Consommation, chômage, délinquance… des chiffres sous influence

À quel point les chiffres publics qu’on nous assène quotidiennement sont-ils fiables ?

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Consommation, chômage, délinquance… des chiffres sous influence

Publié le 16 janvier 2016
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Par Thierry Benne.
Un article de l’Iref-Europe

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Nous sommes tous habitués à ce qu’un certain nombre de chiffres publics rythment notre vie, nourrissent notre information et guident notre réflexion : il est peut-être temps d’interroger aujourd’hui leur qualité et leur fiabilité.

Pour des raisons de simplicité et de concision, trois chiffres seulement feront l’objet de cet examen, mais tous sont pratiquement des indicateurs cardinaux de la politique et de la santé économique du pays :

  1. L’indice des prix à la consommation déjà cité
  2. Le taux du chômage
  3. Les chiffres de la délinquance

 

Or dès l’entrée, on découvre que ces chiffres sont le plus souvent conceptuellement biaisés, de manière à délivrer une information souvent édulcorée par rapport à la réalité. Et il n’est pas besoin de pousser la réflexion beaucoup plus loin pour s’apercevoir ensuite qu’il s’agit presque toujours de chiffres faits maison qui échappent pour la plupart à toute procédure externe de vérification et de certification.

 

Des chiffres partiellement biaisés

À tout seigneur, tout honneur, commençons donc par l’indice le plus connu.

L’indice des prix à la consommation

Pour la plupart des Français et des études qui le citent, cet indice est en quelque sorte celui du coût de la vie, et il mesure l’inflation à partir de l’évolution des principales dépenses de fonctionnement d’un consommateur ou d’un foyer.

À ceci près, qu’il omet – et ce n’est certes pas un hasard – d’intégrer dans ce coût de la vie les impôts directs, qu’ils soient d’État, locaux ou autres encore, alors que ces prélèvements pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages, et creusent leur sillage très avant celui de l’inflation.

Certes, on entend l’objection en retour : les impôts ne font pas partie de la consommation, puisque le principe d’un impôt, c’est précisément de ne pas procurer de contrepartie directe à celui qui le paye. On peut certes admettre l’objection, mais en observant alors que cet indice se trouve déconnecté de toute réalité, puisque, laissant en route des charges significatives et qui absorbent une partie croissante des ressources des Français, il cible un Français virtuel et qui n’existe pas : celui qui consommerait sans payer d’impôts. Mieux même, en poussant plus loin l’analyse, on peut également s’étonner que l’INSEE n’isole pas, au sein des seules dépenses de consommation qu’il entend suivre, la part des impôts spécifiques (TVA, taxe sur les conventions d’assurances, taxes sur les carburants, taxes de distribution EDF etc) qu’elles intègrent, l’exemple le plus significatif étant sans doute celui des quittances d’EDF qui sont devenues à elles seules et au fil des ans un véritable avis d’imposition et sans doute l’un des plus touffus qui soit.

Autre grief et sans doute plus grave encore : la multiplicité des articles (plus de cent mille) et l’ampleur de la collecte mensuelle (quelque 200 milliers de relevés) est telle qu’il est pratiquement impossible de reconstituer de l’extérieur la pondération de l’indice entre les différentes catégories de dépenses. Cette opacité procure incontestablement une certaine latitude à l’Institut qui explique sans doute l’écart qui sépare la mesure scientifique de l’inflation à laquelle il procède, et le ressenti souvent assez différent perçu par de très nombreux consommateurs, très sceptiques sur la neutralité de l’euro quant à l’évolution des prix, et qui ne comprennent généralement pas certains tassements couramment observés en fin d’année civile à une période où pourtant les clients ont plutôt l’impression que les prix s’envolent dans le tourbillon des fêtes.

C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’après avoir observé à maintes reprises des chiffres qui leur semblaient peu fiables, plusieurs centrales syndicales se sont lancées dans la construction et la mise en service d’indices maison dont l’évolution ne répliquait nullement les courbes officielles. La disparition quasi-totale de l’inflation a pour l’instant très largement apaisé le débat, mais en cas de retournement des taux, il pourrait fort bien renaître.

On voit ainsi que, malgré son apparente simplicité, malgré son apparente universalité, l’indice des prix à la consommation pose de sérieuses questions qui obligent à le manier avec un certain nombre de précautions et de restrictions, pourtant presque jamais rappelées.

 

Le taux de chômage

Ce second chiffre a acquis ces dernières décennies une importance toute particulière parce qu’il constitue aux yeux de l’opinion un marqueur simple du succès ou de l’échec de la politique économique du pouvoir en place.

On sait que ce chiffre comporte en réalité plusieurs variantes, de la plus restrictive à la plus large selon qu’on s’attache aux seuls chômeurs en recherche d’emploi, mais n’ayant pas travaillé du tout au cours de la période d’observation considérée ou au contraire à ceux ayant déployé quelque activité, mais sans que cette dernière soit suffisante pour les sortir de la précarité d’emploi dans laquelle ils se trouvent.

