Par Bernard Kron.
Ils s’étaient réunis le 3 octobre à l’hôpital Cochin. Depuis, en plein état d’urgence et au mépris des libertés, la loi a été votée.
Il faut revenir en arrière pour comprendre cette exaspération. Tout a commencé avec les « les médecins ne sont pas des pigeons » et « L’appel des soignants » de mars 2014. La révolte est venue du fait que les médecins se sentaient de plus en plus réduits au rôle de simples exécutants, dans un système hyper-dirigiste, bureaucratique et déresponsabilisant.
L’État continue aujourd’hui de vouloir mettre au pas ceux qui conservent encore une certaine liberté dans leur exercice : les professionnels de santé libéraux. La révolte du corps social mobilise également les professions libérales, les agriculteurs, les transporteurs et les artisans contre toutes ces contraintes. « Le cri du collectif de mars » des soignants et de nombreuses autres corporations n’ayant pas été entendu, la contestation est repartie de plus belle avec la grève des personnels hospitaliers et des médecins libéraux.
Les professions qui manifestent ne sont pas des militants politiques de type Bonnets rouges ou des médecins pigeons, mais des citoyens de tous les horizons. Les parents d’élèves, les policiers et autres corps sociaux sont accablés par l’injustice de cette politique menée depuis trop longtemps.
Tous sont légitimes dans cette colère. Le système libéral doit être préservé, dans le propre intérêt de l’économie de la santé et de la qualité des soins. Il est seul à pouvoir empêcher que l’hôpital, pourtant surdimensionné, ne soit submergé par les urgences.
Afin d’essayer de stopper cette évolution qui remonte à de nombreuses années, les blouses blanches se sont encore mobilisées ce 3 octobre à l’Hôpital Cochin, sur l’appel de l’UFML et de l’UCDF, en pointe sur les revendications pour essayer d’enrayer l’étatisation du système de santé.
Des médecins, des infirmières, des ingénieurs, des savants quittent la France. Ils partent sans bruit vers la Grande-Bretagne, l’Amérique du Sud, l’Australie ou le Québec. On estime à 12 000 le nombre d’étudiants en médecine qui partent faire leurs études en Roumanie, Croatie, Belgique ou Espagne : reviendront-ils ?
La crise atteint toutes les corporations des soignants. La santé dépend de 5 ministères que sont la santé, les affaires sociales, l’enseignement, le budget et l’intérieur. Elle a vu la création des hautes autorités, du pôle social de l’Élysée et des agences régionales de santé (ARS). Les schémas régionaux d’organisation des soins ont compliqué l’exercice libéral par des normes et des contraintes.
Des tribunaux d’exception sont prêts à siéger contre les médecins qui ne respecteraient pas les normes imposées par les caisses. Les mesures coercitives sur les médecins et le tiers payant généralisé vont aller à l’encontre du but recherché, donner un accès aux soins pour tous. Les directeurs des agences régionales de santé décideront bientôt de l’avenir, du projet de vie et de l’installation des médecins.
Le médecin ne sera plus que l’effecteur du responsable du réseau et devra appliquer à la lettre les abaques définis par les tutelles.
L’âge moyen des médecins à Paris est de 55 ans, même la capitale devient peu à peu un désert médical. Les difficultés de stationnement, les charges d’un cabinet médical sont trop importantes pour un exercice strictement conventionné, ce qui participe à la désertification toujours plus importante.
L’impossibilité de trouver un successeur s’accélère dans tout l’Hexagone. La venue de médecins étrangers ne règlera pas cette pénurie. Le problème sera le même pour les médecins territoriaux, car un grand nombre repartira après quelques tentatives d’insertion. Le cercle vicieux de la révolte sociale est maintenant solidement enclenché chez les médecins libéraux, car ils sont les « dindons » de cette farce.
Les urgentistes et les médecins ont fait grève. Les internes et les personnels des hôpitaux manifestent à nouveau leur mécontentement. Les événements de ce début d’automne 2015 vont-ils nous mener à un chaos médical ? Tout converge pour nous faire arriver à un scénario catastrophe par la faute de l’hypocrisie, du dogmatisme, ou de la pêche aux voies de nos gouvernants.
