Par Ferghane Azihari.
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
C’est en effet ce que rappelle l’article 16 de la très regrettée déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Regrettée car cela fait hélas très longtemps que notre belle République n’a plus de Constitution tant les politiciens à sa tête n’ont cessé de la piétiner tel un vulgaire paillasson sans aucune valeur. Oh, bien sûr, nous avons à notre disposition un véritable protecteur au cas où nos droits seraient momentanément victimes de l’action de dirigeants un peu trop zélés : le Conseil constitutionnel. Mais c’est oublier que ce Conseil n’est en fait qu’une assemblée de notables et de retraités politiques dont l’indépendance et la compétence ne sont visiblement pas à la hauteur de ce que les citoyens d’un État de droit digne de ce nom sont justement en droit d’attendre d’une juridiction.
L’organisme est en effet doué pour cautionner les atteintes aux droits et libertés individuelles perpétrées par le législateur, le tout sans sourciller. Il s’est récemment illustré dans la légitimation de la surveillance de masse en validant la quasi-totalité d’une loi dont le caractère liberticide peut être décelé par n’importe quel individu pouvant un tant soit peu comprendre le français. Malheureusement, ceux que l’on surnomme impertinemment « les sages » ont une fois de plus récidivé en s’adonnant joyeusement à la chasse aux libertés.
Par une décision du 22 septembre 2015, le chien de garde de la noblesse d’État a débouté la société Uber qui, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, a contesté la validité de l’article L. 3124-13 du Code des transports qu’elle s’est vue opposer. Cet article a été créé par la Loi du phobique Thévenoud après l’intense lobbying des corporations de taxis face à une concurrence qu’elles voulaient à tout prix liquider telle une mafia incapable de développer sa prospérité économique dans un environnement pacifique. Cet article incrimine l’activité de mise en relation d’individus et de conducteurs s’adonnant à du transport routier à but lucratif. L’intermédiaire s’expose à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros. La société faisait valoir plusieurs griefs (dont certains étaient certes un peu tirés par les cheveux), dont l’atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; au principe de nécessité et de proportionnalité des peines, à la présomption d’innocence ; à l’égalité devant les charges publiques et enfin à la liberté d’entreprendre. Malgré une violation manifeste de cette dernière liberté (on peut au moins relever ça sans être allé en faculté de droit), le gardien de la Constitution n’a pas jugé utile d’accueillir favorablement ces arguments.
L’incrimination de la disruption d’un monopole par définition liberticide et inégalitaire serait donc parfaitement légale et justifiée sur le plan constitutionnel. Face à cette décision décevante, on ne peut s’empêcher de se demander si le Conseil a récemment décidé de verser volontairement dans l’illettrisme juridique pour protéger des corporations qui ont la faveur du pouvoir, ou s’il s’agit au contraire d’une incompétence crasse, ce qui serait terrible venant de ceux apparemment désignés pour nous protéger des éventuels ravages de la souveraineté dite « nationale ».
Illettrisme volontaire ou incompétence ? Car quoi qu’on dise et qu’on pense de la légitimité du gouvernement français, il existe dans notre ordre juridique des textes suffisamment limpides qui, s’ils étaient appliqués correctement (et là est la faiblesse du constitutionnalisme), seraient en mesure de nous protéger de ces corporatismes primaires. Il est dans ces conditions urgent que nos protecteurs auto-proclamés prennent quelques cours de droits et libertés fondamentales. Non pas qu’ils doivent retourner sur les bancs des facultés françaises de droit. Cela ne servirait probablement à rien tant que celles-ci restent imbibées de ce légicentrisme et de ce positivisme juridique débridés qui les empêchent de concevoir la société autrement qu’à travers le prisme de l’omnipotence du législateur.
