La prise en charge du handicap dans la Loi Santé

L’article 21bis de la loi Santé devrait servir les intérêts de l’État plus que ceux des personnes handicapées.

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La prise en charge du handicap dans la Loi Santé

Publié le 18 octobre 2015
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Par Nafy-Nathalie

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Il y a un caractère que l’on ne peut pas contester à notre gouvernement c’est sa ténacité. Ainsi l’amendement AS 1488 retoqué par l’Assemblée nationale en avril dernier revient sous la forme d’un amendement 1219 discuté et approuvé le 28 septembre dernier par le Sénat. Il doit repasser devant l’Assemblée nationale pour être approuvé définitivement.

L’amendement AS1488, déposé en mars 2015 dans le cadre du projet de loi n°2302 relatif à la santé, présentait un article 21bis dont l’objet était de :

  • Remettre en question chaque année l’orientation choisie
  • Réduire le pouvoir de décision des parents ou des personnes handicapées
  • Conditionner la prise en charge des personnes handicapées aux ressources mobilisables

En gros, les MDPH, au lieu de statuer sur les besoins des personnes handicapées pour définir ce qui leur convient le mieux, pourront élaborer un Plan d’Accompagnement Global (PAG) qui tiendra compte des ressources mobilisables et disponibles. C’est un peu comme faire rentrer des boules trop grandes dans des cubes trop petits, quitte à rogner un peu par ci et par là ! À force d’adapter, on va finir par arriver à plier les besoins de prise en charge des handicapés aux ressources disponibles.

Il est étonnant que l’État, malgré les sanctions prises à son encontre par des organisations internationales ou même nationales, ne prenne pas plus au sérieux la question du handicap. Alors que partout dans le monde, on va vers une intégration maximum des handicapés, l’État français tend, de manière archaïque, à les planquer dans des structures nationales inadaptées, quand il ne décide tout simplement pas de les exporter.

Madame Martine Carillon-Tourneur présente un parcours assez intéressant. Il est légitime de se demander si sa fonction de Directrice d’un Institut Médico Educatif (IME) est en rapport avec sa proposition de diminuer les libertés individuelles aux handicapés au profit précisément de ces institutions, lesquelles verront par contre leur travail grandement facilité. Chacun jugera de ce lien éventuel, de même que du conflit d’intérêt potentiel. Dans la liste des députés qui soutiennent également cet amendement, on trouve également un directeur d’établissement pour enfants handicapés, une assistante sociale, … et surtout notre fameux Monsieur Jean-Louis Touraine ; quelle fine équipe !

Que s’est-il passé ?

8 avril 2015 : suite aux protestations des familles et associations, Ségolène Neuville, secrétaire d’État en charge des personnes handicapées, déclarait être

« en accord avec la proposition des parlementaires de supprimer l’article 21 bis en l’état. (…) Il ne faut plus que les personnes se trouvent avec une décision de la CDAPH mais en réalité sans solution qui corresponde à leurs attentes. »

9 avril 2015 : le texte est présenté à l’Assemblée nationale. Lors des débats, Madame Jacqueline Fraysse, député communiste, explique les raisons de son opposition à l’adoption de l’article 21 bis introduit par l’amendement AS1488 à la loi sur la santé. Cet article concerne la prise en charge des handicapés :

« (…) Le problème de fond est donc le manque criant de moyens d’hébergement pour ces jeunes. Or, face à ce problème, vous mettez en place, par cet article, un « groupe opérationnel de synthèse » chargé d’adapter le placement, certes aux besoins de la personne handicapée – c’est bien le moins –, mais également aux « ressources mobilisables », dont nous venons de dire qu’elles manquent cruellement. Face à cette situation et à cette disposition, les parents d’enfants handicapés craignent donc que cette disposition, non seulement ne règle pas le problème, mais encore favorise des orientations par défaut, c’est-à-dire, éventuellement, en Belgique ou dans des structures sanitaires comme des hôpitaux psychiatriques, qui ne sont pas adaptés à l’accueil de ces enfants. Ils craignent également que ces groupes opérationnels de synthèse, obligés de gérer la pénurie, ne prolongent encore davantage les délais préalables à la décision des maisons départementales des personnes handicapées, déjà largement dépassés par rapport à ce que prescrit la loi. Il faut en effet attendre, en moyenne, douze à dix-huit mois, alors que le délai légal est de quatre mois. (…) »

Madame Martine Carrillon-Couvreur balaye les inquiétudes sur le fond sans les considérer un seul instant. Son texte est forcément adapté à la situation et s’il n’est pas compris, cela ne peut être qu’un problème de forme : mauvaise rédaction et, surtout, problème de compréhension.

L’amendement est rejeté.

15 juillet 2015 : le tribunal administratif condamne l’État pour manquement à ses obligations d’instruction résultant de l’article L. 112-1 et L. 131-1 du Code de l’éducation.

22 juillet 2015 : Vaincre l’autisme fait un appel aux victimes afin de lancer une action collective en vue d’obliger les pouvoirs publics, à coup de condamnation, à prendre réellement au sérieux le problème de l’autisme.

28 septembre 2015 : l’amendement AS1488 fait son retour sous la forme d’un amendement 1219 proposé au Sénat. Adopté, il rétablit l’article 21bis précédemment supprimé. Il est soumis trop tard à la commission des affaires sociales qui devait l’examiner avant son vote, et d’émettre un avis à son sujet. Elle motive même son absence d’avis de la manière suivante :

« Je voudrais tout d’abord souligner un problème de forme : les discussions autour de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé durent depuis des mois, et ce n’est qu’au cours d’une semaine d’interruption de nos travaux que le Gouvernement trouve le temps de déposer cet amendement extrêmement important. (…) nous n’avons même pas eu la possibilité d’examiner ce dispositif en commission des affaires sociales. Je trouve tout de même cela dommage. »

Au texte précédemment rejeté, est ajoutée une obligation de moyens pour les MDPH, lesquelles devront proposer un plan d’accompagnement global, défini après «avis» de la personne concernée ou sa famille, ainsi qu’un droit à convoquer les établissements, services et financeurs. Par ailleurs, il faut le souligner, les refus d’admission devront être motivés. Toutefois, les dispositions de ce nouvel amendement restent les mêmes et les critiques également. L’obligation de prise d’avis lors de l’établissement du PAG est une obligation consultative et absolument pas une obligation prise en considération. Il n’est toujours pas acceptable que les MDPH aient le pouvoir d’orienter les personnes handicapées en privilégiant les ressources mobilisables par rapport à leurs besoins.

Les paradoxes du législateur laissent pensif :

  • Il est curieux de prétendre officiellement essayer de remettre une personne handicapée au cÅ“ur du dispositif de prise en charge tout en lui déniant de toutes les manières possibles le droit de choisir la solution qui lui convient en fonction des réponses existantes.
  • Il est surprenant de prétendre résoudre un problème de manque de moyens mobilisables en surchargeant de travail des structures déjà débordées sans leur donner plus de moyens de faire face, et de prétendre ensuite qu’elles parviendront à faire un travail satisfaisant dans un délai convenable.

Il est notable par contre que ce texte puisse bien apporter une réponse aux risques de mise en jeu de la responsabilité de l’État. En effet, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, pour la non-discrimination, avait confié à la charge de l’État l’obligation de compenser le handicap. Ces manquements ont été l’assise de ses condamnations. En posant le principe d’un Plan d’Accompagnement Global imposé, il est probable que le législateur essaye de contourner juridiquement ce problème. Sera-t-il toujours responsable de n’avoir pas réussi à compenser le handicap en y mettant les moyens appropriés si le plan proposé est refusé ? Les personnes handicapées pourront elles toujours bénéficier du soutien de l’État en cas de refus d’un plan proposé ? Est-ce que, en cas de procédure, la charge de la preuve ne sera pas inversée et les personnes handicapées obligées de prouver l’inadéquation des propositions qui leur ont été faites par rapport à leurs besoins ? La question se posera inévitablement puisque le législateur, incapable de faire la différence entre maladie et handicap, a indiqué que les PAG pourront comprendre des « interventions thérapeutiques ». Il est évident que cet amendement, s’il est confirmé, sera au détriment des intérêts des personnes handicapées mais au profit des intérêts de l’État et du remplissage des établissements spécialisés.

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  • cette position des MDPH toutes puissantes est dangereuse, car sur 5 directeurs, 2 seulement avaient une formation médico sociale : la 1ère parce qu’elle était altruiste, le 2è parce qu’il était intéressé par les comptes en banque confortables.
    les 3 autres : le 1er, ancien pasteur déchu parce que divorcé mais compatissant, le 2è un acteur râté « recommandé » par un ami lui-même formé au médico-social, mais qui n’a pris en considération que l’amitié et non l’incompétence et goût de l’argent , le 3è formation : COMPTABLE. Donc ne voit que le rapport financier et passe son temps à faire des SIGNALEMENTS aux différents juges des tutelles afin de faire perdre la tutelle familiale au bénéfice des associations tutélaires … qui ne font que signer des « droits » à dépenser sans se préoccuper des besoins réels du handicapé : il a de l’argent, donc on le dépense. quand il n’en a plus, que devient le handicapé ruiné ?

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