Par Martin van Staden
Un article de Libre Afrique
La séparation des pouvoirs est l’un des piliers fondamentaux de l’État moderne et de la prospérité des démocraties. Le législateur doit créer le droit, l’exécutif doit faire respecter la loi, et le pouvoir judiciaire doit interpréter la loi et l’appliquer aux litiges. Dans une dictature, la distinction entre les différents pouvoirs est de la « théorie », alors que dans la pratique, le dictateur, le plus souvent détenteur du pouvoir exécutif, fait ce qu’il veut. Dans les démocraties libérales, cependant, la séparation des pouvoirs est jalousement gardée contre les transgressions. Ceci pour une bonne raison : seuls les élus au Parlement, qui ont reçu un mandat démocratique de la population, devraient créer la loi qui engage les citoyens.
Dans une démocratie parlementaire de type Westminster (système parlementaire britannique) comme en Afrique du Sud, la séparation des pouvoirs n’est pas absolue, en particulier entre l’exécutif et le Parlement. Le président, le vice-président et les ministres sont des élus qui siègent au Parlement d’abord. Ils opèrent ensuite dans l’exécutif. Par conséquent, les plus hauts échelons du pouvoir exécutif portent aussi un mandat démocratique légitime, quoique dans une mesure limitée. Cependant Les fonctionnaires, dans les échelons inférieurs de l’exécutif, au niveau national, provincial et local, ne sont pas élus. Ils sont nommés pour exercer des fonctions spécifiques, en principe, selon leur mérite et leur compétence.
Selon le rapport sur le projet des principes d’une bonne loi, « il y a une propension naturelle du pouvoir exécutif à … exercer les fonctions législatives et judiciaires ». L’exécutif cherche à créer un « empire bureaucratique » plus grand et plus puissant. Ceci est un problème mondial pas spécifique à l’Afrique du Sud. Il reflète cependant une tendance qui doit être vivement combattue.
La fonction régulatrice de l’exécutif est sans aucun doute une fonction d’une importance fondamentale pour le fonctionnement d’un bon gouvernement. Toutefois, ces règlementations ne doivent pas se substituer aux lois. Le rôle de la réglementation est de faciliter la mise en Å“uvre des dispositions législatives, à savoir les aspects administratifs et techniques. Alors que les différentes législations sont adoptées sous l’Å“il du peuple par des représentants publics, et avec la participation de la population, les règlementations sont créées dans le secret des ministères. Quant à la plupart des citoyens attentifs, ils ne sont informés que lorsque les règlements sont publiés au bulletin officiel du gouvernement. Les lois fondamentales, à savoir les règles qui lient les citoyens dans leur vie quotidienne, doivent toujours être connues ou facilement vérifiables. Si des lois fondamentales apparaissent sous forme de règlementations, dont l’Afrique du Sud possède des livres entiers, par département, chaque acte innocent est un crime potentiel.
Par exemple, une note explicative de réglementations relatives aux aliments pour nourrissons et jeunes enfants, affirme que le règlement 7(5) interdit aux sociétés ayant un intérêt financier dans un produit qu’ils créent, commercialisent ou distribuent, de présenter également des informations nutritionnelles pour les jeunes enfants et les nourrissons. Le ministère de la Santé argue que cela se justifie parce que seuls les professionnels de la santé ont le droit de transmettre cette connaissance et que ce type d’information éducationnelle ne doit pas être une sorte de « produit lié », avec l’intention de commercialiser le produit plutôt que d’éduquer. Cela est peut-être vrai. Toutefois, ceci est une loi fondamentale plutôt qu’une question administrative, et doit donc apparaître dans la législation plutôt que dans les réglementations.
Peut-être le plus inquiétant dans ce phénomène est qu’il n’est pas besoin de contourner le Parlement, parce que ce dernier permet délibérément, dans la plupart des cas, au pouvoir exécutif de « légiférer » via les réglementations. Diverses raisons peuvent être avancées : peut-être le Parlement croit que les experts et les technocrates de l’exécutif auront une connaissance plus pointue sur un sujet particulier, ou peut-être le Parlement souhaite transférer le fardeau de la responsabilité de la décision à l’exécutif (qui sera toujours plus qu’heureux de recevoir un tel fardeau). En tout cas le Parlement n’est certainement pas dans l’ignorance.
En toute vraisemblance, l’on a hérité cette tendance du régime de l’apartheid. Bien qu’officiellement le Parlement soit souverain, le gouvernement exécutif avait un pouvoir immense. Le chef de l’État, un poste d’apparat pour la grande partie de notre histoire, a été habilité à créer des lois fondamentales pour les Sud-Africains noirs sur un coup de tête sans que cela passe par le Parlement, comme prévu dans le Black Administration Act. Les commissions de censure et les comités de contrôle ont également reçu un large pouvoir discrétionnaire pour interdire ce qu’ils jugent être « nocif ». Le pouvoir judiciaire, aussi, était coopté par l’exécutif.
Il est donc impératif que les gouvernements contemporains sortent de cette tendance à « remettre tout à l’exécutif ». À cet égard, le pouvoir judiciaire a été complètement transformé, assumant son rôle historique dans la défense des droits individuels garantis fermement par la Constitution depuis 1993. Le Parlement a montré moins de volonté. Le temps ne peut être gaspillé à cet égard : le législateur doit respecter ses propres fonctions et cesser d’abandonner sa mission  à l’exécutif.
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L’auteur vante la séparation des pouvoir dans les démocraties, et note que cette séparation est théorique. Il se trompe, avec beaucoup, car depuis la conceptualisation de la chose par Montesquieu et les écrivains libéraux depuis, et le XXè siècle s’est produite une chose fondamentale : l’avènement des partis politiques de masse, organisés. De fait, ce sont eux qui ont tous les pouvoirs (sauf dans les régimes présidentiels lorsque la Congrès est de l’autre parti).
Les partis ont rendus largement fictive la fameuse séparation des pouvoirs.