Presse française : subventions, TVA réduite, avantages fiscaux et indépendance bidon

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Presse française : subventions, TVA réduite, avantages fiscaux et indépendance bidon

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 novembre 2015
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Petite panique dans le Landerneau très restreint de la presse en ligne : Mediapart annonce à tout son lectorat abasourdi qu’il subit les coups de boutoir d’une administration fiscale sans frein ni honneur qui fait rien qu’à l’embêter. La situation est gravissime : l’avenir du média en ligne est en jeu !

L’affaire est, il faut bien l’admettre, assez croquignolette : le site d’Edwy Plenel (et pour un montant plus faible, celui de Daniel Schneidermann, Arrêt Sur Images) vient donc de se faire notifier un redressement fiscal salé, car depuis sa création, Mediapart a appliqué une TVA super réduite à 2,1%, qui s’applique normalement à la presse papier. Pour le fisc cependant, il n’y avait aucune base légale pour agir ainsi, ce qui entraîne une sous-déclaration de la TVA qui aurait dû être à taux plein (19,6% puis 20%), et ce jusqu’à fin janvier 2014, le parlement ayant adopté le 27 février 2014 une loi pour abaisser officiellement la TVA sur la presse en ligne à 2,1%, afin de régler le problème.

Bilan, Edwy doit une ardoise de plus de 4 millions d’euros à Bercy pour avoir choisi unilatéralement son taux de TVA, plus vite que la musique.

Pignouferies de presse

Le constat est donc simple : tant que la loi fiscale imposait une TVA à taux plein, il n’y avait pas matière à discussions. Il y a bien eu fraude fiscale, d’ailleurs clairement affichée par le patron de presse qui a donc, après moult recours, perdu dans sa tentative d’échapper à l’impôt. Usant à présent de la relative notoriété de son organe, le preux Edwy fait savoir à tous l’injustice qui lui est faite, et déballe quelques arguments particulièrement croustillants dont certains sont d’ailleurs analysés par Pierre Schweitzer dans un récent article de Contrepoints dont je vous recommande la lecture.

À ces remarques, on se doit d’ajouter que les mélopées lacrymales du Plenel en plein redressement fiscal sur le mode « Nous ne sommes pas subventionnés » sont particulièrement grotesques, l’estimation des émoluments publics reçus par Mediapart étant facilement disponible et détaillés dans l’article de Corto ici : à 700.000 euros d’argent public, peut-on encore parler d’une absence totale (juré craché) de subventions ?

Mais voilà : pour Edwy, pour Daniel, ces petits arrangements fiscaux se justifient amplement puisque, comprenez-vous, « l’information n’est pas une marchandise comme les autres ».

Voilà une position bien étonnante puisqu’elle revient à demander que les entreprises qui traitent de l’information bénéficient d’un taux de TVA plus favorable. Plenel et Schneidermann, en défenseurs d’une fiscalité favorable à Google, voilà qui ne manque pas de sel, vous l’admettrez. Et de façon moins décalée, retrouver nos éternels chevaliers blancs de l’État, du juste impôt et de la nécessaire lutte contre toute optimisation fiscale même légale, ainsi épinglés pour une pratique qu’ils n’auraient pas tolérée d’Apple, d’Amazon ou d’Uber, cela vous pose un patron de presse, fut-il numérique !

Edwy Plenel : heureusement que tu n'as pas tout misé sur le journalisme !

Malgré tout, ce serait aller un peu trop vite en besogne que de conclure en la seule hypocrisie d’un Edwy tout chiffonné par un contrôle fiscal. En effet, cette affaire, démasquant assez bien les tartuffes du siècle, ne doit pas faire oublier que la presse, en France, est systématiquement l’objet de toutes sortes de pressions. Elle est bien lointaine, l’idée même d’une presse totalement libre et non-inféodée d’une façon ou d’une autre au pouvoir en place, de façon indirecte via le capitalisme de connivence ou de façon bien plus directe grâce aux subventions publiques largement distribuées par un ministère trop richement doté.

