Homophobie en Tunisie : où sont les démocrates ?

Il faut abolir l’article homophobe du Code pénal tunisien !

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Ville de Victoriaville-drapeau (CC BY-ND 2.0gay

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Homophobie en Tunisie : où sont les démocrates ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 septembre 2015
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Par Farhat Othman.

Ville de Victoriaville-drapeau gay (CC BY-ND 2.0)
Ville de Victoriaville-drapeau gay (CC BY-ND 2.0)

 

Il est pour le moins surprenant que les démocrates de Tunisie se taisent, sinon se terrent dans l’ignominie de la démission, alors que les militants démocratiques de par le monde dénoncent une pratique moyenâgeuse, celle du test anal, ayant valu à un innocent jeune étudiant d’être privé de la fête de l’Aïd dans sa famille, condamné pour homosexualité ; ou plutôt homosensualité, terme plus adéquat que je propose.

Car on a condamné à un an de prison ferme un jeune homme bel et bien innocent, n’ayant rien commis de répréhensible, juste coupable d’amour, s’étant juste conformé à la nature placée en lui par Dieu et la nature.

Une loi scélérate anti-islamique

L’article 230 du Code pénal date de la colonisation et a été conservé par la dictature pour contrôler la société, brimer la jeunesse. Il est scélérat, n’ayant rien d’éthique dans sa condamnation injuste des rapports sexuels de même sexe. Non seulement il viole les articles 23 et 24 de la Constitution, il bafoue aussi l’Islam dont il prétend appliquer la morale.

Car l’Islam authentique n’est pas homophobe1 ; la condamnation qui s’y est imposée est une fausse interprétation de ses préceptes, imposée par des jurisconsultes influencés par la tradition judéo-chrétienne. Les rapports entre même sexe sont parfaitement naturels et le Coran n’y a prévu aucune prescription, se limitant à rappeler la condamnation biblique expresse sans toutefois la confirmer. Or, en droit islamique, le principe est la licéité en l’absence d’interdiction expresse.

L’anathème qui prévaut actuellement est le fait de jurisconsultes ayant eu l’imaginaire influencé par la Bible, la plupart étant des non-Arabes. Des sommités de docteurs de la Loi ont aussi attesté qu’il n’est aucun dire véridique en la matière dans la tradition du prophète. Les deux compilations majeures de Boukhari et Mouslem ne comportent d’ailleurs aucun hadith sur l’homosensualité.

Une loi qui fait le lit de l’intégrisme

L’article 230 est donc anti-islamique ; il est surprenant sinon révoltant qu’on continue à l’utiliser pour harceler des innocents. C’est lui qui est immoral et non les pratiques reprochées aux femmes et hommes homosensuels !

Le plus offensant est de voir nos médecins et nos juges participer à l’ignominie des tests anaux, véritable torture morale ! Ces derniers, surtout, ont eu tort d’offenser de la sorte l’innocence et l’amour. D’autant plus qu’on a vu la magistrature relaxer des tenants de discours haineux dont le seul but est de semer haine et violence. Depuis quand l’amour doit-il être traité plus sévèrement que la haine ?

L’article 230 du Code pénal est à abolir maintenant, car il fait le lit de l’intégrisme par la répression qu’il permet et les sentiments de haine qu’il cultive. L’intégrisme est rampant dans les têtes qu’il pollue et vicié par de fausses vérités, à tort supposées éthiques. Or, la Tunisie est en guerre contre le terrorisme ; c’est en abolissant ses germes qu’elle la réussira, le terrorisme physique étant alimenté par le terrorisme mental.

Il faut abolir sans plus tarder le honteux article 230, négation de l’État de droit et du vivre-ensemble démocratique. Que le ministre de la Justice sauve l’honneur bafoué de la Tunisie de la Révolution en faisant appel du jugement inique et en exigeant la libération immédiate du jeune innocent, quelle que soit la formule juridique à utiliser !

Pour un humanisme intégral

On ne peut plus se voiler la face : l’homophobie en Tunisie est une tare juridique, survivance de la colonisation maintenue par la dictature. On y tient au prétexte que la société serait conservatrice ; une telle analyse est absolument fausse.

Ce sont bien nos élites qui ne sont pas prêtes à la démocratie, manifestant de l’intégrisme religieux, du rigorisme moral et un antidémocratisme évident. Celles au pouvoir souhaitent ne pas se dessaisir d’une arme redoutable pour contrôler une jeunesse de plus en plus turbulente.

