Par Aymeric de Villaret
Pas de compromis possible ! L’Iran ne veut pas s’engager alors que les sanctions vont être levées. L’Arabie reste sur sa position de guerre des prix. La Russie ne veut pas non plus partager le fardeau des coupures !
Ne rien faire et attendre… Telle est la conclusion de la réunion de l’OPEP du 4 décembre.
Pendant ce temps, le baril chute de plus en plus (à 40 $/b le Brent) alors que la production américaine recule (plus de 600 kb/j de chute attendue de mars 2015 à janvier 2016 pour l’huile de schiste selon l’EIA).
Réunion de l’OPEP du 4 décembre : feu vert à la hausse de la production
La réunion de l’OPEP à Vienne le 4 décembre s’est terminée par la décision de maintenir sa production aux niveaux actuels, soit la reconnaissance « de facto » d’un relèvement de son plafond de production vers les 32 Mb/j (31,8 Mb/j), alors que le plafond officiel est de 30 Mb/j.
Le Président actuel de l’OPEP, ministre nigérian du pétrole, Emmanuel Ibe Kachikwu, a déclaré qu’ils « n’avaient pas jugé nécessaire de donner des chiffres dans le communiqué » mais en précisant que si cela était nécessaire « ce serait le niveau de production actuel ».
Difficile d’être surpris de cette décision alors que l’Arabie Saoudite, de loin le plus grand pays producteur de l’OPEP, déclare depuis plus d’un an qu’elle ne réduira pas sa production à moins que les autres pays producteurs ne coupent la leur, notamment la Russie et les États-Unis. Mais, comme nous le verrons plus loin, les États-Unis ont déjà commencé, forcés à couper…
Où sont les prix ?
Les cours actuels – on touche les 40 $/b.
Évolution des cours du Brent (en $/b) depuis janvier 2012 et depuis janvier 2015 :
De septembre à début novembre, le Brent a évolué dans une zone des 45-55 $ fonction de la hausse des stocks de produits américains, du ralentissement de la demande en Chine, de la baisse du nombre de rigs de forage aux États-Unis.
Le retour aux années 2008
Et début décembre, après la réunion de l’OPEP du 4, le sursaut attendu n’est pas là, toute reprise amorcée à l’automne ayant échoué. Ainsi, nous sommes quasiment revenus, avec le Brent passant sous les 40 $/b le 9 décembre, à des prix similaires à ceux de la crise de 2008-2009.
En attendant l’Iran
L’évolution de la production de la Russie, de l’Arabie Saoudite, des États-Unis, de l’Iran et de l’Irak explique d’une manière assez simple la problématique pétrolière.
Après avoir cassé la croissance américaine, l’Arabie Saoudite se trouve confrontée à la levée des sanctions sur l’Iran et le désir assez légitime de ce dernier de montrer sa production.
Le retour de l’Iran
En effet, lorsque l’on regarde l’historique de la production de l’Iran et si on le compare avec celui de l’Irak, il est légitime de s’interroger sur les conséquences de la levée de l’embargo, car les deux pays ont toujours considéré qu’ils devaient produire autant, si ce n’est plus, que l’autre.
1965-2011 : avantage Iran ; 2012-2014 : l’Irak prend le dessus
Comment gérer pour l’OPEP le retour de l’Iran ? 1 million de barils ?
Oui, une fois (si…) l’embargo levé, l’Iran pourra de nouveau investir et après le front américain sur lequel se bat l’OPEP, un nouveau front risque de s’ouvrir en son sein. En effet, selon Téhéran, c’est près de 1 Mb/j de production que l’Iran serait capable de produire dans les 6 mois une fois les sanctions levées. Selon son ministre du pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, l’Iran devrait pouvoir revenir à sa production d’avant les sanctions en peu de temps.
En octobre 2015, l’Iran a produit 2,88 Mb/j contre près de 6 dans les années 1970 et plus de 4 (4,36 Mb/j) en 2011 ! C’est pourquoi, un potentiel de 1 Mb/j supplémentaire ne parait pas si déraisonnable ! Le tout est de savoir en combien de temps.
Mais faute de savoir, on attend et on ne fait rien.
