Par Youri Chassin.
Un article de l’Institut économique de Montréal
J’ai passé de formidables vacances au Pérou, notamment grâce à Diego qui m’a loué sa maison près de la plage par l’intermédiaire d’Airbnb. En chemin, j’ai fait escale à New York. J’ai pu en profiter pour me balader dans Central Park et aller prendre un verre avec un ami qui vit là -bas grâce à Uber. Plus précisément, j’ai utilisé le service d’Uber POOL qui m’a permis de partager la course avec une autre voyageuse.
Je ne vous raconte pas mes vacances pour pavoiser autant que pour illustrer les nouvelles possibilités offertes aux voyageurs depuis l’avènement des applications innovantes. Or, à peine arrivé de l’hémisphère sud, je tombe sur la chronique de Lise Ravary sur Uber, un service qu’elle associe à « l’économie sauvage », et un semblant de scandale sur la tarification dont s’empare Juripop.
Lise Ravary déplore l’absence de règles imposées sur la sécurité, sur les conditions de travail et sur la concurrence. Elle a raison de préciser qu’il n’y a pas de règles imposées, parce qu’il y a des règles. Et strictes ! Uber ne permet pas à n’importe qui d’utiliser les services de son application, les chauffeurs devant notamment obtenir une excellente cote d’appréciation des usagers. Cette sélection par les usagers est un mécanisme autrement plus puissant et systématique que les théoriques visites d’inspecteurs qui scrutent à la loupe toutes sortes de critères pas toujours judicieux. Personnellement, j’ai davantage confiance dans l’évaluation moyenne de mille usagers que dans la visite unique d’un « professionnel » de temps à autre.
Le fond de la question, c’est la concurrence. S’agit-il d’une concurrence loyale à l’industrie du taxi ? La réponse est à la fois oui et non.
Le modèle d’affaire de Uber est différent, basé sur une technologie de pointe qui mise sur une masse critique de chauffeurs et d’usagers. Mais un modèle différent n’est pas déloyal en soi ! Au contraire, la même technologie est disponible pour quiconque souhaite l’utiliser. Ce n’est pas pour rien que Uber a des concurrents comme Lyft et Sidecar, ou que des compagnies de taxi se dotent d’applications similaires. Il n’y a rien là de déloyal.
Ce qui est déloyal, c’est que les taxis sont soumis à une réglementation périmée compte tenu du nouveau contexte technologique. Les règles iniques des permis de taxi permettaient à toute une industrie de former un cartel aux dépens des usagers, en contravention avec les règles de saine concurrence. Plus maintenant. Et tant mieux ! Je comprends que les chauffeurs de taxi voient rouge et qu’ils s’en prennent à Uber, symbole du changement d’époque. Par contre, Lise Ravary évoque elle la véritable solution, soit que « que le gouvernement déréglemente l’industrie et rembourse les permis ».
Si Uber n’est que promesse utopique, comme le suppose la chroniqueuse, alors Uber disparaîtra comme les Nortel, Vivendi, Pets.com qu’elle cite. Je ne retiendrai pas mon souffle en attendant, parce que je ne partage pas du tout son analyse, mais au moins l’histoire saura donner raison à l’un de nous deux.
Par contre, je sens que Lise Ravary pousse le bouchon trop loin en qualifiant l’économie de partage d’économie « de parasites ». Comment peut-on voir des parasites dans des transactions librement consenties grâce à une nouvelle réalité technologique ? Et c’est là où l’affaire Juripop me pose problème. Au-delà des mérites juridiques de l’affaire, il y a un préjugé foncièrement ancré derrière cette cause, soit que vous et moi et tous les consommateurs sont des irresponsables sans intelligence. Non, je ne veux pas que Lise Ravary ou Juripop me dictent quel taxi prendre ou quelle application utiliser. C’est mon choix et, conséquemment, ma responsabilité. Uber est transparent, la responsabilité m’appartient totalement. Y compris d’accepter une course au prix fixé par l’offre et la demande.
Il suffit de rappeler, comme le fait si bien Patrick Lagacé, que l’alternative est d’espérer attraper un des rares taxis disponibles. La véritable injustice, c’est que le chauffeur du dit taxi sera payé le même prix pour sacrifier son Nouvel An en famille qu’un mardi après-midi !
Je l’avoue, j’aime bien Lise Ravary qui est une chroniqueuse sachant allier empathie et bon sens. Ce n’est pas si courant. Je m’étonne donc qu’elle voit en Uber une économie sauvage. S’il est sauvage de compter sur le génie d’autrui, sur l’innovation, sur la responsabilisation, sur l’évaluation par les usagers, sur les modèles souples qui brisent les cadres rigides, je préfère cette sauvagerie infiniment plus humaine que la bureaucratie sans visage et sans scrupule qui emprisonne les taxis et les usagers dans un carcan obsolète.
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Lire sur Contrepoints notre rubrique ubérisation
J’ai du mal à apprécier, de fait , il y a concurrence, on peut la voir déloyale mais mis à part la législation qui vise à réduire la concurrence qui est inacceptable, la question se situe alors au niveau de la fiscalité.
Uber peut faire exploser les règlements absurdes , faire ressentir la nécessité de réformer la fiscalité et les assurances sociales éventuelles, mais les choses étant ce qu’elles sont, je peux comprendre que les taxis soient en colère.
Il faut parler du besoin de l’etat de taxer certains échanges de services …
L’état taxe le service de transport d’un taxi mais d’autres modes de transport supposés ne pas faire intervenir d’échange d’argent ou capables d’échapper au controle de l’etat ne le sont pas..
je ne vois pas de différence entre échanger un kilo de patates contre une laitue avec mon voisin et le fait d’échanger un kilo de patates avec un épicier contre de l’argent. L’état le voit..et le taxe, et surtout une grande partie des taxes perçues ne profite ni de près ni de loin à celui qui les paye. En gros malades ou arrivés à l’âge de la « retraite » les gens qui auront troqué recevront une partie des taxes perçues lors des échanges taxés…
uber est un outil de destruction de l’etat providence…oui…