François Fillon : la rupture… rhétorique ?

Pourquoi François Fillon n’arrive pas à percer.

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François Fillon (Crédits Andrew Newton licence Creative Commons)

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François Fillon : la rupture… rhétorique ?

Publié le 1 octobre 2015
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Par Christophe de Voogd.
Un article de Trop Libre

François Fillon (Crédits Andrew Newton licence Creative Commons)
François Fillon (Crédits Andrew Newton licence Creative Commons)

Candidat à la primaire des Républicains, François Fillon ne parvient pas à décoller dans les sondages. Il est pourtant un orfèvre du raisonnement par contradiction, le plus efficace pour détruire la position adverse.

Il y a décidément un « mystère Fillon » : pourquoi cet homme dont l’expérience est unanimement reconnue, dont la compétence est partout saluée et dont les réseaux parlementaires et sociaux sont très actifs n’arrive pas à décoller dans la course aux primaires à droite ? Et cela même alors qu’il vient de bénéficier d’une forte couverture médiatique lui offrant une palette complète des modes d’expression, de l’interview au discours en passant par le débat, et pas des moindres, comme le face à face avec Manuel Valls.

Tout cela en relation avec la parution de son bon livre Faire, qui détonne dans la « littérature des politiques », par le sérieux du travail accompli et la qualité de l’écriture. Et pourtant… le sondage Odoxa qui vient de tomber ne laisse guère de doute : 72% des Français ne lui trouvent pas une carrure présidentielle.

La réponse pourrait bien se trouver, pour une bonne part, dans son mauvais positionnement rhétorique. Non que François Fillon soit un mauvais orateur. Il est l’homme d’excellents discours, en particulier à l’Assemblée, aussi bien comme Premier ministre et comme opposant : son intervention dans le débat sur le « mariage pour tous » en 2013 était un chef d’œuvre d’argumentation. Davantage, il s’est montré, lors du congrès fondateur des Républicains cette année, capable de retourner une salle à la fois dissipée et hostile qui est passée, en 15 minutes, des sifflets aux applaudissements.

De fait, dans ces discours, il a fait preuve d’une stratégie rhétorique efficace et constante : l’argumentation rationnelle (logos) au service d’un homme posé, cohérent et responsable (ethos). François Fillon est notamment un orfèvre du raisonnement par contradiction, le plus efficace pour détruire la position adverse. Il débusque les contradictions entre les faits et les discours, entre les discours eux-mêmes, mais plus encore au sein d’un même discours : il sait ainsi pousser la déduction jusqu’à l’absurde pour démontrer l’inconséquence des prémices de l’autre camp. Ainsi, lors du débat sur le mariage pour tous, il prouve que l’impératif d’égalité ne peut que conduire, malgré les assurances du gouvernement, à l’acceptation de fait puis de droit de la GPA et de la PMA (que cela soit un bien ou un mal n’est pas la question ici). Même recours à la contradiction, mais cette fois à l’égard de son propre camp, lors du congrès fondateur des Républicains : François Fillon a axé toute son argumentation sur l’idée que le rêve d’une alternance facile et molle serait contradictoire avec les valeurs historiques du parti, son changement de nom et les défis du pays.

Sans surprise, l’on retrouve le même positionnement dans le débat avec Manuel Valls, avec l’excellente ouverture sur « où est donc passé le Manuel Valls qui disait que… ?»

Mais voilà, l’élan a vite tourné court : après cette entrée en matière, François Fillon s’est comme absenté du débat, laissant le Premier ministre dérouler sa propre rhétorique. Pire, son body language a été très contre-productif : repli dans le fauteuil, tête basse, parfois même signes d’acquiescement. Quelques sursauts et une bonne fin, toujours sur le thème de la contradiction, notamment entre le Premier ministre et sa majorité ont sauvé l’exercice.

Mais les résultats montrent que François Fillon n’a pas vraiment gagné en crédibilité : 36% de messages favorables sur les réseaux sociaux contre 51% de négatifs (source : Vigiglobe) ; si Manuel Valls a fait pire encore (27% pour, 60% contre), c’est avant tout du fait de ses propres failles rhétoriques qui le rendent de plus en plus inaudible.

