Par Julien Gonzalez
Un article de Trop Libre
Derrière le traditionnel débat sur la sélection à l’université couve un enjeu majeur, pour l’instant relativement méconnu : l’explosion du nombre de titulaires d’un master 2, sans commune mesure avec ce que le marché du travail peut absorber. Alors que la démocratisation de l’enseignement supérieur était censée assurer à la fois l’égalité républicaine et l’amélioration du niveau de connaissances de la population, le « master pour tous » s’impose aujourd’hui comme une formidable machine à frustration pour les jeunes générations. Explications.
Deux à trois fois trop de masters délivrés par rapport à la capacité d’absorption de l’économie française
Entamée à la fin du XIXème siècle avec les lois Ferry et l’instauration de l’école de la République, l’ouverture de l’accès à l’enseignement s’est prolongée tout au long du XXème siècle avec la démocratisation du collège (loi Haby sur le collège unique en 1975) puis du lycée (mises en place des baccalauréats technologique et professionnel en 1968 et 1987) jusqu’au symbolique objectif de Jean-Pierre Chevènement d’ « amener 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat ».
Le phénomène s’étend désormais à l’enseignement supérieur, couplé à un allongement de la scolarité du fait de l’instauration du système LMD (Licence-Master-Doctorat) qui incite fortement à la poursuite d’études. Conséquence inéluctable, la quantité de masters 2 explose : entre 2001 et 2011, le nombre de masters universitaires délivrés a augmenté de 99% ! Autre élément particulièrement révélateur, il y a aujourd’hui davantage de masters distribués… que de CAP ou BEP.
Problème majeur, l’économie est dans l’incapacité de faire face à cet afflux de diplômes
Problème majeur, l’économie est dans l’incapacité de faire face à cet afflux. Alors que l’on estime entre 75 000 (fourchette basse) et 140 000 (fourchette haute) le nombre de nouveaux diplômés d’un bac +5 recherchant un emploi chaque année, les recrutements de cadres juniors sont inférieurs à 40 000 !
Une redoutable machine à frustration
Ainsi, notre système d’enseignement supérieur apparaît de plus en plus comme une formidable fabrique à frustration pour les jeunes et leur famille. Le refus de confronter les objectifs poursuivis par la politique de démocratisation sans fin à la réalité du marché du travail est source d’un décalage terrible entre les gains espérés par l’investissement que représente la poursuite d’études de longue durée et la brutale évidence d’une économie saturée en profils de type bac +5.
Nous assistons premièrement à un déclassement en cascade pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. En effet, les titulaires d’un master 2 qui ne peuvent exercer un emploi à la hauteur de leur niveau de formation (près de 30%) étant contraints d’accepter un poste moins qualifié, le décalage se répercute sur l’ensemble de la chaîne, aggravant de fait la situation des «moins» et des non diplômés. Deuxième élément, l’abondance de profils bac +5 conduit mécaniquement à dévaloriser la valeur des diplômes et donc, le salaire proposé.
Plus préoccupant peut-être, l’effet de la démocratisation de l’enseignement supérieur sur la réduction des inégalités est extrêmement limité. Preuve en est donnée par l’Insee : parmi les élèves entrés en 6ème en 1995, 41% des enfants de cadres ont terminé leurs études diplômés d’un master, d’un doctorat ou d’une grande école, contre 4% pour les enfants d’ouvriers non qualifiés.
Il est temps de mettre fin à l’hypocrisie
Pour toutes ces raisons, il apparaît urgent de rompre avec les postures dogmatiques et l’hypocrisie ambiante. Non, la France n’est pas un pays suffisamment développé pour promettre à l’ensemble de sa jeunesse des postes de cadres.
Cessons d’encourager aveuglément notre jeunesse à prolonger sa scolarité et substituons au « droit au diplôme » un « droit à l’insertion », structuré autour de trois principes :
- repenser la place de l’enseignement supérieur comme une étape entre instruction et insertion,
- reconnaître la pluralité des réussites et mettre fin à la sacralisation du diplôme,
- réguler les flux d’étudiants des différents diplômes.
Ces éléments ont vocation à nourrir le débat sur une question fondamentale pour nos jeunes générations, celle du respect de la parole publique et de la promesse républicaine, à laquelle le « master pour tous » et ses tenants contreviennent allègrement.
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mais , ces diplômés , ne sont ils pas destinés a créer des emplois au lieu de chercher un emploi ..sinon , a quoi cela sert il à la société d’investir dans des études dites ‘supérieures’ ?
A rien, c’est juste une acte politique pour justifié l’intervention étatique.
Une éducation minimal devrait être dispensée pour fournir à tous les moyens d’assurer la vie en société, le reste devrait se faire en entreprise via des études en alternance et au frais soit des entreprises qui doivent prendre leur responsabilité et former leur personnel, soit par les étudiant eux mêmes s’il décident de choisir librement leur carrière (et donc d’assumer financièrement leur choix).
la gestion des diplômes en France est désastreuse et déresponsabilisante au possible. On ne peut pas délivrer des diplomes sans prendre en compte les besoins réel du marché du travail ou alors ces diplômes sont financer intégralement par ceux qui les demande. ça n’est pas à la société de financer les diplômes de chasseur de dahu ou d’explorateur du sexe des anges.
