Les banlieues sont toutes roses, les banlieues sont moroses

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Cités : logements sociaux à Saint Denis (KoS, Creative Commons)

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Les banlieues sont toutes roses, les banlieues sont moroses

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 octobre 2015
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Il y a vingt ans, les Inconnus nous apprenaient, en se dandinant sur un air de rap rythmé et rigolo, que « la banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose ». Et vingt ans après le constat un peu amer du trio comique, il s’est passé beaucoup de choses. De ce point de vue-là, les gouvernements successifs n’ont pas chômé.

Oui, il fallait agir, absolument, d’une part parce que ne rien faire c’était laisser un boulevard aux critiques de l’opposition (quelle qu’elle fût) et d’autre part parce qu’un politicien qui agit existe, et ce d’autant plus qu’il crame un paquet considérable d’argent des autres. Il fallait donc bien consacrer un montant tous les ans plus grand de l’argent public à cet épineux dossier des cités-dortoir, des banlieues périphériques aux grandes métropoles régionales ou à la capitale qui sont devenues, d’année en année, ces zones difficiles percluses de chômage, de misère, théâtres de faits divers parfois sordides et de commerces aussi stupéfiants que la venue d’un Premier ministre socialiste aux Mureaux.

Car Manuel a compris qu’on l’attendait tous sur le sujet : la discrimination sociale n’est plus possible dans ce pays. Et comme elle passe notamment par ces banlieues et leurs dérives, il était naturel que le ministre y aille s’encanailler pour montrer que non, non, non, la République n’a pas déserté ses missions essentielles que sont le logement social, le « testing », les caméras piétons sur les policiers et combattre l’ « apartheid social, territorial et ethnique ».

Il faut dire que tous les indicateurs pointent vers le même constat : la situation s’est dégradée. D’après les analyses minutieuses des journalistes, des experts, des philosophes, des sociologues-experts et autres philosophes-journalistes, dix ans après les émeutes qui secouèrent la France, « la situation des banlieues est encore plus mauvaise ».

no-way

C’est franchement étonnant. Mais si, admettez tout de même que vous êtes un peu surpris : normalement, cela fait des décennies que nos amis de tous les gouvernements qui se sont succédé aux commandes du pays travaillent à remettre les banlieues d’équerre. Cela fait des décennies que les experts / philosophes / journalistes / sociologues se relaient pour expliquer pourquoi ces banlieues sont en déshérence, pourquoi les habitants ne s’y sentent pas bien, comment il faut procéder pour aider les uns, secouer les autres, les employer et leur redonner de l’espoir, de la joie de vivre, du cœur à l’ouvrage et ce petit je-ne-sais-quoi qui fera revenir joie, bonheur, gaîté et subventions chez les habitants de ces quartchiers qui ont du talent. Normalement, tout devrait être bien carré, après toutes ces dépenses, toutes ces années, non ?

Eh bien non.

En bref, la banlieue est sans nul doute devenue le beau baroud de ce gouvernement de combat qui cherchait une guerre à sa hauteur. Comme dans tout combat, il y aura des cibles, clairement désignées, des objectifs, des forteresses à prendre et des sièges à tenir (notamment celui de Premier ministre qui est parfois éjectable). Les objectifs sont connus puisqu’il s’agit bien sûr d’égaliser à coup du bulldozer républicain anti-discrimination. C’est facile, c’est clair, c’est net, et la bavure ne lui fait pas peur.

Quant aux cibles, elles sont toutes désignées. Après quelques foulées athlétiques dans les rues des Mureaux vides d’habitants (qui avaient sans doute d’autres chats à fouetter que voir un clown parader), le Premier ministre a rendu publique une liste de 36 communes méchamment récalcitrantes à leurs obligations en matière de construction de logement social, quinze ans après l’adoption de la loi SRU imposant des quotas démocratiques et festifs. De façon toujours aussi stupéfiante, on découvrira dans cette liste une majorité de communes dont l’équipe municipale fricote avec les Républicains™® ou le Front National. Sur les 36 communes, seules 4 sont classées à gauche. C’est un pur hasard. Abomination supplémentaire : Neuilly (ex ville de Sarkozy) ou Fréjus (FN) ne respectent pas les engagements qu’on leur a imposés de construire du logement social. Flûte alors.

no way cat

Pourtant, tout le monde sait qu’une fois construit, c’est l’assurance d’un avenir florissant, comme l’ont justement prouvé les quarante années efficaces de politique du logement, de politique de la Ville ou de la gestion des banlieues en général. On s’étonne donc que certaines villes trouvent inadaptée la solution proposée par l’État et fassent bêtement de la résistance de l’obstruction stérile à un programme dont tout indique qu’il va très bien se terminer !

Très concrètement, les maires de ces insupportables communes insoumises seront dorénavant remplacés par les préfets qui délivreront les permis de construire pour les charmants ensembles immobiliers prévus par la loi. Ça tombe bien : ces préfets ne sont pas sanctionnés par le vote démocratique, et n’auront donc aucun compte à rendre lorsqu’enfin, les communes désignées bénéficieront à leur tour du bon taux de HLM. C’est aussi ça, la Socialie détendue de l’autoritarisme, pas de quoi en faire un drame.

