Proche-Orient : inévitable escalade militaire

Attentats en Europe, tensions au Proche Orient : la tragédie de l’Histoire revient au galop.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Abu Bakr al Baghdadi, painted portrait credits thierry ehrmann (CC BY 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Proche-Orient : inévitable escalade militaire

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 novembre 2015
- A +

Par Éric Verhaeghe.

Abu Bakr al Baghdadi, painted portrait credits thierry ehrmann (CC BY 2.0)
Abu Bakr al Baghdadi, painted portrait credits thierry ehrmann (CC BY 2.0)

L’escalade militaire paraît désormais inévitable au Moyen-Orient après les attentats du 13 novembre à Paris. Alors que la terreur règne, le jeu des puissances européennes tel qu’il a sévi au début du XXème siècle semble plus que jamais d’actualité.

L’escalade entre la Turquie et la Russie

La destruction d’un avion de chasse russe par des F-16 turcs a marqué un important tournant dans le conflit qui couve autour de la Syrie depuis plusieurs années. Il faut remonter à la fin du XIXème siècle pour comprendre la profonde rivalité entre les deux pays. Rappelons que la Russie s’estime volontiers comme l’héritière naturelle de l’empire romain d’Orient, dont la capitale, Constantinople, est tombée aux mains des Turcs au XVème siècle. Le patriarche de Moscou se verrait bien au Phanar, à la place du patriarche captif d’Istanbul.

Bien avant l’existence de l’OTAN et de l’improbable alliance entre les États-Unis et la Turquie islamiste, c’est ce jeu des puissances qui revient en force. Tous les europhiles qui pensaient que l’Europe avait définitivement tourné les pages de son histoire millénaire en sont pour leur grade : la tragédie du continent revient au galop.

La Turquie joue l’escalade

Erdogan pense être en position de force face à la Russie : il est son premier acheteur de gaz naturel et il a l’illusion de pouvoir mener une coalition islamiste victorieuse contre l’armée de son bouillonnant voisin septentrional. La France est face à un problème majeur : ou bien elle rejoint tardivement la coalition russe et elle affronte, peu ou prou, la Turquie, qui dispose contre elle de violentes armes. Ou bien elle tient à ses bonnes relations avec la Turquie, et Daesh ne sera pas écrasé, parce que la Turquie veille au grain.

L’absurde diplomatie française au Moyen-Orient qui, de Sarkozy à Hollande, soutient la création d’une sphère sunnite dominée par les États du Golfe, vire au naufrage. Hollande ne peut s’offrir le luxe de rester inerte face à Daesh, mais il ne pourra gagner cette guerre sans affronter les Turcs.

Le drame est sans doute que, prisonnier de l’angélisme béat de la technostructure, il n’avait pas imaginé que la situation pourrait dégénérer aussi vite.

Intrusive Turquie

L’Europe a eu bien tort d’accepter le dialogue avec une Turquie islamiste. Erdogan mène depuis plusieurs années un double jeu. Officiellement, c’est un musulman civilisé qui joue le jeu du droit international. En sous-main, il serre ou desserre le nœud qui permet à Daesh de respirer. Quand il trouve l’Europe trop peu conciliante, il lâche les chiens, laisse passer les terroristes, assure l’exportation du pétrole de Daesh et apporte un soutien discret au mouvement. Quand l’Europe lui donne de l’importance, il livre quelques terroristes et demande à Daesh de mettre ses liens avec lui en sourdine pour faire illusion.

Pendant ce temps, il instille son poison en Occident, soutient ses sbires et ses partis liges partout où ils peuvent donner de la voix, et n’hésite pas à faire pression sur les États souverains pour protéger les communautés turcophones qui vivent dans leurs ghettos. Les Belges l’ont découvert avec étonnement, quand Erdogan leur a reproché d’avoir évincé une élue turco-bruxelloise qui refusait de reconnaître le génocide arménien.

La terreur épuise les opinions publiques

Décidément, l’angélisme politique, l’illusion de conquérir une paix éternelle par la construction communautaire, est bien morte. L’Union Européenne a simplement étouffé les volontés au profit d’un jeu collectif dont l’inutilité apparaît de façon de plus en plus évidente. Elle est devenue le jouet de tous ceux qui peuvent sans difficulté profiter de ses circuits de décision ubuesques et de son impuissance.

Le terrorisme est l’arme suprême de ces « volontaires » qui pensent la démocratie comme une marque de faiblesse. Tôt ou tard, il faudra faire le procès de tous ceux (responsables des partis sociaux-démocrates en tête) qui ont parié sur le communautarisme pour faire leur carrière politique : ils ont précipité l’affaiblissement de nos pays face à cette montée d’un Islam radical, porteur d’un ordre politique radicalement contraire à nos valeurs, mais bien décidé à les utiliser pour les noyer.

En attendant l’hypothétique sursaut qui pourrait, seul, nous éviter le pire, les opinions publiques sont soumises à une rude attrition. Bruxelles, grotesque capitale d’une Europe elle-même grotesque, est paralysée depuis quatre jours et devrait continuer son hibernation plusieurs jours encore. À Paris, l’opinion ne devrait pas tarder à donner des signes de fatigue : le métro est bloqué plusieurs fois par jour, et les toxiques partisans d’une fausse paix qui leur donne bonne conscience reviennent sans cesse à la charge pour nous culpabiliser d’être en guerre.