Pendant ce temps…
Les forages aux États-Unis au plus bas et la production recule
L’évolution des forages aux États-Unis, qui en début d’année avait montré une forte chute, indique de nouveau un recul marqué alors que sa stabilité avait semblé indiquer que l’huile de schiste avait trouvé son point d’équilibre :
Le graphe ci-après montre bien que la baisse du nombre de rigs s’est arrêtée mi-juin avant une petite progression et de nouveau un fort déclin :
À 540 forages au 4 décembre, le chiffre est le plus bas de 2015. Cela incite à penser qu’aux niveaux de baril actuels, seuls sont mis en forage, des puits « profitables » et que la formidable hausse de production américaine relève du passé.
Production américaine en recul et chute attendue en 2016
La baisse des forages aux États-Unis a entraîné depuis le milieu de l’été une baisse très nette de la production américaine.
Et ainsi, alors qu’en début d’année la variation annuelle montrait une croissance de 1 Mb/j (voir plus au printemps), celle-ci n’est plus actuellement que de l’ordre de 85 kb/j.
Et les prévisions sont même maintenant pour 2016 d’une stabilité, voire d’une baisse de production :
L’EIA (Energy Information Administration) début décembre, en va même jusqu’à prévoir qu’entre le pic de mars 2015 et janvier 2016, c’est de plus de 600 kb/j que la production d’huile de schiste chuterait (moins 115 kb/j comparée à décembre) pour atteindre en début d’année prochaine 4,86 Mb/j!
Conclusion : plus dure est la chute, plus fort risque d’être le rebond
En effet, nous constatons que :
- la production américaine stagne, voire va baisser
- l’Iran n’est pas encore revenu sur les marchés et les cours actuels du brut ne vont pas précipiter les investissements de long terme, seuls garants d’une reprise nette de la production
beaucoup de production à coûts élevés souffre. - nous pensons en particulier, hors l’huile de schiste, aux sables bitumineux canadiens
Ainsi, il ne peut pas ne pas y avoir de « sang », avec poursuite de réduction drastique des budgets d’investissements, annulation de nombreux projets… Et ce qui n’a pas été investi aujourd’hui manquera demain. Savoir quand les prix rebondiront devient plus compliqué qu’hier, car l’OPEP, à l’inverse de 2008, n’agit plus et semble se désintéresser des prix.
Ce sont maintenant les marchés qui décident et eux seuls ! L’OPEP regarde. Et attend…
C’est très bon pour les consommateurs en Europe, USA, Japon et Chine. Un rebond conséquent de la consommation est ce qu’il nous faut.
« rebond conséquent de la consommation »
A quelle consommation pensez vous ?
S’il s’agit du potentiel d’achat des gens, je doute fortement sur le « rebond conséquent » permis par cette baisse durable du pétrole.
D’abord, les entreprises se sont surtout refait des marges.
Puis, la consommation est relativement stable. La surconsommation par « le SUV pour tous » ne sera plus aussi facilement permise par les états et les normes environnementalistes.
Enfin, les politiques de transitions énergétiques vont vouloir récupérer ces gains pour se financer.
« C’est très bon pour les consommateurs en Europe, USA, Japon et Chine. Un rebond conséquent de la consommation est ce qu’il nous faut. »
Vous pouvez retirer les USA qui sont producteur net. vue les faillites en série que vivent /vivront les entreprises énergétique de gaz de schiste américaine , je ne suis pas du tout sur que la période actuelle soit bénéfique pour eux. pour une fois que les européens (du moins la majorité) ont fait le bon choix sur le refus d’exploitation de cette ressources , on peut s’en féliciter … on nous aura au moins épargné les puits de GDS inactif en train de rouiller dans nos paysages.
cordialement
« Ce sont maintenant les marchés qui décident et eux seuls ! »
Excellent. Au fait, le marché, c’est aussi le consommateur ? Alors si le marché décide, pourquoi ne pas avoir montré quelques graphes sur la consommation, le stockage et les prévisions de consommation? Les producteurs ne peuvent simplement bouger sur le seul indicateur du prix du baril !
Sur cet article, je ne vois pas la pertinence d’afficher la tendance historique des cours ou du niveau de production. Elle en avait quand la mode était au « prix à la hausse stable, en corrélation avec les plafonds de production atteints », et que certains pouvaient se targuer de tirer toute sorte de conséquences (transition, guerre, diplomatie, accord, delenda russia est…) à partir d’une hypothèse si bien assurée…
Quand je parle des marchés, je parle des marchés financiers sur le pétrole.
Pour l historiques des cours, le but est de montrer que nous sommes revenus à la situation 2008-2009, après la crise des marchés financiers et le bas des cours atteints à ce moment.