Non décidément, l’académisme français n’est pas en adéquation avec le contexte historique et la philosophie jusnaturaliste du texte constitutionnel – et plus particulièrement de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 – que les juges sont justement supposés protéger. Le texte en question, incorporé dans le préambule de la Constitution de la Vème République est suffisamment court, limpide et ses dispositions se suffisent à elles-mêmes pour puiser l’inspiration nécessaire au jugement de la loi conformément aux principes de justice. Ainsi le recours à un bloc de constitutionnalité fourre-tout mêlant des dispositions arbitraires et contradictoires n’est fort heureusement pas obligatoire pour percevoir les justes limites d’un gouvernement. C’est pourquoi nous allons essayer de proposer de manière ludique une petite fiction, une « contre-décision de justice constitutionnelle » en interprétant la DDHC conformément à l’esprit des révolutionnaires qui se sont notamment attaqués, le 4 Août 1789, aux privilèges des corporations auxquelles nous sommes aujourd’hui de nouveau confrontés et qui bénéficient hélas de la sympathie de ceux qui, à l’aide du droit constitutionnel, ne devraient pourtant pas hésiter une seule seconde à les neutraliser sur le plan juridique. Il s’agit en somme d’imaginer ce que statuerait une véritable juridiction constitutionnelle digne de ce nom.
Politique fiction
Affaire UberPop : Contre-décision de justice
LA COUR DE JUSTICE CONSTITUTIONNELLE (oui, on va modifier le nom pour se mettre dans l’ambiance)
Vu la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ;
Vu le code des transports ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3124-13 du code des transports : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120-1 sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions portent atteinte aux principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de proportionnalité des peines et de présomption d’innocence ; qu’elles reprochent également à ces dispositions de méconnaître la liberté d’entreprendre ainsi que le principe d’égalité devant les charges publiques ;
En ce qui concerne le principe de nécessité et de proportionnalité des peines :
3. Considérant que, selon les sociétés requérantes, les dispositions contestées méconnaissent le principe de nécessité des peines ; qu’elles font valoir qu’en sanctionnant pénalement toute personne qui organise un système de mise en relation de particuliers en vue d’effectuer une prestation de transport « à titre onéreux » sans préciser les modalités, la destination et la forme de rétribution du service rendu, ces dispositions ont pour effet d’interdire toute forme innovante de transport entre particuliers à titre occasionnel ; qu’en particulier, ces dispositions incrimineraient toute organisation d’un système de réservation proposant des services de transport de personnes, y compris ceux dans lesquels les conducteurs demandent une simple indemnisation pour couvrir leurs frais de carburant et d’utilisation du véhicule.
4. Considérant que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
5. Considérant que le caractère «strictement et évidemment nécessaires» des peines doit être apprécié conformément à la fonction et aux limites du champ de la loi, lesquelles sont notamment mentionnées à l’article 4 de la DDHC qui dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. » ; que le législateur est tenu de protéger l’exercice des droits naturels de chaque homme selon un principe d’égalité.
6. Considérant que les droits naturels auxquels l’article 4 de la DDHC fait référence sont listés dans l’article 2 de la même déclaration qui dispose : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.» ; que le législateur est tenu de protéger la jouissance desdits droits.
7. Considérant que l’article L. 3124-13 incrimine le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent à des prestations de transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, à l’exclusion des transports publics collectifs mentionnés au titre 1er de la partie législative du Code des transports et du transport privé routier de personnes mentionné au titre III du même code.
8. Considérant que le fait d’organiser un tel système de mise en relation relève de la liberté d’entreprendre, laquelle découle des deux droits naturels listés dans l’article 2 de la DDHC que sont la liberté et la propriété ; que l’organisation d’un tel système ne porte atteinte ni à la liberté, ni à la propriété, ni à la sûreté, ni au droit de résistance à l’oppression d’autrui ; que le législateur, incriminant une activité qui ne porte pas atteinte aux droits naturels d’autrui, a violé la fonction de la loi définie à l’article 4 de la DDHC et par conséquent le principe de nécessité et de proportionnalité des peines mentionné à l’article 8 de la même déclaration.
