu particulièrement démotivant, ce que beaucoup sont largement prêts à reconnaître.
Le bilan est sans appel : plus rien ne bouge dans le pays, notamment depuis l’avènement des lois sur les 35 heures (en 2000), lois qui ont scellé l’avenir d’un pays qui a officiellement choisi de travailler moins là où tous les autres choisissaient de travailler plus et plus longtemps. Or, un corps (fut-il social) qui ne montre plus aucun mouvement, aucun signe de vie pendant plusieurs années peut légitimement être déclaré mort. Eh oui : en réalité, Galut, Maurel, Lebranchu, Lienemann, Narassiguin et tant d’autres, Hollande compris, en s’opposant à toute discussion de fond sur ces tabous, montrent un attachement morbide au système social français, cadavre mort depuis longtemps, et refusent de le laisser reposer enfin en paix, comme des enfants immatures incapables de comprendre que l’animal familier est décédé et ne reviendra plus.
Malheureusement, pendant qu’ils s’accrochent encore et encore, le cadavre pue de plus en plus.
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Sur le web
Le petit Manu, le seul qui ne soit sotcialiste 🙂
Petite sniffette de chatons et petite remarque sur les effets des trente-cinq heures ; il semblerait qu’elles n’aient certes pas eu les résultats escomptés mais un résultat que l’on pourrait malgré tout considérer comme positif sous cet aspect : un gain en efficacité (le même travail demandé en moins de temps, travailler plus longtemps n’est pas forcément travailler plus, ou plus rentable).
Limiter le temps de travail n’est pas si contre-productif à partir du moment où l’on paie les heures (35 heures, c’est beaucoup trop pour certains postes, et elles ne sont de toute façon pas effectives pour beaucoup d’autres).
La flexibilité est a priori plus arrangeante pour les deux parties, mais on ne peut pas plus faire confiance aux employeurs qu’aux employés pour ne pas tirer sur la corde, alors on fait comme d’hab’ on fixe un nombre arbitraire qui ne correspond à rien de concret ; au final rien de choquant et un débat un peu creux bien que véhément sur du pas grand-chose.
Pour revenir sur le sujet d’origine, on gagnerait peut-être à fustiger la bureaucratie directement plutôt que d’alimenter les vexations en pointant du doigt les fonctionnaires, eux-mêmes potentiellement victimes désabusées de leur propre parasitage involontaire comme mentionné dans l’article, leur but à l’origine étant de rendre service à leurs concitoyens et / ou comme tout le monde, d’avoir un travail pour payer les factures.
si les fonks sont des victimes, ce sont des victimes consentantes.
ils pourraient tout à fait avoir une éthique personnelle et choisir un vrai travail honnête, quitte à gagner moins, mais en accord avec soi même et avec les autres. au lieu de cela, c’est de façon volontaire et en pleine conscience qu’ils ont embrassé la carrière de pillard.
Mouaif.
C’est exactement le genre de remarque qui rend les critiques de l’administration inaudibles, autant que lorsque l’on accuse les patrons de voler tous les bénéfices du travail des autres.
ça ne mène à rien.
je préfère leur faire comprendre que je ne suis pas dupe : je ne tombe pas dans le piège de la défense des servisspubikelemondentiénouzenvy.
Oui, je comprends l’idée.
De mon côté je préfèrerais que l’on mette en évidence la perte de temps et le travail dans le vide que supposent une absence de liaison entre les services, les dossiers aux mille et une cases qui n’en finissent pas, tout ce qui gave concrètement tout le monde au quotidien, dans le privé comme dans le publique (le contrôle interne à la française est une plaie partout), partant du principe qu’une diminution progressive des effectifs irait de paire avec une organisation des services publiques à la fois plus humaine (dans le rapport et le traitement des cas personnalisé auprès des citoyens demandeurs) et plus efficace (plus rapide et plus adapté aux besoins des demandeurs de toute sorte, que ce soit pour un papier / renseignement / service…).
Beaucoup de fonctionnaires sont consternés par le fonctionnement de l’administration dont ils font partie, et leur avis sur la façon de l’améliorer est bon à prendre (connaissant le fonctionnement en place plus précisément).
C’est normal si vous pointez quelqu’un du doigt en le traitant de traitre qu’il se braque et ne vous écoute plus.
