À travers l’un de ses ouvrages majeurs, hommage à René Girard, philosophe marquant du XXème siècle.
 Par Johan Rivalland
Après l’hommage de Benoit Rittaud ici-même en l’honneur du philosophe René Girard, qui vient de s’éteindre, je souhaite à mon tour rendre hommage à ce grand penseur qui ne peut pas laisser indifférent et au sujet duquel il me reste encore, personnellement, beaucoup à découvrir.
Benoit Rittaud présentait, à cette occasion, deux des ouvrages de cet auteur majeur ; pour ce qui me concerne, je m’attacherai brièvement à présenter un autre ouvrage de référence de René Girard : Mensonge romantique et vérité romanesque.
Mon thème favori étant celui de la liberté, je ne pouvais qu’être attiré par cet ouvrage et intéressé par les écrits de René Girard en général. Nous nous croyons libres dans nos choix, écrit l’auteur, mais il ne s’agirait là que d’une pure illusion romantique. Nos désirs sont de nature mimétique, selon un processus qui correspondrait au phénomène du « désir triangulaire », selon la terminologie de René Girard qui distingue, dans une relation triangulaire (voire à double triangle, au fur et à mesure de la progression de la démonstration) entre un sujet, un objet et un médiateur (un autre sujet, pour lequel on éprouve soit de l’admiration, soit une rivalité, ou de la haine, le plus souvent un mélange de tout cela, par un effet complexe d’ambivalence des sentiments) de multiples ressorts de la nature humaine.
Pour mieux le démontrer, car il s’agit d’une véritable démonstration que nous sert si brillamment René Girard, l’auteur s’appuie sur les Å“uvres littéraires de grands auteurs, au premier rang desquels Cervantès, Proust, Stendhal et Dostoïevski qui, dans une sorte de progression étonnante, nous ramènent aux fondements de la motivation de nos actes, qu’il s’agisse de vanité (Stendhal, Le Rouge et le Noir), snobisme (Proust) ou encore idolâtrie haineuse (Dostoïevski).
L’explication est complexe, les analyses très fines, et on entre de plain-pied dans l’univers de la psychologie humaine, dans toute sa profondeur, abordant différents champs, de l’envie à l’hypocrisie, en passant par la coquetterie et jusqu’aux masochisme et sadisme.
Un ouvrage malgré tout assez compliqué, même si la démonstration est claire et progressive, et qui invite d’une certaine manière à s’intéresser ou replonger, au choix, dans certaines des grandes Å“uvres célèbres analysées, comme par exemple Don Quichotte. Le philosophe et anthropologue y expose clairement les situations, les personnages en présence et les circonstances, ce qui rend parfaitement intelligible l’analyse pour quelqu’un qui n’a pas lu ces romans, jugés par René Girard comme des Å“uvres « géniales ».
Une lecture de haut niveau, pour une pensée complexe. Un travail absolument brillant. Et un auteur à découvrir ou redécouvrir, de ceux que l’on n’oublie pas de si tôt et dont l’apport à l’histoire des idées est fondamental.
- René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Grasset, février 1977, 312 pages.
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