DÉCIDE, ET SANS QU’IL SOIT NÉCESSAIRE DE STATUER SUR LES AUTRES GRIEFS :
- L’annulation de l’article L. 3124-13 du Code des transports
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
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triste pays….. une bande de beaux salopards…
Le pouvoir politique s’ingère dans l’économie en protégeant un monopole de transport privé… c’est tout dire de l’état de déliquescence de la politique française. Une faillite collectiviste de plus. Si les philosophes des Lumières revenaient, il ne reconnaîtrait pas l’esprit des Lois…
cela ne sauvera pas les taxis !
People’s Republic of France.. Aucun espoir. Ne reste plus que la CEJ. Pauvre pays bien aime, j’ai bien fait de te quitter.
Finalement, c’est à se demander si les terroristes n’œuvrent pas pour le bien public….
l’entreprise blablacar est momentanément à l’abri car rachetée par l’entreprise nationale sncf, mais ça doit turlupiner plus d’un …
Je suis désolé mais vous vous enflammez à tort. C’est vous qui êtes aveugles.
Le fond de l’affaire est résumé par le CC lui même :
 »
seuls [sont] autorisés à pratiquer [le transport à titre onéreux de personne] les taxis, les voitures de transport avec chauffeur, les véhicules motorisés à deux ou trois roues ainsi que les entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier de ce livre ;
 »
En somme, seuls les entreprise de transport de personnes à titre onéreux (de toute nature et toute forme juridique possible) on le droit de transporter des personne à titre onéreux …
La belle affaire, même pour un libéral …
Sachant qu’évidemment il reste loisible à n’importe qui souhaitant transporter des personnes contre rémunération, de créer l’entreprise ad hoc (*)…
Que vouliez vous que le conseil constitutionnel censure dans cette histoire ???
(*) Il y aurait peut-être eu là un axe d’attaque de la loi, dans la mesure où la loi pose qu’en principe l’activité soumise à autorisation, mais c’est trop technique pour que le CC s’auto-saisisse de l’argument pour censurer. Il aurait fallu que les auteurs du recours soulèvent l’argument, et ils ne l’ont pas fait.
Effectivement l` auteur de cet article c`est perdu dans une attaque du CC sans rapport avec le sujet. Comme vous l` avez parfaitement indique, le CC ne pouvait donc pas prendre une autre décision.
Le CC ne fait pas la loi.
uberpop transporte des passagers ou « met en relation »?
il met en relation des clients potentiels avec des fournisseurs … interdits !
A partir de là , l’interdiction d’uberpop était logique. Aussi logique que l’interdiction d’une application mettant en relation des malades et des rebouteux non medecins puisque l’exercice de la médecine est réservée aux medecins.
La seule chose qui aurait pu sauver uberpop, c’est de démontrer qu’il était inconstitutionnel, au départ, d’interdire les fournisseurs visés. Or personne n’a essayé, et pour cause : même d’un point de vue libéral, il est difficile de considérer qu’on viole les droits de l’Homme et la constitution, en réservant la rémunération d’un service aux professionnels, sachant que tout un chacun conserve le droit, soit de rendre le service si il se limite à un défraiement, soit de se faire professionnel (si il veut une rémunération)
J’avoue ne pas comprendre votre commentaire dans la mesure où ce qui était visé ici, c’était l’incrimination d’une activité réservée à un monopole et non le monopole lui-même. Et il n’est pas question ici de critiquer le monopole des taxis. Tout simplement parce que ce n’était pas l’objet de la décision de justice, ni du contentieux en question.
mais il n’y a aucun monopole : n’importe qui conserve le droit de se faire transporteur professionnel (et pas seulement taxi) si il veut gagner des sous, ou de faire du covoiturage avec défraiement si il ne veut pas gagner de sous.
Où est le scandale, même d’un point de vue libéral ?