D’ailleurs, combien de non-bacheliers réussissent mieux que des titulaires de Master, d’après les sondages 70 à 80 % des personnes devnues riches n’ont pas obtenu leur bac.
la plupart des gens qui ont vraiment réussit on quitté l’école avant leur terme se rendant compte qu’ils y perdaient leur temps.
Mais c’était à une époque où 90% des personnes n’avaient pas leur bac 😉
Le bac est un peu un minimum, ne pas l’avoir (et même il y a longtemps) c’est le signe qu’on n’est pas très intelligent ni très adaptable.
Par contre, d’accord pour les études supérieures qui ne servent qu’à former soit des enseignants ou des chercheurs, soit de bons petits cadres qui seront des exécutants policés et ne débordant pas trop… donc rarement des milliardaires.
Cette hypocrisie ne sera pas dénoncée.
Vous imaginez un gouvernement, dans le cadre institutionnel actuel, annoncer que les 80% au bac c’est fini, que la « sélection » revient ?
Absolument grotesque. Les « jeunes » feraient la révolution immédiatement, contrôlés par les gauchistes de tout poil (CF Devaquet en 1986).
Dès lors il est très facile de prévoir le futur.
Après le bac pour tous, après la licence pour, on aura, c’est une évidence répétons le, le doctorat pour tous.
Voilà. Etudes bac + 10 pour tout le monde !
Elle est pas belle la vie ? Elle est pas réenchantée la France ?
😉
Cet obstacle est bien réel. Un abaissement des taux de réussite serait suicidaire politiquement.
Il y a néanmoins un moyen de sortir de la contradiction, c’est de jouer la carte de la subsidiarité et de laisser les universités fixer leurs propres seuils d’admission.
La première aberration, c’est de mettre sur le même plan tous les baccalauréats pour l’entrée à la fac.
Exact, rendre le bac aux universités ce serait la moindre des choses et le début de la rédemption. Il faut rappeler que si le bac ouvre la porte de l’université, quel qu’il soit, c’est qu’il est le premier grade du supérieur. Étrangement, ce diplôme universitaire n’est pas délivré par la fac (même si les présidents des jury du bac sont de pauvres universitaires sur lesquels la malchance s’est abattue…. ), ce qui pose un véritable problème…
Problème résolu en bonne part par le taux d’échec cataclysmique en DEUG ou maintenant Licence.
Pour les M2 le problème est que chaque universitaire veut SON master, qu’une fois qu’il est ouvert il faut le remplir (sans ça il fermera) et donc que ceux qui n’attirent pas grand monde sont remplis de bras cassés n’ayant comme seul horizon Pole Emploi, alors que ceux qui marchent sont pleins aussi… mais après sélection intense. Cependant le mythe du diplôme national fait que théoriquement et du point de vue de l’État pour ses embauches et salaires etc. un diplômé d’un M2 en finance de Dauphine est identique et interchangeable avec un diplômé d’un M2 en spectacle vivant de l’université de Poitier.
En plus ça masque le chaumage en contraignant les gens à perdre 10 ans de leur existences à l’école aux crochets des contribuables. c’est une double perte : ils coutent à la société et ne produisent rien au moment ou les individus sont les plus productifs. je l’ai souvent dis à mes patrons, donnez moi un gars de 16 ans motivé et pas trop bête à former et il vous explosera tous les bac+ 2 ou +3 de la terre au bout d’un an…Quand on voit l’énergie, la force créatrice et la détermination qu’on peut avoir entre 15 et 20ans on se dit que passer cette age là à l’école est un immense gâchis pour l’humanité….
« chaumage », « pour justifié », « ces diplomes sont financer » (et j’en passe…) : il est clair que votre temps à vous n’a pas été « perdu » à l’école !
Mensonge ! Ma Licence 1 était composée de 250 personnes, en licence 3 nous étions 50 et tous n’ont pas réussi. En Master 1 nous sommes 80 (rejoints par des étudiants étrangers et d’autres licences) et ils ne sont que 20 en Master 2. Passer de 250 à 20 c’est ça pour vous le « Master 2 pour tous »? Des soucis avec les maths peut-être ?
SweepingWave, tu as tort ! Une licence est plus généraliste qu’un master II. Par exemple, dans ma faculté de sciences politiques, il n’y avait qu’une licence et 12 master II. Forcément, après, le nombre d’étudiants par master II est plus faible. Ca ne veut pas dire que le nombre d’étudiants est inférieur, c’est juste que les étudiants sont divisés dans pleins de master différents.