La Loi Santé avait été amendée par le Sénat mais chacun sait que c’est toujours l’Assemblée Nationale qui a le dernier mot.
Il est affligeant de constater que le vote a eu lieu le vendredi 27 novembre jour du deuil national.
On se demande pourquoi tant de mépris vis à vis des soignants.
Les coordinations régionales ne peuvent pas se mettre en place pour paralyser le pays comme l’avaient fait les camionneurs à cause de l’état d’urgence, mais l’épreuve de force va commencer autrement.
Nombre de médecins vont entrer en résistance, déconventionnement, refuser de télétransmettre ou d’appliquer le tiers payant. Ils vont par ailleurs en tenir compte lors des prochaines élections.
Cette loi santé avec la généralisation du tiers payant copie la médecine à l’anglaise, en échec en Grande-Bretagne. Demain ce sera une médecine à deux vitesses : médecine d’abattage en convention, médecine à l’américaine hors convention.
La Sécurité sociale restera en déficit et le coût des mutuelles explosera.
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Pour aller plus loin, lire Chirurgie chronique d’une mort programmée, de Bernard Kron, aux éditions L’Harmattan.
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J’ai un peu de mal à adherer à cette chronique, qui entendrait faire un parralèle entre la situation des professions médicales, et d’autres corporations.
Les medecins sont dans une situation bien différente des autres cas cités.
1° – le revenus moyen des medecins, les place confortablement nichés dans les 10% de citoyens les plus riches. C’est loin d’être le cas des autres corporations, dont ils peuvent partager les contraintes d’un étatisme decérébré.
2° – les professions médicales sont très bien représentées à l’assemblée nationale ( j’en ai compté 38 et il y en a probablement de masqué dans la catégorie fonctionnaire. DONC, il participe consciencieusement à la multiplication des normes, des impots et taxes, des directives imposées à l’ensemble du pays. ( les agriculteurs sont aussi très bien représentés, bien moins que la fonction publique qui dirige de fait le pays)
3° – la medecine n’est pas délocalisable, et le metier se pratique partout dans le monde. Il est aussi ouvert à une concurrence de praticien venus d’ailleurs (potentiellement, car les liberaux veillent à une solide restriction de la liberté d’installation et d’exercice … pour les autres) En tout cas, les professions médicales ont la possibilité de s’expatrier, plus facilement que d’autres corporations.
4° – Il n’y a pas beaucoup de chefs d’entreprise qui peuvent se rejouir de la gratuité totale perçue par leurs clients. La consultation coute 1€ au client, et rapporte 27€ (22+5) au praticien ( on peut toujours dire que ce n’est pas assez ) et le client peut y revenir autant de fois qu’il en a envie… Dommage que mon caviste ( dont l’efficacité sur ma santé est comparable) ne bénéficie pas de ce régime.
Bonjour Cap2006
Un Clos-Vougeot remboursé par la sécu.. je vote tout de suite. 🙂
Tout à fait gillib: Au tarif TPG vous aurez droit au gros rouge qui tâche pour le château latâche il faudra payer en fonction de la qualité; Pour les soins idem. Le PS ne veut plus de médecine libérale conventionnée. Demain listes d’attentes et médecine à deux vitesses, Voici ce que donnera la TPG à 100% comme en GB où c’est une catastrophe.
Les jeunes ne veulent plus faire 12 à 14 ans d’études pour travailler 70H/semaine avec urgences et gardes.
9% seulement s’installent.
Demain réseaux de soins salariat.
Fini le médecin de famille qui vient à domicile après 19heures
Je me permets d’insister…
– beaucoup de français voudraient bien pouvoir travailler 70h/sem pour gagner 60 ou 70 k€… et avoir la possibilité de ne travailler « que » 35h/sem pour en gagner la moitié… Surtout ceux qui travaillent 70h/sem pour 15 k€… souvent moins.