C’est un peu comme dire à un chômeur touchant ses droits qu’il ruine le pays, et que s’il y a trop de chômeurs dans le pays c’est de sa faute puisqu’il en fait partie, ça n’a pas le même effet que de discuter avec lui des multiples facteurs du chômage et des solutions qu’il faudrait au minimum tester.
On se prend tous dans la tronche les mêmes problèmes, que ce soit directement ou via la vie de nos proches, l’avenir de nos enfants, etc.
Ayant déjà travailler dans des secteurs subventionnés, si l’écart de réalité est hallucinant avec le privé il est aussi plutôt logique que les idées politiques le soient, et si l’on entre pas dans le conflit de lectures du monde en apparente opposition, on se rend compte que l’on partage généralement beaucoup quand il s’agit de faire preuve d’esprit critique, et que les fonctionnaires sont les premiers à pouvoir pointer du doigt tout ce qui leur met des bâtons dans les roues (parce que les profs par exemple ne sont pas plus contents que les parents de recevoir des programmes à la con, qu’aucun être humain n’aime recevoir des instructions débiles, empiler des montagnes de papier, demander des photocopies d’une carte envoyées quinze fois, et je m’arrête là parce que c’est infini).
Bien dit. Effectivement le problème n’est pas un problème de statut mais bien un problème d’organisation du travail et de considération des employés, qu’ils soient dans le public ou le privé. Dans une société où l’on glorifie la rente et l’argent facile, pas étonnant qu’il y ait de tels malaises au bas de l’échelle, accompagnés effectivement d’effets pervers et de situations ubuesques : mises au placard, présentéisme, absentéisme, démotivation, etc.
Beaucoup de clichés dans cet article qui ne feront assurément pas avancer les choses…
En France la politique se résume à une surrenchère de démagogie et de clientélisme…..Et celà ne coute rien c’est l’état qui paye.
Quand on voit le nombre très élevé de personnes voulant passer un concours de la fonction publique (qui tentent d’ailleurs plusieurs administrations sans aucun rapport les unes avec les autres), sans aucune vocation particulière, seulement pour le statut et le salaire… Ben putain, on se dit que c’est pas encore dans les 20 prochaines années qu’on va avancer.
Ne vous inquiétez pas le pays aura fait faillite avant…et là les fonctionnaires pourront toujours aller réclamer de l’argent….
et ils l auront. Les caisses d´´epargne et les assurances vie sont là pour garantir les prêts qui payent chaque mois les fonctionnaires. ET ce n´est pas le gouvernement qu il faut soupçonner de ces vilaines pensées, ni même l´Europe, c´est le FMI qui le dit ! ET c´est pas dans des écrits secrets: http://www.leparisien.fr/economie/votre-argent/le-fmi-preconise-une-super-taxe-a-10-sur-l-epargne-10-10-2013-3214015.php
C’est vrai que le fait de devenir « invirable » rend la fonction publique très attractive. On ne peut pas en vouloir aux gens d’espérer un travail garanti à vie, dans des conditions douillettes, n’importe quelle entreprise qui proposerait une chose pareille se verrait submergée de candidatures, et ceux qui serraient en poste feraient tout pour que rien ne change.
L’écart de réalité est devenu trop grand entre le privé et le publique, le dialogue n’existe plus, il y a trop de choses à changer et améliorer de part et d’autre ; attaquons-nous à la paplarcratie, nous sommes à peu près tous d’accord quand il s’agit de l’exécrer.
Curieusement, il y a des postes où malgré les « conditions douillettes », les gens ne se pressent pas… c’est vrai que 1700 euros par mois pour être prof, c’est super douillet… Il y a même des avantages géniaux : être nommé à 400 km de chez soi pour des années par exemple….
L’herbe est toujours plus verte ailleurs, n’est ce pas ?
Claire ,
Le  » Guépard  » est tjrs d’actualité ! il faut que tt change pour que rien ne change …
1700 € par mois, excusez-moi mais ça ne me paraît pas dégueulasse du tout, être « invirable », pouvoir manifester / tomber malade régulièrement, oui Madame c’est une condition douillette.