Pendant qu’Edwy et Daniel pataugent dans leurs comptes d’apothicaires et leurs mauvais arguments fiscaux, on apprend en effet que Fleur Pellerin, celle qui, justement, distribue les subventions par le truchement de son maroquin de la Culture & de la Communication, envisage très sérieusement de sucrer les facilités consenties jusqu’à présent à quelques titres de presse dont Valeurs Actuelles et Minute.

La petite Fleur, décidément très Charlie et jugeant anormal que certains titres ne bénéficient pas des aides à la presse, a lancé une réforme destinée à élargir l’attribution de ces subsides ce qui permettrait à Charlie Hebdo ou Le Monde Diplomatique d’en croquer. Parallèlement, elle en profiterait pour assujettir cette distribution d’argent des autres à « une condition qui est l’absence de condamnation pénale pour incitation à la haine raciale », ce qui permettrait ainsi d’éliminer des bénéficiaires des titres comme Valeurs Actuelles, Minute ou Rivarol.

Coïncidence malheureuse, ces titres ne sont pas franchement favorables au pouvoir socialiste en place. Le hasard ministériel fait bien les choses, parfois. Or, vous noterez que cette presse qui n’a pas hésité à relayer les éditos enflammés du brave Edwy n’a guère évoqué cette nouvelle disposition dans les attributions des enveloppes. Personne ne semble en effet s’étonner des déclarations de Fleur Pellerin, et personne n’y dénonce la belle incohérence : d’un côté, on explique distribuer l’argent public pour assurer la pluralité de la presse, de l’autre, on impose des critères qui aboutissent à éliminer tout un pan de cette presse qui ne pense pas comme il faut.

Décidément, que ce soit pour la presse ou pour les autres, il est bien difficile à admettre que les petits arrangements avec l’État sont toujours préjudiciables à ceux qui les passent, l’État ayant au final la raison du plus fort. Chaque subvention crée ainsi une nouvelle laisse entre le subsidié et l’État. Quant aux problèmes de TVA d’Edwy & Daniel, ils montrent surtout qu’on ne peut pas truander le fisc impunément, même lorsqu’on est dans le Camp du Bien.

Ce qui se passe actuellement est à la fois parfaitement logique et très inquiétant : quoi de plus logique en effet que le levier financier soit utilisé dès que le pouvoir en place se sent menacé ? Quoi de plus inquiétant qu’il le soit sans que toute la presse s’en émeuve ? Du reste, la torpeur de cette presse devant telle nouvelle n’est-elle pas la preuve irréfutable que la gangrène des subventions a déjà atteint tous les organes vitaux et les centres de réflexion ?

Si toutes ces affaires montrent bien une chose, c’est que l’État choisit ses mignons, et les paye. Mediapart, Arrêts sur Images et tous les autres organes, numériques ou non, reçoivent des subventions, vivent d’abonnements généreusement souscrits par des collectivités, bénéficient d’abattements, de TVA rabotée et leurs journalistes ont, eux aussi, leur petite niche fiscale bien douillette. La mauvaise qualité de la presse française, son audience tous les jours plus faible, la nullité permanente de son recul critique vis-à-vis du pouvoir, son aspect consanguin justifient amplement que ces subventions disparaissent, que la TVA soit enfin alignée pour tous les organes (numériques ou non) sur le taux normal, et que les abattements et autres niches journalistiques disparaissent.

Débarrassés de ces prébendes, confrontés à un vrai marché concurrentiel et à la nécessité de fournir une information de qualité pour laquelle les consommateurs seront réellement prêts à payer, les journalistes et les médias de presse ne pourront qu’y gagner en probité, en éthique et en qualité et apureront enfin leur métier de tous les passe-plats et pisse-copies qui y traînent mollement.

Tant que ce ne sera pas le cas, ils s’enfonceront dans la médiocrité et ce sera bien fait pour eux.

subvention presse rsf 2014
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  • Bravo! Dictature soft, mais dictature quand même…

  • on pourrait ressortir la formule « la République des copains et des coquins »

  • C’est bizarre, je ne peux pas m’empêcher de faire le rapprochement avec le dossier publié récemment par Valeurs Actuelles sur le réchauffement climatique, avec en particulier, une interview de Philippe Verdier…

  • Remarquable article qui décrit parfaitement et sans aucune exagération la situation de la presse et des médias dans cette oligarchie française de plus en plus totalitaire.