Il a été prouvé2 que notre société dans sa majorité est tolérante, acceptant dans les faits, mais en catimini, les rapports entre personnes de même sexe, la vision du sexe en terre arabe étant total, bisexuel comme on dit. Si à la surface on a un comportement de rejet, ce n’est qu’une apparence trompeuse, la manière sociale de s’adapter au milieu de contraintes légales et morales. Surtout que la minorité activiste homophobe est violente et n’hésite pas à recourir aux plus graves extrémités.

Une conscience endormie

Ce qui encourage une léthargie, la conscience démocratique étant endormie, anesthésiée chez des élites incapables de répondre adéquatement au discours machiavélique des tenants d’un islam frelaté, supposé modéré.

On l’a vu avec le chef islamique, bien conseillé par ses soutiens américains, qui a su manœuvrer en prenant les devants pour se dédouaner, déclarant, mais à l’étranger, n’être pas opposé à l’abolition de l’article 2303. Ainsi, le moment venu, lui sera-t-il un jeu d’enfant de rappeler cette attitude de pure jonglerie.

Une telle position est effectivement purement tactique, M. Ghannouchi n’ayant rien fait pour la confirmer par des actions concrètes, les seules qui comptent. Ainsi n’a-t-il accordé aucun intérêt à la proposition de loi4 qui lui a été soumise, et communiquée à ses députés.

Le plus grave, c’est que pendant ce temps les démocrates acceptent un tel jeu du tabou de l’homophobie défigurant l’islam et la démocratie. Ils gardent un silence honteux, comme ce mutisme de la LTDH (Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme) bien qu’officiellement interpellée !5 À moins que la Ligue ne se décide dans les heures qui viennent, il s’agira de sa part d’une forfaiture, son devoir étant de réagir, au risque d’un sérieux dévergondage des droits de l’Homme en Tunisie.

Saluons, à cette occasion, le sursaut salutaire venant des jeunes du parti Al-Massar, les seuls politiques à s’être signalés par une attitude honorable depuis le jugement de la honte. Les adultes de ce parti ont le devoir de suivre leur exemple ; s’ils ne le font pas, il en sera fini de l’honneur du parti.

Appel aux démocrates

Aujourd’hui, l’histoire est en marche dans notre pays et celui qui n’est pas dans son carrosse sera réduit à la poussière que soulèvent ses roues.

Tous les démocrates sans exception doivent prendre position sur l’abolition impérative de l’antédiluvien article 230 et des pratiques immorales qu’il autorise.

Demain commence maintenant et c’est dans nos têtes que tout se joue ; la pensée étant en mesure de transformer en réel du virtuel.

Qu’on n’oublie surtout pas qu’abolir l’article 230, c’est servir la vraie éthique de l’islam, abandonnant une interprétation qui en vicie les vraies valeurs, celles de l’humanisme et de la tolérance ! Et c’est surtout se conformer à la Constitution en édifiant véritablement l’État civil et de droit. C’est ainsi qu’on stoppera daéchisation en cours des mentalités.

 

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  • La photo choisie pour illustrer l’article est totalement hors de propos. Les 3 singes représentent les 3 sagesses, qui sont en gros « ne cherche pas le mal en l’autre », « ne dis pas du mal des autres », et « n’écoute pas le mal qu’on te dit des autres », et n’ont rien à voir avec le fait de se voiler la face, ou de faire l’autruche pour ne pas avoir à affronter la réalité.

    Ces déformations de symboles et de traditions étrangères sont irritantes et signent un manque total de considération pour la valeur de ces cultures.

    HS, je perds sans doute mon temps, mais ça va mieux en le disant 🙂

  • Indépendamment de la vérité de ce que vous défendez, vous dites « …c’est servir la vraie éthique de l’islam, abandonnant une interprétation qui en vicie les vraies valeurs, celles de l’humanisme et de la tolérance ! »

    C’est sérieux là? Que ce soit votre vision de l’islam vous honore, et même si c’est celle de la majorité des musulmans, ça n’en fait pas pour autant une preuve que « les valeurs » de l’islam sont « l’humanisme » et la « tolérance ». Ces termes creux et bienpensants et l’idéologie qui les sous-tend n’existaient même pas à l’époque de Mahomet. J’ai lu le Coran (et pas qu’une seule fois), qualifié de miracle par les croyants, et je n’y ai pas lu une seule fois des références à la « tolérance », à « l’humanisme ». Plutôt l’inverse, et la « miséricorde » n’est accordée qu’à ceux qui se convertissent. Autrement dit, pas de miséricorde du tout, en fait.