Derrière arrive le rebond.
Ensuite, l’évolution de la production américaine est pour indiquer (avec celles des rigs) les conséquences de la chute des cours du brut au niveau américain.
Je ne pense pas que le cartel des états dominants au sein de l’OPEP attendent et constatent le diktat des marchés . Ces pays producteur ont parfaitement intégrer que le pétrole est rentrer dans le cycle des commodités vieillies . Ces pays disposent d’atouts considérables : pas de recherche initiale amont et coûts élevés de prospection mais au contraire : amortissement des puits , maillage des grands oléoducs à peu près parachevés ……
Dès lors la stratégie sur cette commodité vieillie est la rente basée sur un prix bas déqualifiant sur le long terme les ressources à coût élevé et rendant plus difficile car plus coûteux les chocs technologiques de substitution au pétrole .Si l’Arabie Saoudite entre autre à signer le traité COP 21 c’est qu’elle sait parfaitement que rien ne viendra remettre en cause sa rente sur un cycle long alors que la messe était loin d’être dite avec un pétrole cher . Un pétrole à coûts bas déqualifiant les autres sources de production a coûts élevés à comme corollaires l’intérêt de tous les partis pour préserver et protéger cette ressource inespérée ,donc des alliances géo stratégiques qui laissent aux pays consommateurs la charge de la protection de cette ressource a coûts bas . C’est plutôt gagnant /gagnant pour les seuls pays du cartel producteurs à bas coûts .
Si les saoudiens ont signé le traité COP21, c’est qu’ils savent comme tout le monde qu’il n’engage à rien.
Ils achètent peut-être des centrales nucléaires clés-en-main, mais l’or noir reste 80% de leurs recettes.
Mettons que leur coût marginal d’extraction soit effectivement à 6 dollars le baril.
A 40 dollars le baril, cela ne leur laisse que 34 dollars par baril à redistribuer dans leur système clientéliste pour maintenir la paix sociale. C’est peu.
Donc le prix du baril (faible) va remettre en cause leur rente très rapidement par manque de diversification de leur économie.
Tous les experts se sont donc trompes : le pétrole devait devenir de plus en plus rare et même être quasiment disparu en 2010
Par conséquent il etait urgent et rentable de le remplacer par de nouvelles énergies qui même plus couteuses seraient rapidement compétitives
Tout était donc faux !
Jlh 49, vous approfondir vos connaissances. Aucun expert n’a jamais prétendu une quasi disparition du pétrole en 2010! C’est un pur fruit de votre imagination, ou de celle de vos médias favoris, qui se substituent aux experts sans en avoir les connaissances.
Quant on parle de pétrole, il faut savoir de quel pétrole on parle. La production mondiale de pétrole dites « tous liquides »publiée par les agences comprend en gros 5 catégories: le conventionnel (environ 80 % du total actuellement), le non-conventionnel (huiles extralourdes, bitumes, pétrole de « schistes…), les liquides de gaz naturel (LGN) qui proviennent des gisements de gaz, les pétroles synthétiques ( biocarburants, CTL, GTL…) et les gains de raffinerie, qui sont un artefact de comptabilité. Si vous ne savez pas çà, vous pouvez raconter à peu près n’importe quoi selon votre fantaisie du jour et la combinaison de ces différents catégories que vous déciderez de qualifier de « production de pétrole »!
La production de conventionnel est en déclin depuis 2005-2006, et cela avait été annoncé par les géologues dès 1998 ! Et malgré le forcing de l’OPEP, qui ne produit à peu près que çà, la tendance n’a pas été inversée.
La production de « tous liquides »est en léger déclin depuis cette année, essentiellement du fait de la diminution des pétroles conventionnels, qui sont moins rentables depuis la chute des prix. Cela ne signifie aucunement la fin du pétrole, mais simplement un déclin progressif des quantités produites, qui peut durer un siècle si le rythme en est très lent !
On se focalise bien trop sur les prix et les réserves supposées, alors que la quantité produite est plus importante: l’économie a besoin d’énergie pour fonctionner, et le débit du carburateur est plus important que la taille du réservoir ou le prix du carburant.
La quantité disponible sur le marché international est ce qu’il y a de plus important pour des pays dépourvus de ressources comme le nôtre. Or elle décline légèrement depuis 2008 environ, sous l’effet du plafonnement de la production , et de la consommation interne croissante des pays poducteurs