Par Mathieu Bédard.
Une des promesses de campagne électorale de Justin Trudeau était de diminuer les impôts de la classe moyenne et d’augmenter les impôts des « riches ». Et en effet, les impôts de ceux qui gagnent entre 44 000 $ et 89 000 $ par année seront réduits de 7 %, alors que les impôts de ceux qui gagnent plus de 200 000 $ vont augmenter de 14 %. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces mesures sont susceptibles de réduire les impôts que perçoit le gouvernement en provenance des riches.
D’abord, il est important de remarquer que, vu la façon dont fonctionne notre système d’imposition, les personnes dont le revenu total se situe à peine au-dessus de la barre des 200 000 $ verront probablement leurs impôts totaux diminuer. C’est normal, leurs revenus situés entre la barre des 44 000 $ et 89 000 $ vont être sujets à une baisse d’impôts, comme ceux de tout le monde.
Toutefois, les contribuables avec des revenus bien au-dessus de la barre des 200 000 $ vont, eux, effectivement subir une hausse d’impôt. Malgré cela, les recettes du gouvernement en provenance de ces contribuables vont aussi baisser, ou du moins la progression de ces recettes va ralentir.
Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que plus les impôts sont élevés, plus on cherche à les éviter.
Il y a plusieurs exemples historiques qui confirment que, si on veut augmenter les recettes de l’État provenant des riches, on doit plutôt diminuer les taux d’imposition qui s’appliquent aux tranches élevées de revenus.
Par exemple, John F. Kennedy a voulu instaurer une baisse d’impôts sur le revenu très élevés pour augmenter les recettes fiscales. En 1963, dans un discours, il s’exprime : « la vérité paradoxale est que les taux d’imposition sont trop élevés et les revenus trop bas ; et la façon la plus rationnelle pour augmenter les recettes à long terme est de faire baisser les taux maintenant ». Et en effet, après sa mort, la réforme fiscale qu’il avait souhaitée a été adoptée, réduisant les taux marginaux d’imposition de 20 points de pourcentage, et de 30 points de pourcentage pour les plus fortunés. Les recettes découlant de l’impôt sur le revenu des particuliers, auparavant stagnantes, ont augmenté jusqu’à la récession de la fin des années soixante.
La présidence de Ronald Reagan a vu le même phénomène. Avant son arrivée au pouvoir, le taux d’imposition le plus élevé était de 70 %, contre 28 % lorsqu’il quitta le pouvoir. Seulement sur les revenus des riches, le fisc américain a prélevé cinq fois plus d’impôts après que les taux aient été abaissés. Bien sûr, à la même époque il y avait de l’inflation, la population augmentait, etc. Mais quand même… cinq fois !
La même chose s’est produite en Grande-Bretagne sous Margaret Thatcher. Entre 1979 et 1988, elle fit passer le taux supérieur d’imposition de 83 % à 40 % et celui-ci s’est maintenu à 40 % ou moins depuis. La manÅ“uvre semble avoir fonctionné, puisqu’alors que les revenus déclarés des plus riches étaient en diminution constante avant 1979, ils se sont mis à augmenter par la suite. Entre 1976 et 2007, la part des impôts totaux payés par le fameux 1 % le plus riche est passée de 5,9 % à 14,6 %.
Plus près de chez nous, le Premier ministre de l’Ontario de 1995 à 2002, Mike Harris, opta pour la même stratégie pour augmenter les recettes fiscales. À partir de 1996 et pendant trois ans, le taux supérieur d’imposition a été diminué. Sur cette période, les recettes du gouvernement ont augmenté annuellement de 2,8 %, alors qu’elles augmentaient seulement de 1,3 % par année par le passé. La croissance du PIB a augmenté de façon spectaculaire pour atteindre 7,5 % en 1999.
La logique et l’explication derrière ces observations historiques est pourtant simple. Lorsque les contribuables riches ont l’impression que le système fiscal est équitable, et qu’on ne leur fait pas supporter une partie démesurée du fardeau fiscal, ils sont moins enclins à chercher des moyens d’éviter de payer. Cela leur est beaucoup plus facile que pour la classe moyenne, parce qu’il est beaucoup moins compliqué pour eux de déménager, ou de pratiquer l’optimisation fiscale entre différents États ou régimes d’imposition.
Faire augmenter la contribution des riches aux recettes de l’État en diminuant leur taux d’imposition est, certes, contre-intuitif et peut-être politiquement impopulaire. Cependant, si ce qu’on recherche est l’efficacité et la croissance économique, il va bien falloir finir par reconnaître, pour reprendre deux formules bien connues, que « trop d’impôts tuent l’impôt » et que « les hauts taux tuent les totaux ».
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Qui, de nos jours parmi les politiciens, recherche l’efficacité et la croissance économique ?