Par Farhat Othman.
La société civile est en ébullition en Tunisie. Un jugement homophobe extrêmement sévère a été rendu le jour même où la Tunisie recevait sa distinction internationale, journée de célébration des droits de l’Homme, par ailleurs.
C’est un tribunal de la ville religieuse de Kairouan qui a donné le signal de ce qu’on considère déjà comme un acte de guerre. Venu le jour même où, dans la ville de Sousse dont relève judiciairement ce tribunal, on jugeait déjà en appel une autre affaire homophobe, un jeune étudiant ayant été condamné à un an de prison suit à un moyenâgeux test anal.
Une déclaration de guerre
Le jugement de Kairouan a concerné six étudiants d’un foyer étudiant de Rakkada convaincus de sodomie sur la base de tests anaux. Ils ont écopé de la peine maximale prévue par l’article 230 du Code pénal dont la légalité est forment contestée, mais qui trouve légitimité dans une conception se voulant islamique.
Bien plus grave, le tribunal a condamné aussi l’un des étudiants pour une peine supplémentaire de six mois pour détention sur son portable de scènes pornographiques. Et cerise sur le gâteau, les six jeunes ont été condamnés au bannissement de la ville, peine rarement prononcée sinon jamais en Tunisie.
D’après certaines indiscrétions diplomatiques, ce jugement serait la conséquence de la peur des milieux intégristes de voir le chef de file du parti islamiste se rallier à l’opinion de plus en plus répandue de la nécessité d’abolir l’homophobie en Tunisie.
Déjà, dans une interview à des médias étrangers, il a été amené à faire acte de son opposition à la philosophie de l’actuel article homophobe, se basant sur le fait que l’islam protège la vie privée des gens.
Cette reconnaissance du bout des lèvres par M. Ghannouchi de la légitimité de la cause anti-homophobie est une sorte de lâchage de lest face à la forte pression dont il a fait l’objet de la part de l’ami américain qui tient à jouer en Tunisie la carte de l’islam politique.
Bien mieux ; il serait même allé jusqu’à promettre de voter un texte de loi abolissant l’article de la honte s’il devait venir devant l’assemblée, tablant manifestement sur le fait que cela ne se ferait jamais.
Une société civile laïciste
En effet, il sait que le sujet demeure tabou et si l’homosensualité (mon terme pour homosexualité trop connotée sexe) est répandue dans la société, le sexe y étant total, on n’ose en parler du fait de l’environnement de contraintes légales et morales.
Ainsi, aucun député n’ose parrainer le projet de loi abolitionniste qui leur a été proposé. Ils furent même rares à défendre la cause quand l’association récemment créée a été et est menacée de dissolution.
Les militants associatifs eux-mêmes refusent de proposer un tel texte pour la raison qu’ils ne veulent pas mélanger la religion à la politique. Or, un tel laïcisme dogmatique arrange les affaires du chef islamiste, car le discours de la société civile demeure inaudible du moment qu’il ne fait pas référence à l’islam.
Son discours légaliste est ignoré par une majorité dans la société qui, bien qu’elle ne soit pas homophobe ni pratiquante, est attachée aux valeurs d’un islam vécu moins comme culte que comme culture.
Une population attachée à un islam culturel
On ne sait donc pas parler aux gens qui passent pour homophobes ou intégristes quand ils ne font que naïvement acte d’attachement à une religion qu’on leur dit homophobe. Pourtant, des essais et des témoignages ont démontré le contraire, puisqu’il existe aujourd’hui des imams gays et des mosquées inclusives ; mais les élites laïques ne veulent en faire état ne serait-ce que pour éclairer l’opinion, réussir à susciter l’écoute.
S’ils ont versé dans un dogmatisme laïcisant qui a plombé leur cause, il semble que le dernier jugement par sa violence même a suscité en eux une réaction salutaire. On pense ainsi créer un collectif et on n’exclut plus d’examiner la possibilité d’user de l’argument religieux d’une manière ou d’une autre.
Il était temps, car c’est la seule arme pour débloquer la situation. En effet, la Tunisie se voulant démocratique ne peut que se plier à la loi de la majorité. Celle du peuple est en apparence pour l’homophobie, car elle pense que l’islam est homophobe. Un projet de loi appelant à l’abolition de l’article 230 base légale de l’homophobie pour violation de la constitution, non seulement dans ses dispositions civiles, mais aussi dans son inspiration religieuse, permettrait de lancer un débat salutaire et réactiver la possibilité de rappeler à sa promesse le chef de file du parti islamiste.
Il faut rappeler en effet que nonobstant l’option pour une notion creuse d’État civil, la constitution tunisienne réfère à l’islam aussi bien dans son article 1er qui en fait la religion de l’État, que dans un préambule référant aux valeurs de l’islam et faisant partie intégrante du dispositif.
Il est sûr qu’un tel projet se voulant consensuel déclenchera la guerre contre l’homophobie en Tunisie, ce qui ne ne manquera pas de faire tache d’huile touchant aussi l’Algérie, mais aussi le Maroc où la société civile remue déjà, même si elle ne le fait pas encore correctement, demeurant trop proche des vues occidentales et courant le risque de paraitre, auprès du peuple, comme ne véhiculant que des valeurs occidentales déconnectées des réalités Arabes musulmanes.
Ci-après le texte qui circule depuis mai et que la société civile pourrait valider, en faisant l’arme par excellence dans la future bataille contre l’homophobie en Tunisie.
PROJET DE LOI
Abolition de l’homophobie
Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l’Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,
Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit tunisien et l’islam,
Attendu que l’article 230 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;
L’ARP décide :
Article unique
La vie privée étant respectée et protégée en Tunisie, l’article 230 est aboli.
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il a l’air pas mal du tout ce projet de loi : 10 petites lignes de texte, l’art de dire les choses d’une manière concise et compréhensible…
pour comparaison, ça existe encore en france, une loi qui fait moins de 10 pages, et sans 20 ou 30 références à d’autres lois absconses ?
Rappeler moi, on est bien en 2015 ?
Ces gens ont 5 siècles de retard aujourd’hui et 6 demain.
Nos amis Tunisiens plus progressistes que les imams payés par le Qatar et l’Arabie Saoudite ( nos alliés)pour rependre le poison de l’islam radical sunnite …