– le salariat n’est pas un critère de mauvais travail… et de permanence de soin…
– et le complexe des longues études… tous ne sont pas chirurgiens… et d’autres savoir faire exigent des nombreuses années avant de les maitriser… Je reconnais que la responsabilité de l’humain rend difficile l’apprentissage sur le tas…
Visiblement, il ne manque pas de candidats…
à mon avis, c’est le travail pendant 70 heures par semaine qui doit permettre de dépasser le point mort de la structure. il faut bien payer les frais fixes.
il est fort possible qu’en travaillant la moitié, il ne gagne pas la moitié mais rien du tout ou fasse des pertes… par exemple, le loyer, c’est la totalité qu’il faut payer, même si on ne travaille que la moitié du temps, de même pour les assurances pro, la formation continue…
Ça dépend de la durée de la consultation. Certains médecins voient 12 patients dans la journée quand d autres en voient 70…
En plus le métier a changé, les anciens bossent encore 70h par semaine mais la nouvelle génération s est adaptée à la fonctionnarisation du métier et sont plutôt à 40 50h par semaine
Ce que vous semblez ne pas comprendre est que le système décrit par l’auteur est certes mal vécu par les médecins libéraux (et c’est ce que vous contestez car les médecins ne vous semblent pas si mal lotis) mais le TPG est surtout une catastrophe pour le patient que vous êtes où que vous serez tôt ou tard !
Fin de l’indépendance professionnelle du médecin = baisse de qualité de votre prise en charge car le médecin ne défendra plus votre santé mais la santé financière du payeur (mutuelle ou assureur)
Fin du secret médical = dois je vraiment vous décrire les conséquences pour vos assurances
Fin du libre choix du médecin = si vous n’êtes pas content…il faudra faire avec ou payer le prix fort (à l’anglaise)
Augmentation des tracas administratifs = augmentation des délais médicaux
Diminution du nombre des médecins « libéraux » car plus personnes ne voudra s’installer dans ces conditions = augmentation des délais médicaux et deconventionnement des professionnels donc pénurie de la médecine conventionnée et développement de la médecine vraiment libérale = médecine à 2 vitesses ( système anglais)
Bref les médecins ne sont pas les plus à plaindre…mais les futurs patients si !
??? A quel moment j ai écrit ca? Mon post d après montre le contraire… je suis tout à fait persuadé que le système mis en place est de pire en pire pour la qualité de soin ainsi que pour la profession médicale qui n a de libéral que le nom
Dommage que l auteur ne détaille pas plus ce qui va arriver avec ce système de tiers payant généralisé. A savoir fini le choix de son médecin. Va falloir aller voir un des Médecins agréés par la mutuelle. Et quels seront les critères de sélection des mutuelles? C est là que ça va être croustillant… Choix des médecins qui coûtent peu au système, en gros ceux qui prennent beaucoup de temps en consultation et qui font des ordonnances allégées. Wait and See
il n’y de toute façon que
* deux méthodes (non exclusives) pour adapter l’offre et la demande :
O) adapter l’offre à la demande
D) adapter la demande à l’offre
* Et trois méthodes pour gérer la rencontre d’une offre et d’une demande
1) attendre son tour
2) payer
3) la violence (un acteur impose son prix et l’ordre)
Il est bien clair que « celui qui fait la loi »– dans les deux sens du terme– préfère choisir à la place de tous le monde (aussi bien le médecin que le patient), sans payer, et qu’il en a RAF de l’offre ou de la demande de santé, il ne s’intéresse qu’à la demande électorale, politique (donc son action pour adapter l’offre et la demande de santé sera juste n’importe quoi en fonction des lobbies et de leur poids électoral, qui n’a rien à voir avec leur poids naturel) .
Donc le vice ce n’est pas le contenu de la loi, c’est le principe même d’une loi sur le sujet.
D’ailleurs si on avait fait la même chose en matière d’alimentation, on parlerait de rationnement … et de tout ce qui va avec : marché noir, copinage népotisme et corruption.
En temps de paix, organiser un rationnement … ? sérieusement ?
C’est tout à fait vrai !
Si on appliquait le système de santé à l’alimentation, je crois que tout le monde comprendrait mieux la catastrophe qui s’annonce.
Après tout, manger est aussi important que se soigner !
