France Télévisions : désinvolture et propagande

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France Télévisions : désinvolture et propagande

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 30 octobre 2015
- A +

Le combat permanent pour une société plus câline et moelleuse continue. Et s’il y a bien un canal privilégié pour mener ce combat, c’est évidemment celui des médias. Et ça tombe bien : le gouvernement dispose de nombreux matelots de la notule journalistique et de fiers navires prêts à voguer sur les mers houleuses de l’actualité pour ramener dans leurs filets les plus beaux coquillages de propag d’information.

Dans l’impressionnante flotte de l’État, difficile de passer à côté de France Télévisions. Évoquer ce paquebot de chaînes publiques plus ou moins grosses et plus ou moins fructueuses, c’est parler du vaisseau amiral de l’information à la Française, ce paradoxe vivant, alchimie subtile d’un journalisme indépendant qui suce à la substantifique vérité objective avec un service public qui suce, lui, assez goulûment, aux gros robinets chromés de distribution d’argent des autres, en provenance directe du Trésor Public dont le gouvernement a les rênes.

gifa slow clap

France Télévisions, c’est un peu l’exemple type de ce qu’on peut faire lorsqu’on a de très gros moyens financiers, des moyens intellectuels assez modestes et une moralité mesurable au microscope à balayage électronique. Question moyens, la redevance télévisuelle assure en effet qu’il ne manquera jamais d’argent aux trépidants producteurs télévisuels publics, le contribuable ayant cette capacité surprenante à toujours pouvoir trouver de l’argent pour payer pour des programmes de plus en plus indigents. Indigence qui prouve à elle seule que les moyens intellectuels, eux, ont toujours su conserver l’indispensable modestie qui sied à l’État et aux gouvernements successifs. Enfin, la moralité nanoscopique sera fort pratique pour appliquer sans souci l’éthique en toc et autre deux poids – deux mesures sans lequel ce service ne serait pas vraiment utile au pouvoir en place.

Pour diriger cet ensemble dispendieux à la tête duquel se sont succédé des cadors du management, l’actuel gouvernement a choisi une certaine Delphine Ernotte qui s’est illustrée, quasiment dès son arrivée l’été dernier, en réclamant que soient augmentées les recettes du groupe qui, pour rappel, ne sont globalement que de deux sortes : la publicité, dont Delphine s’est donc engagée à bombarder assidûment le téléspectateur, et la redevance, que Delphine entend bien étendre à tout ce que peut tripoter le contribuable, depuis sa montre connectée en passant par la tablette, l’ordinateur ou le four micro-onde si l’occasion se présente.

Pour compenser cette voracité, Delphine a tenté de faire passer l’addition en expliquant récemment viser le déficit 0 en 2016, lors d’une audition devant la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Notez qu’ici, on ne parle pas d’un déficit d’attention ou de crédibilité, mais bien seulement financier, n’allons pas trop vite en besogne, et rappelons qu’à l’impossible, nul n’est tenu, même pas Delphine du Service Public.

C’est, bien évidemment, particulièrement drôle puisqu’on s’en souvient, lors de son arrivée, la même Delphine s’étranglait dans un petit sanglot en s’écriant que, Oh Mon Dieu, ça va pas le faire, il va nous manquer 50 miyons. Dans une lettre adressée aux administrateurs de France Télévisions, la nouvelle présidente écrivait ainsi :

« (…) compte tenu des hypothèses budgétaires communiquées par notre actionnaire, (…) La confirmation de ces montants conduirait, comme je vous l’avais indiqué jeudi dernier, à un déficit prévisionnel pour 2016 de l’ordre de -50 millions, malgré la prise en compte d’hypothèses d’économies par rapport à 2015 »

Alors oui, bien sûr, depuis, les députés ont voté une rallonge pour le groupe public. Ce n’est pas cher, c’est l’État qui paye. Depuis, il a été aussi convenu qu’on pourrait remettre de la publicité sur les chaînes publiques. Depuis, Delphine a convenu qu’en rabotant un peu par-ci, par-là, on devrait arriver à s’en sortir.

Mais admirons quand même la performance : en une poignée de mois, on passe d’un déficit prévisionnel de 50 millions d’euros à 0. Il n’y a pas à dire, l’argent des autres a quelque chose de magique. D’autant plus magique qu’on apprend en parallèle que question déficits, ceux des années passées ont été fort sous-estimés d’après Francis Guthleben, expert en analyse médias qui a collaboré pendant plus de dix ans avec France Télévisions. Pour lui, on serait plutôt dans les… 50 millions de déficits, dès 2015. Oh. Comme c’est surprenant.

gifa cat surprised

En fait, tout se passe comme si, finalement, les finances (publiques) du groupe de chaînes (publiques) étaient à ce point élastiques qu’elles permettraient de créer, comme ça, pouf, sur un coup de tête, une nouvelle chaîne d’information dont on peut dire, si l’on exclut quelques épaves journalistiques en attente d’un poste au chaud, que tout le monde se fiche complètement.

Et l’élasticité ne s’arrête pas là puisqu’en plus de cette foutraque chaîne dont on n’a que faire (et dont la non-création permettrait une économie instantanée de plusieurs millions qui semblaient manquer à Delphine à son arrivée, justement), la patronne de France Téloche semble chaud-boulette partie pour créer aussi « une plate-forme numérique dédiée aux Å“uvres françaises », c’est-à-dire et avec toute l’immodestie qui sied aux gens qui claquent avec emphase l’argent qu’ils n’ont pas eu à gagner, « une sorte de Google de la création française ».

Ah, qu’elles sont délicieuses, ces élites françaises qui lancent régulièrement des concurrents à la française de services étrangers efficaces et largement rentabilisés, avec cette générosité si caractéristique des jean-foutres de la fonction publique pour, non pas répondre à un besoin du marché, mais simplement montrer qu’elles existent !

Pour justifier cette nouvelle lubie ridicule, Delphine a bien compris qu’il suffit de jeter la carte « exception culturelle » : pour elle, la mise en place de cette nouvelle usine à gaz coûteuse est nécessaire car, voyez-vous mes petits contribuables, « on ne peut pas laisser les acteurs américains contrôler ce marché sous peine de mettre à mal l’exception culturelle ». C’est parfaitement con puisqu’actuellement, chaque production culturelle numérique peut largement être hébergée par des acteurs, autant français qu’américains du reste, et ce, sans le moindre kopek d’argent public. Ernotte ne propose donc ici qu’une redondance dispendieuse, inutile et sous un prétexte parfaitement fumeux.

Encore une fois, le groupe public encaisse des déficits énormes, une perte d’audience constante, une désaffection des annonceurs publicitaires et vit complètement au crochet de contribuables qui commencent à trouver l’addition particulièrement salée, mais c’est le moment où jamais de lancer, coup sur coup, un machin informationnel dont on n’a absolument pas besoin et un bidule culturello-technoïde qui existe déjà.

fail france télévision

Le plus agaçant de tout ceci reste bien sûr le soutien sans faille du ministère de tutelle, celui de la Culture, toujours dirigée avec la même finesse par Fleur Pellerin qui ne peut pas s’empêcher d’être « très favorable » à ces nouveaux gouffres financiers en puissance.

Bien évidemment, la réalité, c’est qu’on est encore une fois en train d’utiliser l’argent du contribuable pour lui fourrer une purée bien standardisée dans le gosier, qui n’est même plus aux limites de la propagande mais s’y vautre tout entière sans le moindre scrupule : par exemple, pendant qu’Ernotte nous chantonne les mélopées langoureuses de l’exception culturelle, elle n’hésite absolument pas à laisser débarquer un présentateur météo qui a eu l’heur de critiquer le GIEC, auquel aux dernières nouvelles, France Télévisions n’a pourtant jamais prêté allégeance.

France Télévisions a toujours beaucoup peiné à concrétiser une image d’indépendance et de probité vis-à-vis du pouvoir. Mais avec une telle propagande éhontée, une telle désinvolture dans la dépense, et une si cynique chasse au sorcières, la nouvelle mouture ne laisse plus rien à espérer. En deux mois, Delphine, vous avez déjà fait un travail impressionnant. Bravo.

gifa cheers bravo
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  • Merci pour ce billet.
    Y a-t-il des formations politiques proposant la privatisation du secteur public de l’audiovisuel ?

  • « une sorte de Google de la création française ».
    Osons !
    Ernotte et nos gouvernants doivent ignorer que les moteurs de recherche et les plateformes vidéos comportent des possibilités de filtrage et qu’un site ne proposant qu’une offre limitée serait tout autant limité en audience.

    « Combien ça coute » dirait Jean-Pierre Pernaut.

    • Cela fera un flop comme toutes les autres « merdes à la françaises » !

      • Évidemment, puisqu’en France la réussite et le succès commercial sont considérés comme hautement suspects, puisque tout est mis en Å“uvre pour les éviter au maximum. Je vois assez mal l’État sortir de sa ligne directrice sur ce coup-là.

  • France Télévision : qu’on vende ce truc au plus offrant.

    • Vendre ? Mais qui achèterait ce machin ?

      Il faut démanteler, fermer, raser… que le dernier éteigne la lumière en partant.

      A la grec : fermeture, 30 jours de préavis. Zou. Basta. Tous dehors.

      Les locaux ainsi vidés pourront toujours servir à héberger les « réfugiés ». C’est à la mode.