Après, personne n’a parlé de « master II » pour tous », je ne sais pas d’où tu sors ça…
Non. Raisonnement faux :
– il faut prendre en compte le nombre de masters et non raisonner sur le votre uniquement.
– vous n’avez en réalité aucune idée du nombre d’étudiants en master il y a 15/ans.
230 personnes ont perdu leur temps au lieu de produire de la richesse, voilà le vrai problème. Moi aussi à mon époque nous étions 900 en première année de DEUG, 250 en deuxième et 60 en licence. résultat : des années de perdu pour des centaines de milliers d’individus dans la force de l’age alors que mes parents avec dejà des années de production de richesse à leur actif à 20 ans…
Tu m’étonnes que dans les pays développés comme le Canada ou l’Australie on te demande de repasser des équivalences de diplome pour prouver sa valeur.
Master 2 en france = Doctorat en afrique = 0 valeur, poubelle
A l’étranger et dans le domaine de l’informatique, dans les boites un minimum sérieuses, on demande à tous les candidats de passer quelques tests histoire de voir qu’ils maitrisent réellement les fondamentaux.
Plusieurs avantages à cette méthode :
– beaucoup de profils « intéressants sur le papier » sont rapidement classés verticalement
– des passionnés hésitant à mentionner qu’il maitrisent telle ou telle chose parcequ’ils n’ont jamais effectué de travail payé sur ladite chose ont toutes leurs chances.
– pour pouvoir conserver une bonne employabilité, les candidats sont obligés de maitriser leurs fondamentaux et sont encouragés à se former en permanance.
Pas uniquement à l’étranger. Je recrute avec tests, principalement sur la personnalité. Et tout le monde passe une dictée obligatoire, exercice salvateur et très discriminant.
Je connais des génies qui sont nul en orthographe, le principe de la sélection c’est de selectionner sur l’important, pas sur le futile (ce qui souvent plus facile)
Voilà qui est bien présomptueux et arrogant de votre part. Bien peu d’entreprises peuvent survivre sans des salariés capables de bien traiter les clients et d’interagir efficacement avec les fournisseurs et partenaires. À contrario, presque toutes les entreprises peuvent se passer de recruter des génies.
Aujourd’hui, recruter une personne pour un poste,c’est recevoir plusieurs centaines de candidatures en moins d’une semaine. Alors oui, je préfèrerai toujours appliquer un filtre sur les compétences de base que de laisser un nul en orthographe entrer dans la pomme. Notamment, mais non exclusivement, parce qu’un nul en orthographe est un nul en français. Et c’est une plaie : pour les clients, les partenaires et les collègues. C’est un des moyens d’opérer une selection et contrairement à ce que vous pensez, c’est fondamental.
Le recrutement dans les entreprises est à peut près au même niveau que l’évaluation scolaire : au niveau zéro dans l’échelle de l’intelligence, faire plus basique et convenu c’est impossible. Le chaumage de masse et la multitude des candidats potentiel on rendu les entreprise paresseuses, on s’imagine qu’il suffira de prendre ceux qui le CV le plus « chargé » ou le plus gros diplôme. On rajoute la dessus une bonne couche de conformisme et de cliché on touille bien et on se retrouve avec une armée de médiocres qui se ressemble tous, nous voilà paré pour innover, LOL!! pas étonnant que la France soit en perdition…
Mais on peut vous répondre, « si vous savez comment recruter des personnes compétentes, comme Bill Gates ou feu Steve Jobs, pourquoi n’êtes vous pas aussi riche qu’eux ? » un peu comme on répond aux féministes « faites une entreprise avec que des femmes, payées 17% moins cher, vous aurez un profit de 17% supérieur, et vous ferez fortune très vite… »
Les grandes entreprises, par ailleurs, étant depuis un temps certain « pas très françaises » ou « truc » ou « d’une autre nationalité » mais peuplées de gens de toutes cultures, formations, etc. utilisent surtout ce qui marche… et qui leur permet d’être des grandes entreprises compétitives. Elles sont donc intéressées par des tas de choses, mais le diplôme reste assez central, au moins pendant les premières années de carrière. Parce qu’il est un signal efficace (puisque couteux et séparateur) comme montré par Spence.
Mais on attend votre sauvetage de la « France en perdition » avec votre entreprise recrutant sur la base de vos idées…. Peut être les gens seront-ils un peu meilleurs que dans d’autres entreprises, mais comme ça vous coutera un temps et un fric fous pour les recruter, vous ferez sans doute faillite assez vite.
Bien d’accord avec cet article !
Moi même master et thésé, dans un secteur bouché, je galère alors que tous mes anciens collègues, forts de leur BTS, sont installés depuis longtemps.
Aujourd’hui, je recherche à m’installer aussi, quitte à sacrifier ces diplômes, mais les recruteurs opposent la surqualification, les conventions collectives, et le « vous allez partir/vous ennuyer ».
Désespérant…
On étudie pour l’égo de nos parents qui ne peuvent accepter que leurs enfants soient moins diplômés qu’eux.