Et pourtant quel boulevard s’offrait au challenger ! Non pas qu’il s’agissait « d’étriller » le Premier ministre mais l’occasion était rêvée de le décrédibiliser pour de bon : hausse sensible et inhabituelle du chômage en août, gestion de la crise des migrants, réformes a minima et inappliquées, etc. Plus encore, Manuel Valls lui offrait sur un plateau les armes pour se faire battre : l’utilisation, suicidaire dans son cas, du titre de l’émission Des paroles et des actes, les « approximations » sur la fiscalité et le CICE, la comparaison périlleuse des bilans entre les quinquennats Hollande et Sarkozy, etc. François Fillon a totalement manqué de réactivité, alors même que les séquences précédentes où son interlocuteur était en difficulté manifeste lui auraient permis de pousser son avantage. Et pourquoi avoir repris si tard et si timidement son excellent « le sang et les larmes, c’est maintenant », renversement parfait du slogan «hollandais de 2012 (toujours la contradiction !) qu’il avait martelé avec bonheur lors son discours devant les Républicains ?

Nous tombons là sur un fait décisif : François Fillon est bien meilleur orateur que débatteur. Homme bien élevé, soucieux de la nuance, respectueux de l’autre et sensible aux titres et aux positions, il lâche trop vite prise : en témoigne le titre de « M. Le Premier ministre » qu’il donne d’entrée de jeu à Manuel Valls : erreur de débutant qui vous place tout de suite en position d’infériorité. Et erreur déjà commise par Philippe Seguin, le maître en politique de François Fillon, lors du débat de Maastricht, où son respectueux « Monsieur le président de la République » adressé à François Mitterrand avait réglé d’emblée l’issue du débat….

De là, l’idée ancrée dans l’opinion que François Fillon ne s’affirme pas assez, qu’il évite le conflit, avec Nicolas Sarkozy comme avec Manuel Valls, ou s’y épuise, comme avec Copé ; bref qu’il est un excellent « second de la classe » mais n’a pas « la carrure présidentielle ». À quoi s’ajoutent un sourire trop rare, alors qu’il peut être rayonnant, une empathie trop mesurée, alors qu’il sait en faire preuve, des images et des formules trop comptées, alors qu’il les maîtrise parfaitement à l’écrit. Enfin l‘usage d’un registre où il y a forte concurrence à droite : le logos est aussi la spécialité d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire…

Il faut donc que François Fillon s’en distingue. La valeur de liberté, qu’il a choisie de mettre en avant, avec courage dans un pays ultraconservateur, lui en donne l’occasion rêvée. Mais encore faut-il qu’il résolve le conflit entre cette valeur et le logiciel de la droite française, « ordre et autorité », qu’il incarne aussi bien par sa personnalité que par ses références dominantes. C’est à ce prix qu’il pourra vraiment libérer sa propre rhétorique.

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  • à mon trés humble avis , fillon est beaucoup trop réservé ;en gros , il ne  » gueule  » pas assez fort ;il ne tape pas assez du point sur la table ; il ne se fait pas assez entendre ; en politique , il faut crier plus fort que l’autre si on veut être audible ;

  • En France, si on n’assume pas une grosse part de bullshit évident, si on n’est pas caricatural : soit grande gueule (à la Tapie, Chirac, JMLP ou Mélanchon) ou à l’opposé subliminal (à la Mitterand ou Hollande) ça ne passe pas.

    Un homme politique qui n’est ni Obélix, ni Iznogoud n’a aucune chance.

    Ça démontre le niveau d’intérêt dans la politique (ou plutôt dans le show politicien)

  • bonne photo du personnage.
    bonne photo aussi des Français qui jugent le présidentiable à sa verve , aux attaques en tout genre.
    et pourtant, le seul projet sérieux actuellement tout partis confondus.

    mais que voulez-vous,pour nombreux Français, la blagounette est plus importante que le fond..
    on sait ou cela même…et on y va…

  • « soucieux de la nuance » : pour moi, c’est une grande qualité, mais en politique, tout au moins pour celui qui est sur le devant de la scène, il faut cogner et sourire.
    L’attelage idéal serait d’avoir en représentation le cogneur qui sourit et en back office celui qui, capable d’analyse et de nuance, détermine la politique. Pas un premier et un second de classe, mais deux fonctions aussi indispensables l’une que l’autre, qu’on trouve rarement en un seul homme.
    Le cogneur qui sourit doit songer à bien s’entourer. Malheureusement, il est souvent suivi par des opportunistes qui pensent surtout à leur possibilité d’accéder à de hautes fonctions en suivant tel ou tel homme politique.

  • Qu’il faille être un cogneur pour arriver au pouvoir est l’un des inconvénients du système électif,
    mais que n’a pas la royauté héréditaire…
    (ni d’ailleurs le tirage au sort 🙂 )

  • M. Fillon, lors de ses apparitions publiques, cultive un style atypique auquel nous ne sommes pas (ou plus) habitué : il refuse la polémique, ne cherche pas les éclats, évite les répliques blessantes, préfère se taire que ferrailler inutilement. Il explique sans cesse que sa légitimité repose uniquement sur son travail (le seul candidat à avoir élaboré un véritable programme) et son expérience (1er ministre et 5 fois ministre). Son côté inclassable, ni bling-bling, ni bobo, ni intello, dérange. Cette attitude le fait souvent passer aux yeux de nombreux Français, trop habitués à la politique spectacle, pour un homme austère qui manque de mordant et de détermination. Je crois comprendre que c’est tout le contraire ! C’est un homme de conviction qui s’efforce de redonner constamment de la hauteur, de la dignité et de la cohérence à la parole publique en incarnant un comportement sobre et pudique tant sur le plan des déclarations que de sa vie privée. Il fait le pari risqué que les électeurs lui seront gré de sa retenue. Mais voilà, la scène médiatico-politique préfère la politique des coups de menton, des répliques cinglantes, des promesses fumeuses, du copinage showbiz, des vengeances recuites. Au plan de la philosophie politique on pourrait lui conseiller de jouer de la crédibilité que lui confère sa droiture pour aller au bout de ses idées et promouvoir avec audace une vision ordo-libérale vraiment disruptive. Ce champ politique, seul porteur d’avenir et complètement vierge dans notre pays, aura t’il le génie de l’explorer ?

  • Qualifié d’eunuque par Sarko il n’a pas bougé d’un sourcil.

  • Il n’est pas forcément nécessaire de se montrer agressif, discourtois, auteur de petites phrases assassines, etc., mais il faut montrer qu’il y a une ligne derrière laquelle on ne reculera pas, quoi qu’il arrive. Fillon n’a jamais montré cette limite, il peut encore le faire, mais j’en doute, et les Français avec moi. S’il avait lâché poliment Sarko vers 2011, en disant que la politique menée ne correspondait pas suffisamment à celle qu’il aurait faite s’il avait eu l’initiative et qu’il allait se retirer un moment pour écrire son bouquin, ce serait différent.

    • @ MichelO : Je suis d’accord avec vous, mais je pense que comme son mentor Philippe Seguin, il a considéré (à tort ou à raison) plus digne de continuer à servir à sa place et d’attendre son tour plutôt que de chercher la rupture. C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Mais il est maintenant candidat déclaré il doit effectivement changer de braquet…

    • « Il n’est pas forcément nécessaire de se montrer agressif, discourtois, auteur de petites phrases assassines »

      Ni agressif, ni discourtois, certes, mais balancer une vacherie bien sentie ciselée dans un bon mot cruel est une obligation professionnelle en politique, surtout France. Qui d’entre nous ne se délecte pas des perfidies du Tigre ou du Général ? Le maître absolu en était sans doute Sir Winston, qui parlait très bien français d’ailleurs, c’est un signe. Si vous voulez aider François Fillon – Voldemort, offrez lui les recueils des plus belles répliques de ces orfèvres.

  • Je ne donnerai pas Fillon perdant.
    Je crois qu’il marque des points petit à petit, ses propositions sont cohérentes face à Sarkozy qui est décevant et dont je n’arrive pas à voir l’exact programme sinon la recherche de consensus au sein de sa famille, ce qui ne conduit à rien et qui a plombé son quinquennat.
    Quand à Juppé, je crois voir un clone de Chirac, je sens le centrisme mou, pas de vagues. Il cherche une alliance avec un modem en déshérence, une UDI dont on ne sait pas où elle va, comme le montre sa querelle en région Bretagne où elle se déclare prête à soutenir le Brian (PS) contre le Fur (LR).
    En conclusion, face à un Sarkozy que je n’arrive pas à suivre, un Juppé dont les alliances me font craindre une politique sociale démocrate molle, je ferai confiance à Fillon qui me semble le plus cohérent et le plus libéral.

    • +1
      L’article est intéressant mais il ne faut pas oublier que la course est longue d’ici 2017.

      Je serai assez tenté de croire que Sarko va finir par se décrédibiliser tout seul.
      Il a en plus les média contre lui et je pense qu’une partie des électeurs de Droite ne veulent plus d’un quinquennat avec du Sarko bashing non stop.

      Juppé, je pense que la Droite va vite voir au travers et se rendre compte qu’il s’agit ni plus ni moins d’un social-démocrate d’une part et que, d’autre part, il ne comprend rien à l’évolution du monde actuel (identité, uberisation, Europe…). Sans compter qu’il a été condamné et qu’il touche une retraite confortable et scandaleuse de haut fonctionnaire.

      Je pense aussi que les Français en ont assez des bateleurs genre Sarkozy ou Hollande, et qu’il y a une place pour un homme d’Etat posé, nuancé, réfléchi.

      Dans ces conditions Fillon a sa chance.

      Mais peut-être fais-je du wishful thinking…

    • Je partage votre point de vue sur les propositions de Fillon comme alternative cohérente et crédible à la gauche, surtout s’il faisait ticket avec Lemaire. Je partage aussi votre opinion sur Juppé, droit dans ses charentaises (on les porte aussi à Bordeaux). Quand à Sarkozy, pour faire dans l’animalier, c’est un tigre de papier, une bête de politique fort en gueule mais un poulet sans tête une fois au pouvoir.

      • Juppé est un socialiste. Il n’aura plus qu’à faire un ticket avec Hollande, au moins il sera avec quelqu’un qui partagera son point de vue.
        Bismuth est une machine à perdre, même Marion Maréchal Le Pen fait plus crédible dans le côté pseudo-identitaire-libéral… Et puis ses blagues ne relèvent pas le niveau de Carambar.
        Assurément, il n’y a plus que Fillon, qui pourrait d’ailleurs former un ticket avec Mariton ou Lemaire. Je pense même que Fillon n’a plus rien à faire chez les ripouxblicains, qu’on aurait tout aussi bien pu appeler « parti socialiste n°2 ». Il pourrait constituer l’élan nécessaire à la formation d’un courant réellement libéral-gaullisto-conservateur. En tout cas, si ce n’est pas Fillon en 2017, alors ce sera reparti pour 5 ans de socialisme…

  • c’est vrai que s’il avait donné le ton d’entré de jeu avec du « mon petit manolo » plutôt que « mr le premier ministre », le débat aurait été tout de suite plus animé !……

  • La rhétorique, si bonne soit-elle ne saurait effacer, ses 5 ans d’inaction quand il était le « collaborateur » de Sarkozy. Mou comme une limace serait un qualificatif pour ce « libéral » dont les convictions fondent comme neige au soleil dès qu’il ressent la moindre contradiction (qu’elle vienne d’en bas ou d’en haut de son chef-collaborateur).

  • Fillon a l’opportunité de montrer qu’il est plus raisonnable que ses concurrents ( à droite et à gauche).L’ère des  » gros diseux – petits faiseux  » ( Sarkozy et Hollande) a dégoûté beaucoup de citoyens.Les gens réalisent l’impuissance de l’état et il est donc préférable de ne pas tout promettre et de responsabiliser les citoyens eux mêmes en leur donnant beaucoup plus de libertés et beaucoup moins de subventions – de contrôles – d’assistanat.Il a la capacité à rassembler des gens de divers horizons car il ne semble pas sectaire. Mais, il doit développer son leadership.

  • Fillon est de loin le plus compétent pour reprendre les rênes de ce pays socialo-communiste. C’est le seul qui ose enfin proposer les vrais remèdes. Mais les gens, têtus et socialistes qu’ils sont, vont lui préférer MLP ou Juppé, ou même de nouveau Hollande, c’est à craindre.

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