    • On récoltera 15 eur…

  • Dans tous les cas ils vont tous pleurer chez le pere noellande pour avoir leur petite rallonge de fin d’année au passage passer quelque frais dans leur poche. « c’est gratuit je sais »

    Qu’il en demande encore plus de ptit millions plus vite le bateau sombrera

  • Une petite rectification s’impose, « c’est l’État qui paye. « ,

    Non, il s’agit des contribuables, à qui l’Etat exige de financer , sans lui demander son avis.

    Ne rêvons pas, le rêve de l’Etat est de diriger toutes les chaines de télévisons,

    Une nationalisation, des chaines, sans avoir à payer !

    Afin d’apporter la bonne parole aux téléspectateurs, contribuables et citoyens.

    • Non, non, vous n’avez pas bien entendu Audacieux Normal 1er. Il a bien dit et répété que ce n’était pas cher car c’est l’Etat qui paye.

      Il voulait aussi une France apaisée. Et dire qu’il a des chances de repasser pour cinq ans, j’en frémis d’avance. Vive le  » je ne pense qu’à mon Ego » et tant pis pour les autres http://www.ladepeche.fr/article/2015/10/30/2207337-des-hordes-de-pilleurs-deboulent-dans-les-magasins.html

    • « c’est l’État qui paye. »

      Allusion à l’ânerie proférée par notre président expliquant, dans une de ses interventions télé ?
      « [Telle mesure] serait gratuite pour les collectivités locales puisque c’est l’État qui paye. » 😀

      • Comment peut on proférer une telle ânerie ? « C’est l’Etat qui paye ». Que quelqu’un avec des connaissances proche de zéro, quelqu’un qui friserait l’indigence intellectuelle sorte ce genre d’ineptie, why not ? Mais notre émince grise, ahurissant ! Normal que nous soyons en faillite avec un tel personnage.

        Méprisable

    • « L’État c’est vous, quand il s’agit de payer. »
      C’est enseigné au 1er jour de la formation à l’ENA, avec contrôle continu et exercices pratiques, coeff 5.

    • « C’est l’Etat qui paye » fait référence à une émission politique de TF1 l’an dernier où HOLLANDE « rencontrait des Français » et répondant à a la question d’un intervenant « combien ça va couter », le Président à répondu « ça ne va rien couter c’est l’Etat qui paye »

  • Que la télévision publique fasse de la propagande n’étonnera personne. Mais quand cela devient trop visible, c’est presque une faute professionnelle. Si l’opposition n’était pas elle-même lobotomisée et totalement acquise au principe du contrôle de la télévision publique, elle demanderait la démission de Delphine Ernotte.

    Et qui va regarder la nouvelle chaine info si 80% de la population ne croit pas un mot de ce qu’elle peut reconter ?

  • Pourquoi tant de haine ?

    Un site à philosophie libérale devrait au contraire encourager la créativité, la prise de risque et saluer les initiatives inouies de Ernotte. Google n’a qu’à bien se tenir et la pompe à phynance va, comme le climat, chauffer au rouge.
    Car c’est vrai, c’est de l’argent public, petit détail bassement matériel puisque, et c’est l’objectif, ça fait plaisir au pouvoir en place.

  • D’ailleurs il paraîtrait que chez Google, on s’inquiéte sévère de cette initiative, tous les stratèges de la firme sont déjà en train de plancher sur une contre offensive, priorité absolue.

  • Toutes eces sortes d’actions mal pensées (quand elles le sont), uniquement destinées à pouvoir se vanter de les avoir initiées, mon père les commentait en disant « encore un ou une qui veut laisser sa trace » et il ajoutait « mon chien en fait autant tous les matins, mais dans les coins et il ne s’en vante pas ».

  • Sans parler des fictions France 2 : une soupe pédago-neuneu toute dévolue a la mission sacrée de l’Education Citoyenne. Imbuvable la soupe, bien souvent. Tout a fait dans le commentaire que vous avez fait :

    « lui fourrer une purée bien standardisée dans le gosier »

  • que deviendrait le roi ‘Rigolard 1er’ sans sa bande de fous et de troubadours , neurasthénique, sans sa cour , fauché comme les blés et vindicatif..mais pour l’instant , ça va , il est heu reux , il parait qu’il va signer pour 5 ans supplémentaires , plus besoin de trainer son cabas au marché de Tulle ou mettre les fesses sur un siège de TGV, les ‘sans dents’ n’ont plus de cervelle , merci France Télévision 😉

  • Et pour illustrer cet excellent article j’invite chacun à s’infliger un visionnage de l’émission l’Autre JT sur France 4.

    Le Semaine de la Haine aurait dit Orwell, mais ici il ne s’agit pas de Goldberg, mais plutôt de la Haine du « capitalisme »

    Assez affligeant.

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Edward Bernays est l’un de ceux qui ont pensé et conceptualisé les ressorts de la manipulation et de la conduite des foules, pour appliquer ses principes à la publicité mais aussi à l’action politique. À travers ses livres et ses réflexions, il a contribué à façonner la pratique de la manipulation. 

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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