D’autant que le plan de Manu les HLM n’est pas vide de ces truculentes inventions qui savent donner tout son sel aux initiatives vraiment gouvernementables. Ainsi, lorsque la Commission Interministérielle à l’Égalité et à la Citoyenneté s’est réunie le 26 octobre, elle en a aussi profité pour renforcer le lien social, le vivrensemble et tout le tralala républicano-mixophile en instaurant, sous l’impulsion de la fine fleur sénatoriale socialiste et de Fleur Pellerin, l’actuelle excuse en charge du ministère de la Culture et de la Communication, un diplôme national supérieur professionnel de la danse hip-hop.

no fucking way

On appréciera toute la puissance de ce poncif cette innovation au secours des banlieues qui s’inscrit d’ailleurs assez bien dans l’encadrement de l’État tous azimuts d’absolument tout et n’importe quoi pour gagner des ouailles. Dans le prolongement de ce diplôme officiel de hip-hop, on attend sans doute que des Tsiganes mettent le feu à l’une ou l’autre autoroute pour que soit enfin reconnue par un diplôme les spécificités de leur musique…

cat wait what

Tout ceci rejoint assez bien l’apparition, il y a quelques années, de la Tout Ce Qu’il Y A De Plus Officielle licence de clown, dont le diplôme, absolument nécessaire, a propulsé la clownerie française au rang d’art reconnu dans le monde entier.

Non, décidément, il n’y a pas à tortiller : la gestion des banlieues a été assez exemplaire les décennies passées et la façon dont le Plan Truc Machin est actuellement enquillé laisse présager du meilleur. Et cerise sur le gâteau : ce sujet ô combien délicat permet aussi à la fine équipe gouvernementale de bricoler des rétorsions politico-politiciennes en poussant ses basses œuvres idéologiques dans la foulée. Accessoirement, les précédents plans ont toujours été particulièrement efficaces pour diriger efficacement les sprinklers à pognon public vers les bons gosiers aspirants, et tout indique qu’on va continuer dans la même direction avec le petit dernier.

On le savait : ce pays est foutu. Mais au moins, nous aurons des clowns diplômés et des hip-hopeurs brevetés qui clowneront et hip-hoperont dans des cités subventionnées.

yes
—-
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  • Alors prends toi en main!!!

  • Mon cher H16, je ris à chaque billet mais là, j’ai explosé de rire quand je suis arrivé au passage sur le diplôme de danseur de hip-hop et la licence de clown ! Mais c’est tellement énorme, j’ai cru à un gag !
    Effectivement, on se demande comment, après 40 ans de subventions et de reprises en main musclées (dans les mots en tout cas…), les banlieues sont dans un état aussi lamentables. Je n’ose croire que les habitants refusent le vivrensemble républicain et festif. Ou que la paix sociale achetée par les politiciens auprès des trafiquants du cru conduisent à une omerta.
    Nul doute que Manu le Tigre de Papier va remettre tout cela dans l’ordre sans tarder !
    Au sujet des banlieues, je me permet de conseiller la lecture d’un petit ouvrage de Christophe Guilluy allant TRES peu dans le sens du discours dominant dans les média : La France Périphérique. Dense au niveau des données mais éclairant sur le mensonge perpétuel rabaché par le Camp du Bien.

    • Effectivement, c’est un excellent livre très instructif. A lire absolument !

    • A priori l’incohérence principale de ce bouquin vous a échappé : dans ces 2 frances que l’auteur oppose on se demande bien pourquoi l’une, excentrée, va à l’encontre de ses propres intérêts en ne se rapprochant pas géographiquement de l’autre. Mais ce n’est pas la seule incohérence dans l’analyse. Bouquin bien documenté mais sans autre intérêt sauf à faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais Piketty nous avait déjà fait le coup.

  • j’ai vraiment la rage.J’habite une banlieue parisienne où le maire LR (ex UMP) prend peur car il n’a pas le quota de logements sociaux imposé par les lois Duflot.
    Résultat, il se propose ( à contre-coeur, selon lui) de raser tout un quartier au bulldozer pour y construire des blocs de béton destinés au « logement social » et être en règle !
    Quel imbécile, honte à lui.
    Il va mettre ses grosses pattes dans les vies privées des gens pour imposer, en complicité avec le Préfet, un urbanisme soviétique totalitaire.
    Les habitants expropriés doivent résister.
    Il faudra qu’il paye très cher pour les virer et détruire leurs biens
    La France est ruinée mais où trouveront-ils l’argent pour ces basses besognes ?

  • En même temps, ils ont compris pourquoi ils échouaient et posent enfin le bon diagnostique: C’est la faute au réchauffement climatique comme pour le Darfour, la piraterie en Somalie et la Syrie.

    Ça tombe bien le reichsparteitag la grande messe conférence COP21 va justement s’attaquer à ce problème !

  • les banlieues sont dortoirs comme les communes. C’est la soumission de l’ordre moral, de la drogue, de la violence. Peut être le refus pour ces élus de s’ouvrir sur le monde. Une commune doit faire des propositions aux habitants pour développer le sport pour tous, le large éventail culturel. A l’inverse c’est la dictature

  • Bravo pour vos articles H16, moi je me régale de vous lire chaque jour. Inutile de vous dire que j’abonde tout à fait dans votre sens. Merci encore pour ce moment de réel plaisir….

  • ce gouvernement de combat qui cherchait une guerre à sa hauteur.

    Pour des cons bas, ne pas chercher trop … haut ❗

  • Je suis surpris que personne n’aie encore posté la chanson culte qui vient avec ce billet:

    Les Inconnus – Rap tout (Vampire) – 1991 (24 ans et ça n’a fait qu’empirer depuis)

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