  • Le pays 39 ième … Avec ces pratiques, cela ne serait-il pas plutôt la 50 ième place ❓

    On ne peut qu’abonder dans le sens de l’article, hélas.

  • Il y a aussi le cas de « L’humanité », outre son ardoise généreusement effacée par les parlementaires, il y a sa condamnation pour détournement de fonds sociaux dans l’affaire du comité d’entreprise d’EDF. Le journal à du faire appel.
    Ce qui m’interpelle c’est le choix de la ministre qui institue un principe de double peine à vocation éternelle pour certain. De plus elle érige un principe d’inégalité. Il ne s’agit pas d’une interdiction de subvention pour une condamnation, mais pour la condamnation qui semble la plus immonde, et poursuivra l’intéressé durant son existence…. La parole plus grave, que le vol ou la fraude selon la ministre.
    La parole peut être même plus grave que la violence et le crime. Ce n’est pas les subventions qui manquent pour la « deuxième chance », les structures de réinsertion et autres machins pour faire verser une larme aux contribuables que nous sommes. Ne nous trompons pas, les larmes ne sont pas pour les victimes, elles, c’est de l’autofinancement pour des fonds pris sur les police d’assurances « suggéré » par nos compétents dirigeants…
    Le camp du bien, dont fait partie la zélée ministre, ne cesse de nous répéter que le pauvre petit qui a croupi dans une ignoble cellule doit bénéficier d’une aide publique pour se reconstruire, il a payé sa dette à la société, circulez il n’y a plus rien à voir…et à dire… Et le méchant journal,ses propos sont beaucoup trop graves, même si il a payé l’amende du jugement, il n’en aura pas fini avec la société…banni, il sera. Enfin les gentils journaux, je te tiens tu me tiens par la barbichette….
    L’intérêt général, c’est perdu depuis longtemps. L’aire de la falsification, on la subit. L’aire du dilettantisme perce à la vue de tous. On entre dans l’aire de l’arbitraire idéologique dont la ministre se fait le pèlerin.

  • C’est marrant, en matière de liberté de la presse on obtient à peu près le même classement que dans le concours de l’Eurovision.

  • Sachant que RSF est une association française, comment être sûr qu’elle n’a pas subi de pressions pour ne pas plus dégrader la France ?

  • En parlant de presse, qq1 peut il me dire ce qui se passe sur Le Figaro ? Quand je poste des commentaires (non insultant et non agressifs je précise) critiquant Poutine, la dictature chinoise mes posts sont systématiquement refusés par la modération, et beaucoup d’autres se plaignent d’être victimes de ces abus, et toujours ceux qui critiquent ces 2 régimes..Qu’est-il arrivé à ce journal ? J’envisage de les boycotter en ne les visitant plus du tout, surtout que les vues de ce journal virent de plus en plus vers l’anti-libéralisme et l’extrême droite…

  • Et pourtant…
    700000€ de subventions déguisées, contre 4 millions dus au fisc. Le Gouvernement voudrait liquider Médiapart (et Arrêt sur images) qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Le projet de loi adopté en février 2014 aurait pu préciser que le taux réduit de TVA était applicable à la Presse en ligne avec effet rétroactif. On aurait dit que la loi était « interprétative » pour sauver les apparences. Cela n’a pas été le cas.

    • Liquider, peut-être pas. Mais le mettre au pas, sûrement. Avec, en plus, une petite proposition d’étalement du paiement de l’ardoise, étalement fonction de l’indice de courbure de l’échine de E.Plenel…

  • oui..ça fait un moment que l’on doit défendre des gens dont, par ailleurs, on ne partage pas les opinions des injustices dont ils sont victimes…
    si la presse comprenait que sa complaisance était en une des raisons pour laquelle le public se détourne d’elle..

  • Critères d’élimination rétroactifs et sans doute ad’hoc.
    Autrement dit l’État peut distribuer l’argent des contribuables aux medias de son choix.

  • Parmi les ciients de Mediapart, combien d’entreprises assujetties à la TVA.
    Qui auraient récupéré illico presto leur débours pour la TVA (qui n’a pas été) facturée et encaissée par Mediapart.

    Plus c…, tu meurs !

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