Alors que le déclin économique frappe l’Europe, les peuples demanderont tôt ou tard l’expérience autoritaire qu’ils imaginent seule capable de les sauver. Le besoin de sécurité prendra le dessus.

Certains imaginaient que la démocratie ne vivrait plus jamais l’épreuve du doute. On pouvait bien se révolter ou changer de régime, mais jamais on n’abandonnerait l’amour des libertés. Et puis, la lassitude d’avoir peur venant, on sent bien que cette certitude se lézardera plus vite qu’aucun esprit n’aurait pu l’imaginer.

Sur le web

Lire sur Contrepoints notre dossier Proche Orient

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • si erdogan cherchait à déclancher des manoeuvres vengeresse et explosives de la part de poutine , il en est pour ses frais ; le russe à dit qu’il ne rentrerait pas en guerre contre la turquie , mais bien sur il emploira d’autres sanctions , sans verser le sang de la population turque ; quand à hollande , que penser de ce type , qui est toujours tenu en laisse par obama ? les élus ont tellement de choses pas trés propres à se reprocher , de vilaines choses qui elles , sont connus par plus puissants qu’eux …..un petit chantage , et hop ! c’est réglé…..

  •  » les peuples demanderont tôt ou tard l’expérience autoritaire qu’ils imaginent seule capable de les sauver »

    Voilà le danger imminent. C’est une fadaise bien sûr, un régime autoritaire ne sauve pas du déclin économique, il y rajoute le déclin moral, politique et au final le désastre et la ruine totale (lire à ce sujet « Le salaire de la destruction », d’Adam Tooze, sur l’histoire économique du nazisme). Mais Hitler est mort depuis longtemps maintenant et les jeunes ignorent tout du communisme car une génération, déjà, nous sépare de sa chute. Un pessimiste se dirait qu’il a le choix entre fuir très loin et perdre son âme. Pas folichon.

  • Non mais vous avez lu les journaux ?

    On ne parle que de bombarder la Syrie ! La France, le Québec, l’Allemagne, l’Angleterre, la Russie, les USA … Mais bombarder quoi ? Mystère. Le problème du soutien à une force terrestre capable d’occuper le terrain reste toujours aussi vague.

    Et pour cause : derrière l’unité et les commisérations de façades, les Américains et les Russes ne sont pas prêts à se mettre d’accord sur le fond du problème. Bien au contraire, Obama a rejeté toute implication supplémentaire et la destruction du bombardier russe par la Turquie ressemble à un torpillage de toute entente sur la question de fond du pouvoir en Syrie et de son contrôle.

    La France s’est laissé embringuer dans un conflit géopolitique qui la dépasse. Et au lieu de taper du point sur la table pour mettre les US face à leur responsabilités, on en rajoute une couche. Trois députés seulement ont osé dire que la politique de Hollande était à côté de la plaque. Le FN a raison sur toute la ligne (facile quand on n’est pas au pouvoir et déjà honni par la presse bien-pensante).

    La presse est une caricature de la Pravda : totalement idéologique, irréaliste, menteuse, soumise au gouvernement et à la propagande climatique, et vendant du « fait divers » pour vendre ses torchons.

  • Petite contradiction  » ceux qui on parié sur le communautarisme … » il y a une chose certaine c’ est que justement ils n’ ont pas parié sur la démocratie …..pour au moins 3 raisons
    ils perdent du pouvoir , politiquement ce n’ est pas payant puisque la masse est biberonné au socialisme et étatisme , il faudrait du temps , beaucoup 20 à 30 ans au moins

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
4
Sauvegarder cet article

[embed]https://youtu.be/KAKAI0ZXQYU[/embed]

A la tête de la Syrie pendant cinq décennies, le parti Baas est un parti socialiste né dans les années 1940, reprenant les idéaux tiers-mondistes et révolutionnaires. Devenu un moyen de captation des richesses, contrôlant la Syrie par la force, le Baas a été l'instrument de la domination de la famille Assad. ... Poursuivre la lecture

La députée de Paris Sandrine Rousseau (NFP - EELV) possède à l'évidence un talent tout particulier pour combiner à l'infini ses éléments de langage favoris dans ses tweets, quel que soit l'événement soumis à sa verve politicienne. Nouvel exemple fascinant avec la victoire du républicain et ancien président Donald Trump face à la vice-présidente démocrate Kamala Harris dans la course à la Maison Blanche de ce 5 novembre 2024. À croire que tout ce qui fonde la "convergence des luttes" chère à la gauche s'est donné rendez-vous dans sa prose :Poursuivre la lecture

pouvoir d'achat
4
Sauvegarder cet article

Pour se faire une idée de l'état d'une économie, la plupart des économistes s'appuient sur une statistique commune, le produit intérieur brut (PIB). Le PIB représente la valeur des biens et services finaux produits au cours d'une période donnée, généralement un trimestre ou une année.

L'utilisation de cette mesure statistique suppose que le moteur de l'économie n'est pas la production de biens et de services, mais plutôt la consommation. Dans le PIB, ce qui compte, c'est la demande de biens et de services finaux. Étant donné que les dé... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles