Par Nicolas Lecaussin
Un article de l’IREF-Europe
Cela fait des années que l’IREF demande le rapprochement de l’école et de l’entreprise. Et il est toujours réconfortant de constater que les décideurs politiques commencent à comprendre l’importance de cette relation.
C’est du moins ce que laisse entendre notre ministre, Najat Vallaud-Belkacem, dans une interview accordée au quotidien Les Échos du 2 décembre. En suggérant un stage en entreprise pour les futurs chefs d’établissement, ainsi que pour les inspecteurs, la ministre brise un énorme tabou. Bien entendu, nous sommes encore loin des stages obligatoires en entreprise pour les enseignants comme l’avait demandé en 1999 l’ancien ministre Claude Allègre et qui a dû y renoncer rapidement face aux manifestations et aux grèves organisées par les syndicats. Mais on commence à comprendre, même au sein d’un gouvernement socialiste, que l’école ne peut plus être dissociée du monde de l’entreprise.
Malheureusement, en France, l’Éducation nationale est atteinte d’une très grave maladie et seulement de grandes réformes pourraient la guérir. À l’IREF, nous sommes, bien entendu, tout à fait favorables à l’initiative de notre ministre mais nous pensons qu’il faudrait aller beaucoup plus loin si l’on veut s’attaquer à l’une des causes du chômage des jeunes actifs qui atteint 24 %, ce taux étant trois fois plus élevé que celui de l’Allemagne ! Et chaque année, plus de 150 000 jeunes quittent l’école sans aucun diplôme, ou quelque formation que ce soit !
Des stages en entreprise pour les professeurs d’économie et des manuels rédigés par des chefs d’entreprise
L’une des causes principales est notre enseignement scolaire. Nos travaux montrent que l’école française ne prépare pas les jeunes à devenir des entrepreneurs. Pire encore, elle leur apprend à se méfier du monde de l’entreprise, de l’économie mondialisée, du libre-échange et en général de tout ce qui vient de la société civile.
Il est intéressant de consulter les manuels d’économie de première et de terminale à ce sujet, afin de constater comment y est présentée l’économie de marché et la place qui est réservée à l’entreprise et à l’entrepreneur.
Dans la plupart des manuels, le constat est accablant ! Les auteurs des manuels donnent la priorité pour ce qui concerne l’économie à la mission de l’État et des acteurs publics, plutôt qu’à l’entreprise.
L’IREF demande donc à l’Éducation nationale que des personnalités issues du monde de l’entreprise, des chefs d’entreprise, en activité ou retraités, soient associées à la rédaction des manuels d’économie de première et de terminale. Et que tous les enseignants d’économie fassent un stage obligatoire en entreprise.
La culture de l’entrepreneuriat commence à l’école primaire
Par ailleurs, on pourrait s’inspirer en France de ce qui a été fait au Royaume-Uni où l’école est de plus en plus proche de l’entreprise. Deux programmes importants sont actuellement très répandus. Le premier, Fiver Challenge, concerne les écoliers âgés de 5 à 11 ans et son objectif est d’éveiller l’esprit d’entreprise chez les enfants. Plus de 40 000 écoliers dans 500 écoles rencontrent des entrepreneurs et reçoivent 5 livres sterling chacun afin de créer leur propre mini-business.
Le programme Young Enterprise pour l’enseignement secondaire a été créé il y a un peu plus de 40 ans et concerne plusieurs dizaines de milliers de jeunes. Le principe est d’inspirer et de préparer les jeunes collégiens et lycéens à apprendre et à réussir grâce à l’entreprise, et non pas grâce à l’État. Il s’agit d’ « apprendre en créant » dans les collèges et aussi en entreprise, l’initiation des élèves au monde de l’entreprise étant assurée par des personnes issues justement de l’entreprise.
Enfin, rapprocher l’école de l’entreprise va de pair avec une vraie réforme de notre système éducatif. Il faudrait instaurer la concurrence entre les écoles et accorder une vraie autonomie aux établissements, les directeurs des écoles devraient se transformer en managers avec la liberté d’utiliser leur budget et de pouvoir embaucher et licencier les enseignants. En instaurant les chèques-éducation, on donnerait la possibilité aux parents de choisir la meilleure école pour leurs enfants. Quelle meilleure façon de rapprocher l’école de l’entreprise que de faire fonctionner la première comme une véritable entreprise privée ?
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j’aimerais que l’on m’explique un jour ce qu’est »l’esprit d’entreprise ». Si l’entreprise a un esprit alors elle est religieuse, philosophe et certainement citoyenne. Dans ces conditions, je ne comprends pas le libéralisme qui consiste à donner la prime à la compétition, la concurrence dont parle l’éditorialiste. Bien sûr qu’il faut connaître l’entreprise comme il faut connaître l’ensemble des activités qui fondent la société, l’art, la culture, le sport, la santé, le vivre ensemble!
« L’esprit d’entreprise » c’est du français, peut-être daté, mais très clair. C’est la volonté de faire, de construire. Pas de spiritualité, de philosophie. Et cette volonté passe par la concurrence pour s’épanouir et lui est consubstantielle.
M’enfin. En plus d’être antiliberale et ne rien comprendre à l’entreprise l’école actuelle ne forme plus au bon usage de la langue française, il semblerait (ni aux mathématiques, mais ce n’est guère visible ici).
On croit rêver remplacer une bande d’incompétents avoliques par des responsables œuvrant 24 heures sur 24 pour aller de l’avant et faire vivre son entourage
De bonnes idées mais difficiles…
Les grosses entreprises sont souvent des bureaucraties presque au niveau de notre administration. Les petites sont parfois juste mauvaises.
Il y a à boire et à manger chez les chefs d’entreprise qui « écriraient » des manuels. Leur niveau en finance et économie est souvent au mieux médiocre et bon nombre n’est doué que pour la connivence.
Mais ça ne serait sans doute pas pire que le grand esprit « Alternatives Économiques »!
Quel joli conte de Noël !…
L’esprit d’entreprise n’a rien de philosophique ou spirituel, seulement la passion de s’assumer et une envie farouche d’indépendance…
Il ne vous a pas échappé que la grande majorité des entrepreneurs sont avant tout des autodidactes dotés d’un solide bon sens !…
L’éducation Nationale ne « formate » pas nos jeunes dans ce sens.
« Mon fils, tu seras fonctionnaire » et l’Etat pourvoira à tes besoins. Vaste programme, dont on mesure l’échec.
Alors faisons un rêve…
Ces exigences de l’IREF ma paraissent totalement inappropriées.
Je rappelle que la science économique a été développée aux 18e et 19e siècles par des hommes comme Turgot, Condillac, ou Bastiat, qui étaient soit des ecclésiastiques, soit des hommes suffisamment riches pour pouvoir vivre sans travailler. En effet, il y a un principe fondamental dans la science : nul ne peut s’observer soi-même. Et donc le milieu des activités économiques ne peut pas être observé par des entrepreneurs, mais seulement par des gens qui ne travaillent pas. Ainsi, si des professeurs d’économie devaient travailler comme des entrepreneurs, ou si des entrepreneurs devaient participer à l’écriture de livres de science économique, il ne pourrait rien en sortir de bon. Je dois d’ailleurs dire que j’ai déjà entendu des discours tenus par des entrepreneurs : ce sont souvent des discours mafieux, qui réclament un surcroît de réglementation étatique pour étouffer leurs concurrents.
Par ailleurs, pour répondre à ce qui est dit dans le dernier paragraphe, à propos de la mise en concurrence des établissements, disons tout de suite une vérité fondamentale :
Il est totalement vain de pasticher le marché. Seul le vrai marché est efficace. Concrètement, il ne sert à rien que des écoles publiques imitent le fonctionnement d’entreprises privées. Ce qu’il faut, c’est l’abolition totale des écoles publiques et de l’administration de l’Éducation Nationale, afin que ne restent que les écoles privées, lesquelles pourront dès lors bien fonctionner et fournir un service de qualité aux élèves.
En fait, mon expérience a tendance à prouver que les enseignants sont bien souvent plus compétents pour gérer des entreprises ou a minima manager des équipes. Mon expérience s’appuie sur un parcours à la fois en entreprise, dans l’éducation nationale et en tant que président de plusieurs conseils syndicaux de copropriété dans lesquels on trouve des individus ayant différents parcours.
Allons au bout des choses. Oui à la révolution culturelle : les enseignants en entreprise (pour les faire mieux marcher car en France ce n’est pas brillant quand même….) et les dirigeants d’entreprise en stage à l’EN pour apprendre à mieux gérer leur entreprise !
Au passage, l’EN marche de moins en moins bien depuis qu’on y recrute des principaux, proviseurs, inspecteurs n’ayant pas un cursus « maison », ce qui confirme mes propos précédents.
Quant à mettre les écoles en concurrence, le chèque éducation, etc, tout cela s’est fait dans d’autres pays notamment Suède et USA. le bilan est désastreux. Regardez la chute de la Suède dans le classement PISA, PIRLS ou TIMSS. Quant aux USA Diane Ravitch, conseillère de Bush père, dans un premier temps favorable à ces pratiques explique aujourd’hui combiien cela ne fonctionne pas. Même un libertarien comme Sol Stern a de sérieux doutes. Il ne reste que les fanatiques qui refusent de voir la réalité en face. En faites-vous partie ?
Bonjour J-B37,
Avez-vous des propositions pour remonter considérablement le niveau de l’instruction française?
Pour ma part, je pense sincèrement que la libéralisation totale de l’instruction serait une excellente idée mais devrait passer par une transition sous peine d’exploser en plein vol.
Je ne parle pas spécialement des classements pisa&cie. Je dirais qu’une instruction efficace permet à l’élève de savoir lire, écrire, compter, parler au moins français et anglais et s’insérer efficacement autant dans la société que dans la vie active. Je sais c’est une définition un peu flou 🙂
Merci