    Peut-être que je me trompe totalement. Mais alors, il va falloir argumenter, quelques hadiths dénichés d’on ne sait où ne vont pas suffire, et encore une fois, arrêtez d’employer cette langue de bois contemporaine, cet universalisme des Lumières totalement hors de propos dans le contexte de l’islam.

    • Ma vision de l’islam est elle du soufisme qui est, à mon sens, la seule lecture valide de cette foi.
      Je ne peux ici tout développer, l’ayant fait et le faisant ailleurs; je vous invite d’y revenir.
      Car aujourd’hui, il est une bataille en cours en Tunisie et il importe d’y utiliser les armes les plus efficaces.

      • Le Soufisme, dont je respecte et honore volontiers les principes et les pratiques spirituelles, n’a à mon sens pas grand chose à voir avec le Coran et la Sunna.
        Les racines du soufisme, les pratiques basées sur la giration, sur le souffle, sur l’attention, etc, ne doivent rien à Mahomet, sont antérieures à Mahomet, viennent d’ailleurs et sûrement pas de l’islam. Or, si vous enlevez ces pratiques du soufisme, vous le réduisez à un corpus religieux privé de sa colonne vertébrale, exactement comme si on retirait au bouddhisme ses pratiques de méditation.

        Je n’ai certes pas connaissance du contexte historique dans lequel le soufisme est né, je perçois, peut-être par erreur, une espèce de syncrétisme qui se serait fait avec l’islam. Mais si l’islam ne considère pas le soufisme comme conforme à ses dogmes, alors mes doutes semblent plutôt se confirmer.

        Vous dites que le soufisme est la seule lecture valide de l’islam, c’est une sacrée révolution que vous affirmez là! Je ne vais pas dire que c’est « iconoclaste » l’islam interdisant toute représentation (quoique?), mais sauf votre respect, cela me paraît plus de l’ordre du fantasme! Si vous avez des sources, des liens, je suis modestement preneur.

        Cela dit les armes que vous entendez utiliser, en temps de guerre, sont bien sûr indispensables, mais au final, j’ai l’impression qu’il n’y a qu’avec la poudre qu’on peut arriver à faire entendre raison à des fanatiques.

        • Le soufisme est fondamentalement enraciné en islam, il est basé sur le texte coranique, tenant compte moins de sa lettre que de son esprit et ses visées. Il se base aussi sur la Sunna authentique.
          C’est le seul vrai salafisme, au sens de retour à la juste tradition.

  • « L’histoire justifie ce que l’on veut elle n’enseigne absolument rien car elle contient tout et donne des exemples de tout. Elle est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré ». Paul Valery

    La question n’est pas pour moi ce ce que contient l’histoire, le Coran ou l’islam qui expriment un regard ancien sur les autres humains. La question n’est pas non plus la nature ou les enfants (les muets qui permettent de tenir des propos souvent honteux sans en endosser la responsabilité). La question qui se pose est celle du présent et de l’avenir. La question qui se pose est celle de notre choix.

    La question qui se pose est celle de sa responsabilité personnelle. Au delà des idées ou religion, la question qui se pose est celle du « regard » que l’on pose sur ses amis, ses collègues de travail et les membres de sa famille.

    Un test anal est, à mon sens, une pratique de torture.

    • Je partage votre analyse, mais ce n’est pas le propos ici.
      Je le dis dans d’autres articles, militant pour un humanisme intégral que je qualifie d’ordo amoris universalis.
      Il se trouve que nous sommes en face, actuellement en Tunisie, à un terrorisme rampant, physique comme mental; et il échet de le contrer.
      Pour être entendu, et sans céder en rien sur les valeurs qui sont les nôtres, il nous faut tenir un langage qui soit compris de tous et susceptible de servir cette guerre axiologique.
      Cela peut certes prêter à confusion, mais l’objectivité commande de juger sur pièces, et elles sont à portée d’un clic de souris.

  • cet article est une attaque tres gratuite contre les elites et les democrates….on torture ,Mr Othman, sans arret dans les postes de police !…pourquoi n’a-t-on pas entendu votre voix ?…vous etes tres selectif dans vos indignations..

    • C’est votre attaque qui est gratuite. Chacun mène les combats qu’il veut, et nul n’est tenu de s’élever seul contre tous les maux de la planète entière.

      Commencez par mener de vrais combats, et pas juste à coups de commentaires aussi oiseux qu’idiots.

    • La règle est la division du travail, mon ami.
      Par ailleurs, la torture est régulièrement dénoncée.
      Il faut bien parler de ce dont on ne parle pas.
      Surtout ce qui relève de ces freins dans l’inconscient, viciant l’imaginaire.

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