La Chine menace l’industrie sidérurgique européenne

Derrière la crise de la sidérurgie en Europe, la Chine accusée de dumping.

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Chinese Dragon-epsos .de(CC BY 2.0)

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La Chine menace l’industrie sidérurgique européenne

Publié le 9 janvier 2016
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Fragilisée depuis plusieurs années déjà, l’industrie sidérurgique européenne semble aujourd’hui en bien mauvaise posture. Fermetures et licenciements se succèdent au Royaume-Uni et pourraient bientôt se répandre à l’ensemble de la filière européenne si rien n’est fait.

Par Clara Gérard.

Chinese Dragon-epsos .de(CC BY 2.0)
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Si l’on pensait l’industrie sidérurgique européenne en voie de rétablissement, le timide redémarrage de la filière n’aura finalement été que de courte durée. La production d’acier et d’aluminium en Europe semble même courir un grand danger au regard des nombreux licenciements opérés au Royaume-Uni depuis la fin du mois de septembre. En l’espace de quelques semaines, la filière sidérurgique britannique a essuyé de lourdes pertes. Le groupe thaïlandais SSI a supprimé 1.700 postes dans son aciérie du Nord-Est de l’Angleterre ; le sidérurgiste britannique Caparo Industries a été placé en redressement judiciaire menaçant 1.700 emplois ; Tata Steel a annoncé la suppression de 1.200 postes en Angleterre et en Écosse.

Si la situation de l’acier dans le reste de l’Europe n’est pas aussi critique qu’au Royaume-Uni, grâce notamment à la faiblesse de la monnaie unique, l’industrie sidérurgique dans sa globalité est aujourd’hui menacée. Les derniers résultats présentés par Arcelor Mittal sur les neufs premiers mois de l’année 2015 sont sans appel. Le géant de l’acier a vu son chiffre d’affaires (CA) chuter de 1,26 milliard de dollars ; les trois quarts imputables au seul troisième trimestre qui a vu le CA du géant chuter de 22% et son résultat d’exploitation de 29%.

Une tendance très inquiétante alors même que l’Europe, dont l’économie repart lentement, est aujourd’hui capable de proposer une production durable de métaux de base et pourrait profiter d’un euro faible pour dynamiser ses exportations d’acier et d’aluminium. C’est toutefois sans compter l’invasion chinoise du marché mondial, dont les pratiques anticoncurrentielles sont désormais dénoncées de toute part.

Le dumping chinois mis en cause

Premier producteur d’acier à l’échelle internationale, la Chine a accusé ces derniers mois une baisse de son économie et de sa demande intérieure de métaux de base. Elle posséderait actuellement 350 millions de tonnes de surcapacité de production d’acier et d’aluminium alors que la consommation européenne plafonne à 170 millions de tonnes.

Le pays tente, depuis, par une politique beaucoup plus offensive de dumping et d’aides publiques, d’écouler cette surcapacité de production d’acier sur le marché européen à prix cassé. « les importations d’acier chinois ont augmenté de 40% au troisième trimestre en Europe », explique dans Challenges le directeur général d’Arcelor Mittal, Aditya Mittal. Une situation insoutenable pour les producteurs européens et qui se concrétise, outre l’explosion de la filière britannique, par plusieurs mesures de chômage partiel annoncées un peu partout en France, en Espagne, ou en Italie. Pour Aditya Mittal, l’Europe doit donc réagir dans les plus brefs délais et renforcer les mesures commerciales prises face au dumping afin d’assurer la survie de l’industrie européenne.

Comme l’avait déclaré Emmanuel Macron le 12 novembre dernier après un conseil européen consacré à la crise du secteur sidérurgique, « l’Europe n’acceptera pas le dumping pratiqué par la Chine sur le marché mondial de l’acier. Nous sommes au cÅ“ur d’une bataille contre le dumping chinois et le bon niveau de mobilisation, c’est le niveau européen. Les Chinois vendent à perte et on n’acceptera pas ça ».

Le bilan carbone de la production d’aluminium en question 

Outre ces préoccupations économiques mettant en jeu l’avenir de l’industrie sidérurgique européenne, la question du climat doit elle aussi être prise en considération. Dénuée de contraintes environnementales, la production chinoise d’acier et d’aluminium bénéficie d’un avantage certain sur ses concurrents européens, soumis quant à eux à des réglementations très strictes en matière d’émissions industrielles.

La Chine, qui s’est engagée dans le cadre des négociations climatiques à jouer un rôle de premier plan dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, n’a encore jamais évoqué la question de sa production d’aluminium très polluante. Le pays représente à l’heure actuelle plus de 50% de l’offre mondiale d’aluminium et a encore augmenté sa production de plus de 10 % cette année, ainsi que ses exportations de produits semi-manufacturés. Or, la production d’aluminium nécessite une grande quantité d’électricité (2 fois plus que pour la production d’acier), utilisée dans la purification de l’alumine et l’électrolyse en sel fondu de la production d’aluminium. Des besoins en électricité considérables auxquels la Chine répond par une forte consommation de charbon, combustible à la fois bon marché et très polluant.