Imaginez que les personnes bénéficiaires de la CMU puissent aussi aller dans n’importe quel restaurant gratuitement et bénéficier du même menu que celui servi habituellement. Cela provoquerait en quelques mois un embouteillage dans les bons restaurants. Ceux ci aurait donc un problème de taille à résoudre : garder la même qualité mais avec un chiffre d’affaire en baisse.
En effet, le remboursement CMU du repas étant fixé par l’état, il est moins important que le prix affiché et payé par les clients qui ne sont pas bénéficiaires de la CMU. Or la proportion de CMU étant en augmentation et la capacité de production ( le nombre de couvert) étant limité, la baisse ou la stagnation du chiffres d’affaire est inévitable.
La solution est de faire baisser les coûts de production = matières premières, main d’Å“uvre, loyer, frais divers.
Après quelques années, l’état décide de créer une autre catégorie de bénéficiaire de tiers payant : les ACS.
Une partie du coût du repas sera payé par l’état et une autre par une assurance payée par le client à l’aide d’une subvention. Le restaurateur devra vérifier lui même si les 2 organismes l’ont bien payés.
On constate de plus en plus de retard de paiement et même des impayés car certains clients ne mettent pas leur carte à jour et l’assureur est intraitable.
Le prix du repas, au départ négocié pour suivre l’inflation, n’a pas évolué depuis 10 ans et le nombre de CMU et d’ACS ne cesse d’augmenter. Tout comme les incidents de paiement que les restaurateurs ont du mal à régler car ils n’ont plus les moyens de payer un employé pour s’en occuper.
De nombreux restaurants ont fermé leur portes, les étoilés ont disparus du territoire, il ne reste plus que des restaurants moyen gamme dans lesquels on mange encore correctement. Et on commence à trouver des restaurants « non officiels » qu’on paye en liquide, de très grande qualité mais très chers.
Quelques années plus tard, à l’occasion d’une grande élection, le gouvernement décide qu’il n’est pas normal de payer pour manger et met en place le ticket repas pour tous…
Je vous laisse imaginer la suite…
Phospho a tout dit: les médecins protestent non par corporatisme mais parce qu’ils connaissent les dérives catastrophiques de ce système en GB:
Baisse de la qualité, listes d’attentes etc
Pour ceux que cela intéresse et qui me demande plus d’explications je ne peux que leur dire de dépenser le prix d’une Cs pour lire:
Chirurgie chronique d’une mort programmée
Amazon, Fnac L’Harmattan
Si vous commentez je répondrai
Merci de me suivre sur TW
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-prix-d-hospitalisation-de-420-etablissements-publics-en-france_1346875.html
Mr Kron il apparait au vu de cet article que les tarifs de la journée d’hospitalisation dans les hôpitaux publics soit à géométrie variable ( variant du simple à 12 fois !). Serait il possible que le cout réel d’une prothèse de hanche facturée au tarif sécu ( 490 euros) soit en définitive payée à l’hôpital par la sécu via le tarif de cette journée d’hospitalisation ?
merci pour tous ces commentaires:
L’Hôpital est malade car surdimensionné et sur bureaucratisé:
Les directeurs harcèlent les médecins:
Le scandale vient d’éclater au HEGP
Pour enquêter sur les nombreuses affaires qui ont troublé la sérénité de l’HEGP aété mis sur pied une commission composées de trois personnes exerçant pour deux d’entre elles et ayant exercé pour la troisième au sein de cette institution.
« La ministre de la santé avait souhaité une commission extérieure et indépendante. Ce n’est malheureusement pas le cas et c’est une nouvelle offense à la mémoire de Jean-Louis Megnien.
Seule une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales peut garantir une telle indépendance, par des inspecteurs généraux qui ont des moyens d’investigation étendus, moyens que n’ont pas les trois « personnalités » non indépendantes que vous avez désignées.
Telle est la réalité,
Les directeurs s’appuient sur les Directoires et les CME qui »collaborent » pour mieux plaire et améliorer leurs carrières
L’étatisation de la santé commencée en 1996 avec les Ordonnances Juppé s’accélère avec la loi HSPT de 2011 qui sont prémices de la loi santé 2015