Pour les entreprises, la semaine s’est révélée particulièrement chargée en actualités, dont l’important 70ème Congrès des experts-comptables, la présentation du PLF et les premières réactions au PLFSS.
70ème congrès de l’Ordre : Valls ou Macron
La France est entrée dans la saison des célébrations : 70 ans de l’Ordre des Experts-Comptables, 70 ans de la Sécurité sociale… La France se souvient de ce qu’elle doit ou croit devoir à l’automne 45.
Le Congrès a donné l’occasion d’une passe d’armes, en coulisses, entre Emmanuel Macron et Manuel Valls. C’est le ministre de l’Économie qui devait initialement représenter le gouvernement au Congrès. Mais, pris d’un remords tardif, le Premier ministre a finalement décidé d’y participer à la place de son ministre. Après les petites phrases sur les fonctionnaires, le geste a forcément été interprété comme une façon de « faire chauffer le matricule » d’Emmanuel Macron.
Valls s’est emparé de cette occasion pour prononcer un discours favorable aux entreprises.
La DSN repoussée ?
Dans son discours, Manuel Valls a prononcé une phrase ambiguë sur la mise en place de la déclaration sociale nominative en indiquant qu’elle « sera déployée progressivement en 2016 ». Tout porte à croire que le calendrier de la DSN sera donc modifié et que la mise en place au 1er janvier 2016, pour laquelle les entreprises ne sont pas prêtes, soit décalée. Il est vraisemblable que les TPE et les PME disposent de plus de temps pour entrer dans le dispositif. Ce glissement de calendrier modifierait la date de dernière DADS-U.
La numérisation à l’ordre du jour
Le Congrès a permis de pointer les opportunités et les risques apportés par la numérisation. L’une des principales angoisses exprimées par l’Ordre tient à l’ubérisation de la profession. La dématérialisation des flux d’informations favorise en effet le risque de basculement du marché vers des acteurs totalement virtuels qui remplaceraient en tout ou en partie les professions traditionnelles.
Il n’est pas encore acquis que tous les experts-comptables prennent ce risque au sérieux.
Le budget 2016 prend forme
Mercredi, le projet de loi de finances pour 2016 était présenté en conseil des ministres. Il repose sur une hypothèse de croissance de 1,5% en volume, et une inflation de 1%, soit une croissance réelle de 0,5%. Le déficit atteindrait 73 milliards.
Le budget est-il crédible ?
Réputé sans surprise et sans éclat, ce budget a laissé perplexe plusieurs acteurs, en grande partie parce que les annonces sur les économies paraissent assez mal chiffrées jusqu’ici. Ce point est d’autant plus sensible que le gouvernement crée 8 000 emplois nets de fonctionnaires, ce qui constitue un record jamais atteint depuis plusieurs années. Toute la difficulté porte sur la panne de croissance, que le gouvernement croit achevée, mais que tout le monde pense durable sans réforme en profondeur.
Dans la pratique, le gouvernement peine à mettre les dépenses publiques sous contrôle, notamment du fait de leur poids trop important. La machine publique est devenue ingérable.
Le pacte de responsabilité confirmé
Le gouvernement soutient qu’il assume bien 50 milliards de dépenses d’ici à fin 2017, dont 20 milliards à charge de l’État, 20 milliards à charge de la sécurité sociale (dont 10 milliards sur l’assurance maladie) et 10 milliards pour les collectivités locales. Il confirme l’exonération complète au niveau du SMIC des cotisations que les employeurs versent aux URSSAF (hors cotisations d’assurance chômage), ainsi qu’une baisse de 1,8 point des cotisations familiales pour les salaires allant jusqu’à 1,6 fois le SMIC, pour un montant total de 4,6 Md€ ; cette exonération, effective depuis le 1er janvier 2015, s’est accompagnée d’une réduction des cotisations familiales pour les travailleurs indépendants à hauteur de 1 Md€.
Toutefois, l’extension des dispositions ci-dessus (1,8 point sur les cotisations familiales employeurs) aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC est reportée au 1er avril 2016. Elle permettra une baisse des cotisations de 3,1 Md€ dès 2016 et de plus de 4 Md€ en 2017.
Baisse de la fiscalité des entreprises
La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sera supprimée d’ici 2017, ce qui représente 5 ½ Md€ de baisses d’impôts. Une première réduction équivalente à 1 Md€ est intervenue en 2015 sous la forme d’un abattement qui a permis à deux tiers des assujettis, des petites et moyennes entreprises (PME) de ne plus payer cette contribution. Un deuxième abattement pour un coût global de 1 Md€ sera mis en place en 2016, exonérant ainsi 80 000 entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour ne conserver que 20 000 entreprises assujetties. La contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés (IS) sera également supprimée en 2016, ce qui représente une baisse de fiscalité de près de 2½ Md€. Par ailleurs, le taux nominal de l’IS baissera progressivement de 33⅓ % actuellement à 28 % en 2020, avec une première étape dès 2017.
