Par Marian Tupy.
Malgré la récente récession en Occident, la pauvreté absolue continue à reculer dans les pays en développement à croissance rapide. La sortie de la pauvreté qui était autrefois l’apanage des pays occidentaux est désormais à la portée du reste du monde. Selon un communiqué publié récemment par la Banque mondiale, « moins de 10 % de la population mondiale seulement vivra dans la pauvreté extrême d’ici la fin de 2015 ».
La banque a pour cela « utilisé un nouveau seuil de revenu de 1,90 dollar par jour pour définir l’extrême pauvreté, en hausse par rapport au précédent seuil fixé à 1,25 dollar. Elle prévoit que la proportion de la population mondiale souffrant de ce fléau passera de 12,8 % en 2012 à 9,6 % ».
Notons que 700 millions d’êtres humains vivront toujours dans la pauvreté absolue. Replaçons cela dans un contexte approprié. La misère était la norme pour la plupart des personnes ordinaires à travers l’histoire humaine. Pas plus tard qu’en 1980, la Banque mondiale estimait que 50 % de la population mondiale vivait dans la pauvreté absolue. Malheureusement, beaucoup ignorent le déclin dramatique de la pauvreté mondiale ainsi que ses raisons. Même dans les régions les plus avancées économiquement du monde, et jusqu’à un passé récent, la vie a été misérable.
À la fin du XVIIIe siècle, pour donner un exemple, la France a le quatrième plus haut niveau de vie de tous les pays du monde, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Pourtant, 10 millions des 23 millions des Français dépendaient d’une sorte de charité publique ou privée pour survivre, et 3 millions de personnes étaient de véritables mendiants.
Avant la révolution industrielle, dans les fermes, y compris des enfants, on vivait d’un travail manuel exténuant, et on consommait la plupart des calories produites. Il y avait peu de temps ou d’énergie pour l’apprentissage et la détente. À cette époque, peu de personnes quittaient leurs villages d’origine pour visiter la ville la plus proche. La vie dans les villes n’était pas meilleure. Avant la mécanisation, les emplois étaient rares et les enfants étaient un fardeau. En 1780, en France, sur 30 000 bébés nés à Paris, 8000 ont été abandonnés par leurs mères. Beaucoup sont morts.
Grâce à la révolution industrielle et au commerce mondial, la croissance économique en Occident s’est accélérée à des niveaux sans précédent. Au cours des XIXe et XXe siècles, les revenus réels de l’Occident ont été multipliés par 15. Un gouffre énorme s’est ouvert entre l’Occident et le reste du monde, comme l’a documenté le prix Nobel d’économie en 2015, Angus Deaton, dans son livre La grande évasion.
Certains experts ont estimé que la réduction de la pauvreté dépendait de transferts financiers des pays riches vers les pays pauvres. Mais on peut chiffrer le montant de l’aide étrangère à des centaines de milliards sans impact significatif. Le progrès du monde non-occidental a été le résultat de la croissance économique stimulée par l’abandon de la planification centralisée et l’intégration de nombreux pays non-occidentaux dans l’économie mondialisée. Par exemple, le revenu par habitant moyen corrigé de l’inflation en Chine a été multiplié par treize depuis le début des réformes économiques en 1978. Suite à la libéralisation en Inde, le revenu réel a été multiplié par trois.
Comme le note Deaton,
la croissance rapide des revenus moyens, notamment en Chine et en Inde, et en particulier après 1975, a beaucoup contribué au recul de l’extrême pauvreté dans le monde. En Chine, surtout, mais aussi en inde, la sortie de centaines de millions de personnes de la pauvreté chronique est considérée comme la plus grande évasion de tous les temps.
L’importance de la croissance ne doit cependant pas être surestimée mais il faut reconnaître que tous les pays enregistrant un recul du niveau de pauvreté avaient des taux de croissance économique soutenu. Comme le note le professeur de l’Université d’Oxford, Paul Collier, dans son livre Le milliard d’en bas, « la croissance n’est pas une panacée, mais le manque de croissance est une menace ».
Même les plus sceptiques face au marché libre reconnaissent que l’entreprise privée est la clé de la prospérité. Ainsi, le musicien irlandais Bono déclarait, lors de son discours en 2013 à l’Université de Georgetown,
L’aide est juste un bouche-trou. Le commerce (et) le capitalisme entrepreneurial font sortir plus de personnes de la pauvreté que l’aide… Face à la pauvreté ici et partout dans le monde, l’assistance étatique et l’aide étrangère sont une solution de fortune. La libre entreprise est le véritable remède… L’entrepreneuriat est le moyen le plus sûr pour induire le développement.
Pourtant, l’ignorance de l’état réel du monde est répandue. En 2013, par exemple, le professeur Hans Rosling de l’Institut Karolinska en Suède a demandé à un échantillon représentatif de citoyens américains si la pauvreté absolue a augmenté ou a diminué au cours des 20 dernières années. Ainsi, 66 % des personnes interrogées pensaient qu’elle avait presque doublé, et 29 % pensent qu’elle est restée plus ou moins la même.
Espérons que les nouveaux chiffres de la pauvreté puissent corriger certaines de ces idées fausses. Mais, alors que nous nous réjouissons de savoir que le monde n’a jamais été aussi affranchi de la pauvreté absolue, nous reconnaissons en même temps le rôle de l’industrie et du commerce dans cette prospérité.
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Article initialement publié en anglais par le Cato Institute – Traduction réalisée par Libre Afrique.
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