L’industrie européenne tente de son côté de s’adapter aux nouvelles exigences environnementales via l’intégration des énergies renouvelables dans le processus de production et la mise en place de dispositifs de purification des rejets de CO2. Une démarche nécessaire qui devra être valorisée à sa juste valeur si l’on ne veut pas voir la filière sidérurgique abandonnée aux pays les plus concurrentiels et cela sans aucune prise en compte du facteur écologique. Après être parvenu à la signature historique d’un accord universel le 12 décembre dernier à Paris, dans le cadre de la COP21, le paradoxe serait entier.

Lire sur Contrepoints nos articles sur la COP21

 

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  • On pourra critiquer les aides du gouvernement chinois à la sidérurgie chinoise et le dumping induit quand nous-mêmes stopperont par exemple les aides à l’agriculture qui vu des autres pays sont aussi du dumping.

    • Vu des autres pays, mais lesquels ?

      Le dumping Chinois ne profite même pas aux consommateurs européens dans leur ensemble, toutefois il permet de collecter plus de taxes aux Etats, comme par exemple dans les énergies renouvelables.

      Alors que les prix des panneaux photovoltaïques Chinois ont été divisés par 5, la contribution au service public de l’électricité payée par les consommateurs a été pendant ce temps multipliée par 5 !!!

      A priori les seuls bénéficiaires du développement du photovoltaïque Chinois seraient les industriels allemands qui fournissent 50 % des machines outils à la Chine.

      https://eu.boell.org/sites/default/files/mythes_de_la_transition_energetique_allemande.pdf

      « S’il est vrai que les entreprises chinoises ont su, en quelques années, acquérir une position dominante sur la fabrication de cellules et de panneaux photovoltaïques, il faut rappeler que ces derniers, dont les
      coûts continuent à baisser d’une manière vertigineuse, ne représentent plus que 20 à 25% du prix d’un système complet, contre 80% il y a une quinzaine d’années.
      …/…
      En outre, les industries allemandes ont su se positionner sur un autre marché, situé plus
      en amont : la production de machines outils destinées à la fabrication de panneaux photovoltaïques.
      En 2013, l’Allemagne avait une part de 50% sur ce marché des machines-outils, avec un taux d’export de 85% « 

      • « Vu des autres pays, mais lesquels ? »

        Des exemples :
        Le concentré de tomate italien subventionné par la PAC a privé de débouchés les producteurs ghanéens et la filière de production et de transformation est sinistrée à 100%… rien zéro.

        La viande exportée par l’UE et bradée sur les marchés d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana ou Nigeria), ont déstabilisé fortement les filières locales, approvisionnées par les éleveurs des pays sahéliens (Mali, Niger et Burkina).

        Volaille vers les pays du Golfe, d’Afrique de l’Ouest et du Centre : des morceaux de poulets arrivent à 50 centimes du kg quand les locaux sont à 2 euros le kg. C’est nous qui payons la différence. Et ce sont les filiales brésiliennes d’entreprises européennes qui se font concurrence sur ces marchés !

  • « … la mise en place de dispositifs de purification des rejets de CO2. Une démarche nécessaire… »

    Je dirais plutôt une démarche politicienne, dont on voit là les conséquences.

  • Il est intéressant de noter que produire de l’aluminium est gros consommateur d’électricité carbonée.

    Les éoliennes sont reliées à des postes sources avec des câbles enterrés en Aluminium et lorsque les parcs sont à une dizaine de kms, voir plus il faudra alors intégrer le bilan carbone du nouveau réseau dans celui de la construction des éoliennes…

  • Ce serait bien de ne pas entretenir la confusion pollution-CO2.
    D’autre part, mener un combat commercial contre la Chine avec un argument discutable (le climat) ne me semble pas être une bonne approche.
    C’est un peu comme lorsque les écologistes s’attaquent à Monsanto pour des raisons de santé publique.

  • Ne faut-il pas aussi se réjouir pour tous les consommateurs qui voient les prix des produits contenant ces métaux diminuer ? Le pouvoir d’achat de millions d’européens augmente grâce aux subventions chinoises ce qui nous permet de consommer plus de services et de disposer de plus de biens.

  •  » Les Chinois vendent à perte et on n’acceptera pas ça ».  »

    Vendre à perte est aussi un pari risqué. C’est souvent au détriment de la qualité du produit. ça fonctionnera jusque à ce que les clients se seront aperçu d’avoir acheté de la mauvaise qualité.

    D.J

  • Si les chinois veulent me payer mon acier et mon aluminium, où est le problème ? De la même manière, si les pétromonarchies du Golfe veulent me payer mon transport aérien, où est le problème ?

    Dans une économie libérale, celui à qui cela ne sied pas, pourra toujours appeler à boycotter les uns et les autres, refuser de contracter avec eux ou encore les discriminer sur sa propriété privée.

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