Limitation des effets de seuil dans les TPE et les PME
À la suite de l’engagement dans les TPE et les PME, le gouvernement relève les effets de seuil de 9 et 10 salariés à 11, et d’autre part, lorsque la disposition de « gel » n’existe pas, de permettre que les recrutements des entreprises de moins de 50 salariés, effectués d’ici la fin d’année 2018 ne déclenchent pas de prélèvements fiscaux supplémentaires, pendant les trois années suivant le recrutement, du fait du passage d’un seuil pour une série de prélèvements : la taxe sur les salaires (article 1679 A du Code général des impôts, CGI), l’option pour le régime des sociétés de personnes (article 239 bis AB du CGI), le crédit d’impôt intéressement imputable sur l’impôt sur les bénéfices (article 244 quater T du CGI), la participation de l’employeur due au titre de la formation professionnelle continue (article 235 ter D et 235 ter KA du CGI),- l’exonération d’impôt de cotisation foncière des entreprises (CFE) en zone de revitalisation rurale (ZRR) (article 44 quindecies du CGI), le crédit de CFE en faveur des micro-entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense (ZRD) (article 1647 C septies du CGI) ainsi que l’exonération de CFE applicable aux sociétés coopératives agricoles et leurs unions, aux sociétés d’intérêt collectif agricole et aux organismes agricoles divers (article 1451 du CGI) et pour les activités commerciales dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) (article 1466 A du CGI), le forfait social (article L. 137-15 du Code de la Sécurité sociale), le versement transport (articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du Code général des collectivités territoriales), la participation au financement de l’allocation de logement (article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale) et la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (article L. 241-18 du Code de la Sécurité sociale).
La dématérialisation se poursuit
La dématérialisation continue : dématérialisation des déclarations de prix de transfert, généralisation du document administratif électronique (DAE) sur les alcools et les boissons alcoolisées et dématérialisation de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
Pour les particuliers, le prélèvement à la source est prévu à partir de 2018.
Logiciels de caisse sécurisés
Le gouvernement a par ailleurs rivalisé d’idées dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA.
Pour lutter contre la fraude à la TVA, les entreprises utilisant un logiciel de caisse devront obligatoirement s’équiper d’un logiciel sécurisé d’ici 2 ans. Ces logiciels, qui ne permettent pas d’effacer une transaction a posteriori, permettent de limiter la fraude fiscale, notamment la TVA. L’entreprise qui ne respecte pas cette obligation se verra appliquer une amende de 5000 € et aura l’obligation de se mettre en conformité dans un délai de 60 jours.
S’agissant des ventes à distance vers la France, le seuil au-delà duquel la TVA est due par les vendeurs intracommunautaires à la France sera abaissé de 100 000 à 35 000 € afin de réduire les distorsions de concurrence entre les opérateurs établis en France et les opérateurs établis dans l’Union européenne.
Le bâtiment, gagnant ou perdant du budget ?
Beaucoup se sont par ailleurs interrogés sur l’impact du PLF sur le bâtiment. Plusieurs mesures sont en effet prévues, comme le maintien du dispositif d’investissement locatif Pinel, la prorogation de 3 ans de l’éco-prêt à taux zéro, quelques pouces sur le financement de la transition énergétique et la création d’un fonds d’aide à la pierre de 500 millions d’euros, dont 250 apportés par l’État.
La FFB s’est félicitée de l’attention portée au logement. Ce sentiment n’est toutefois pas unanime. La Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) a pour sa part regretté l’élargissement du PTZ à l’ensemble des logements anciens des communes de la zone C, sans que l’enveloppe budgétaire prévue soit augmentée et déploré l’absence de mesures sur le foncier.
Enfin, les APL seront rabotées de 225 millions en 2016 et de 317 millions en 2017.
Quels sont les ministères gagnants ?
La culture et la jeunesse sont, toutes proportions gardées, les ministères les mieux traités par le budget 2016. La culture gagne 1% et le programme « jeunesse » flirte désormais avec les 400 millions d’euros.
Le PLFSS sous le feu des critiques
De son côté, le PLFSS entame sa vie publique. Il est d’ores et déjà placé sous un tir concentré de critiques.
L’UNOCAM a donné un avis défavorable aux articles 20, 21 et 22 du PLFSS qui sur-administrent la santé complémentaire sans prêter attention à la mutualisation et à la réalité économique des contrats. L’avis de la CNAM a été le même, et a donné lieu à un vote défavorable à 27 voix contre 5 (dont la CFDT) et une prise d’acte (la CGC). La principale mesure qui explique ce refus tient à la généralisation de la complémentaire santé pour les retraités.
La CNAF a rendu un avis défavorable à cause du report des dates de revalorisation des prestations sociales de la Sécurité sociale, de l’État et des départements, qui permet d’économiser 550 millions.
On notera également que la Haut Conseil des Finances Publiques a émis de larges critiques contre le projet.
Bronca patronale contre le PLFSS
Du côté patronal, l’accueil n’est pas meilleur.
Le Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP) a regretté un texte confus, complexe, et ne reposant sur aucune concertation.
Les entreprises du médicament, regroupées dans le LEEM, ont elles aussi critiqué le projet : « Le poids disproportionné des mesures de régulation pesant sur le médicament a pour effet de paralyser les performances industrielles de la France dans les sciences du vivant, à l’heure où le Président de la République appelle à une mobilisation de tous pour la croissance et pour l’emploi. Surtout, ces mesures ne sont pas de nature à enrayer durablement le déficit chronique de l’assurance maladie. »
La FEHAP (Fédération d’aide à la personne) a également manifesté son inquiétude face aux économies demandées.
La Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) s’alarme des nouvelles baisses de prix des médicaments annoncées, qui devraient se traduire par une diminution d’au moins 50 millions d’euros de ses ressources.
L’emploi déçoit aux États-Unis
Tous ces événements interviennent dans un contexte négatif. Alors que les analystes tablaient sur 205 000 créations d’emplois aux États-Unis en septembre, les statistiques n’en annoncent que 142 000. En outre, le gouvernement américain a révisé à la baisse les chiffres d’août : de 173 000 à 136 000. Le taux d’activité est tombé à 62,4%, le pire chiffre depuis 1977.
Attention aux retombées financières en octobre, à la suite de ces mauvaises nouvelles.
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A toutes fins utiles, vous mentionnez un prévisionnel de croissance « de 1,5% en volume » : non cest 1,5% en valeur, soit 0,5% en volume après application d’1% d’inflation.