A partir de là , il est logique que la loi interdise la mise en relation de client avec des gens qui veulent gagner de l’argent dans le transport sans pour autant se faire transporteur pro.
Où est le scandale, même d’un point de vue libéral ? (bis)
La décision du CC était logique et c’était la seule possible.
« mais il n’y a aucun monopole : n’importe qui conserve le droit de se faire transporteur professionnel (et pas seulement taxi) si il veut gagner des sous ».
Non justement. Si demain je prends ma voiture en tant que particulier pour conduire des gens et que je fais du profit, je suis dans l’illégalité.
« A partir de là , il est logique que la loi interdise la mise en relation de client avec des gens qui veulent gagner de l’argent dans le transport sans pour autant se faire transporteur pro. »
J’ai du mal à comprendre votre argument là aussi. Personne n’a de légitimité à condamner quelqu’un qui met en relation deux particuliers qui veulent échanger un service de transport.
En fait c’ est simple: le conseil constitutionnel en validant la loi thévenoud met les politiques devant leur responsabilité. Il ne peux pas remmettre en cause la loi thévenoud alors que les lois sur les transport de personnes etc sont constitutionnelles. Bref si on veut remettre en cause la loi thevenoud que les politiques changent la loi sur les transport de personnes de fond en comble et la la loi thevenoud pourra etre declarer imcompatible avec la constitution. Si la loi avait ete rejete par le conseil constitutionnel il y aurait eu une flagrante incohérence: on ne peut pas autoriser uberpop et autoriser que les entreprise de transport a transporter des gens. De plus le conseil constitutionnel statue apres qu’une loi est ete promulguée pas avant sinon il influe sur les proposition de loi ce qui n’est pas son role, a part si on decide qu’une constitution par nature ne peut etre modifié mais c’est un autre débat.
Si tu crées ton entreprise non sinon effetivement oui.
La légitimité n’a rien a voir la dedans. A partir du moment ou le transport de personne à titre onéreux n’est autorisé que par des entreprise et que cela est validé par le CC, Uberpop ne peut etre qu’interdit puisque qu il ne se definit pas comme une entreprise de transport de personne a titre onereux. Maintenant c’est aux politiques de modifier la loi régissant le transport de personne pour mettre à plat celle ci et faire en sorte que les professionels comme les non pro puissent faire du transport onéreux. Et meme la ce n’est pas gagné parce qu’une telle modification irait en contradiction avec l’egalite des charges. En fait le président qui voudra l’autoriser devra remettre a plat tt le systeme.Des transports en passant par les impots comme la secu etc… et la libéral ou pas la tache sera ardue…
Bah si une incrimination d’une activité reservée à un monopole aboutit dans le sens de cette activité le monopole est remis de facto-en question, a part si vous reussissez a rendre constitutionnel à la fois le monopole des entreprises de transport a titre onereux et la possibilité à n’importe qui de faire du transport a titre onéreux sans etre un obligatoirement un professionel.
Uber détruit plutôt la liberté d’entreprendre en constituant un monopole qui empêche la concurrence par une application proche de celle qu’elle a diffusée.
Elle est de fait un racket dont les exploités ne sont pas des contribuables sommés de payer des taxes astronomiques, mais des chauffeurs dont elle prend une grosse partie de la valeur ajoutée grâce à sa position dominante, dans le secteur de l’information et même de la finance le dominant, comme Google, tend à prendre toute la valeur ajoutée de ceux qui sont en relation avec lui. La concurrence est faussée, éliminée et un empire immobile s’installe (mafia).
Le principe de précaution qui fait partie de notre Constitution devrait faire réguler ou interdire un tel danger pour le libéralisme et pour la liberté d’activité humaine.
Rassurez-moi, vous faites de l’ironie? Right?
Non, il est taximan.
Uber c’est aussi fini en Belgique, la décision vient de tomber et est d’application dans 21 jours, espérons que les recours changeront la donne, en tout cas je ne prendrai plus jamais un taxi.