Vous pensez que dans le privé les gens travaillent où bon leur chante peut-être ?
les gens ne veulent plus être profs parce que les gosses sont devenus de sales petits cons irrespectueux, pas à cause d’horribles conditions liées au contrat de travail.
il serait temps que nos ‘élites gouvernantes’, françaises ou belges,se demandent si nous,citoyens contribuables (en un mot), sommes encore et tjs d’accord de financer des avantages extraordinaires à la fonction publique, sans pour autant y avoir droit nous-mêmes. refuser de poser ou de se poser la question est le sûr moyen de reconnaître que tout le système est basé sur la coercition et qu’il n’y a plus rien de consenti. tout est extorqué. l’état prélève 60% de la richesse produite et se fait financer par les 40 restant. on peut taxer à du100% les 40 : on n’y arrivera pas, les 40 ne peuvent financer les60.heureusement il reste les taux bas et emprunts infinis…et les impôts…
« Que voulez-vous, la France et sa fonction publique sont des petites choses fragiles et colériques qu’il ne faut, sous aucun prétexte, bousculer ou même effleurer. »
Chose qu’ils ont en commun avec les pervers narcissiques, soit dit en passant.
À propos de la loi sur les 35 heures pondue par Martine Aubry celle-ci a fait le déplacement à Tokyo avec toute une délégation gouvernementale pour vanter le principe des 35 heures récemment adopté et mis en place en France. Leurs homologues japonais ont tout simplement été interloqués ! Dans un pays où la majorité des salary-men travaillent plutôt 65 heures par semaine en moyenne sans que leurs heures supplémentaires soient payées : si un salarié fait des heures supplémentaires c’est parce qu’il aime son métier et qu’il le fait pour la prospérité de son entreprise …
On comprend que ce déplacement organisé à grands frais fut un vrai fiasco dans un pays où pourtant le parti communiste représente toujours une trentaine de pourcents de l’électorat …
Aller vanter les mérites de sa politique dans un autre pays, c’est juste complètement con.
être interloqués reste une réaction bien courtoise, les japonais font preuve d’une élégance qui ne fait qu’amplifier notre ridicule.
Le problème de fond est et reste le chômage.
Dans un pays avec un fort taux de chômage, la panacée c’est le CDI, avec la sécurité de l’emploi à vie. Peu importe que la tâche soit ridicule, le salaire moyen, etc. C’est pour ça que beaucoup de gens passent les concours de la fonction publique.
Dans un pays qui tourne au plein emploi, peu importe que l’on ait un CDI ou non : l’offre d’emploi est suffisamment vaste pour retrouver quelque chose. Du coup, on cherchera un boulot intéressant et un salaire intéressant plutôt qu’une sécurité d’emploi.
Et ça, nos politiques l’ont bien compris. Des années qu’ils font semblant de lutter contre le chômage (les mesures à prendre sont connues depuis longtemps). Mais en entretenant ce chômage, ils entretiennent :
– le culte du fonctionnaire (« en période de crise, il y a plus que jamais besoin de fonctionnaire » affirme sans honte M. Aubry
– les bas salaires (nets, car si on tient compte des « charges sociales », ça n’est pas la même)
– la dépendance à l’état et ses sbires
Et qui n’est pas dépendant à l’état a moins tendance à donner sa voix à un système clientéliste aux élections.
En fait, les socialistes ont besoin du chômage comme une sangsue a besoin d’un hôte pour vivre.
Leur discours sur la lutte contre le chômage est de la même hypocrisie que lorsqu’ils disent « on va interdire les cabines à UV qui sont mauvaises pour la santé » pendant qu’ils n’interdisent pas la cigarettes- mauvaise pour la santé elles aussi – mais qui, elles, leur rapporte une quantité astronomique de sous.
Malheureusement il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dîtes, ce qui éclairait aussi le pourquoi du comment des aides à gogo aussi, l’omniprésence médiatique de faux problèmes, etc.
Après, c’est à se demander ; sont-ils géniaux ou juste abrutis ?
Ce serait rassurant de se dire qu’ils savent ce qu’ils font, même mal intentionnés, mais au fond je suspecte une plus grosse part d’imbécilité, de corruption, et d’aveuglement idéologique, qu’une réelle main mise bien orchestrée. Et ça c’est terrifiant.