On n’insistera pas sur certaines variations brusques de ce chiffre du chômage : quelques- unes – relativement rares il faut l’admettre – proviennent certes d’erreurs avouées et parfaitement cernées, mais d’autres résistent opiniâtrement à toutes les explications et à toutes les conjectures, et ont justifié ici aussi l’élaboration par certaines centrales de leurs propres indices.

Par ailleurs, l’incidence des radiations intervenues, comme le nombre des emplois aidés, créés ou parvenus à terme perturbent constamment les comparaisons qui peuvent très difficilement se faire à périmètre constant.

Quoi qu’il en soit, ce taux de chômage n’exprime pas la vérité des chiffres.

En effet, si son numérateur correspond bien à l’effectif des chômeurs d’une catégorie donnée, son dénominateur intègre l’ensemble de la population en âge de travailler. On a tellement l’habitude de cette démarche qu’elle ne choque pratiquement plus personne, alors qu’elle n’est absolument pas logique.

En effet, environ un quart (si l’on inclut tout le secteur public) ou un cinquième (si on se restreint à la seule fonction publique) de la population active échappe en réalité à tout risque, ou presque, de chômage.

Or, si l’on veut que le taux de chômage soit significatif, il faut l’exprimer, non pas par rapport à la totalité de la population active (sinon, pourquoi pas le comparer à la population totale ?), mais par rapport à la seule population effectivement confrontée à ce risque.

Et là, même si on se cantonne à l’exclusion de la seule fonction publique, on voit bien que le taux officiel actuel de quelque 10,6 % correspond en réalité à un taux effectif de : 10,6 / (100-20) = 13,25 %, ce qui assombrit quand même quelque peu la perspective, mais traduit infiniment mieux la réalité de la situation.

Cette dérive est d’autant plus préoccupante que l’on vient d’apprendre qu’en 2014 le nombre de fonctionnaires a grimpé de plus de 40 000 tandis que le nombre d’emplois marchands s’est, lui, rétréci de 63 000.

On notera enfin que le rapport de la statistique officielle à l’ensemble de la population active fausse les comparaisons internationales avec la plupart des démocraties développées, puisque la France est le pays qui, de loin, a dans sa fonction publique et dans son secteur public les effectifs à statut protégé les plus lourds par rapport à l’ensemble des démocraties avancées.

 

Les statistiques de la délinquance

On sait combien ce chiffre est devenu sensible en France. Il est considéré comme un marqueur de l’efficacité ou de l’inefficacité de la politique sécuritaire du pays, au point de faire l’objet d’une surveillance constante et rapprochée de tout ministre de l’Intérieur.

On sait aussi que les statistiques officielles ne peuvent enregistrer que les plaintes effectivement déposées, les enquêtes de victimation, distinctes, étant chargées d’apporter un éclairage complémentaire sur les méfaits pour lesquels les victimes n’ont pas pu, ou pas voulu porter plainte.

Ainsi présenté, le dispositif de suivi de la délinquance paraît logique et sensé.

Le problème, c’est que quand les chiffres se détériorent, le ministre de l’Intérieur s’inquiète légitimement de cette évolution, et que lorsqu’elle persiste, il est politiquement tenté d’envisager toutes les solutions à sa portée – il est le supérieur hiérarchique de la police et de la gendarmerie – pour freiner ou retarder l’évolution des chiffres.

On sait que pratiquement tous les ministres de l’Intérieur ont à un moment ou à un autre de leur mandat donné des instructions qui ont pu influer sur la plus ou moins grande célérité de remontée ou de prise en compte des informations jusqu’aux fichiers statistiques. Cette pratique est connue car elle est systématiquement dénoncée par tous les gouvernements vis-à-vis de leurs prédécesseurs de l’autre camp. Si bien qu’en dépit des dénégations d’usage, elle n’abuse plus grand monde, tous les observateurs s’étant habitués peu ou prou au fait qu’elle aboutit tout au plus à un lissage des données, du moins tant que celles-ci sont soigneusement acheminées.

Mais tout dernièrement, la pratique a changé et de méthode et d’échelle.

Comment ?

Très simplement, sous prétexte que les anciennes statistiques, sur lesquelles on disposait de longues séries historiques, n’étaient plus du tout pertinentes, qu’elles correspondaient à la politique du chiffre chère à Nicolas Sarkozy, qu’elles ne reflétaient ni fidèlement ni clairement les réalités du terrain, et qu’elles n’épousaient pas assez étroitement les préoccupations de la politique sécuritaire du pouvoir en place, dès la fin 2014 il fut décidé et procédé à une refonte complète de l’appareil statistique de suivi de la délinquance.

Jusqu’ici me direz-vous rien d’anormal, sauf que contrairement à tous les principes qui régissent ce genre de transition, on n’a apparemment pas pris les précautions nécessaires pour que les nouvelles séries statistiques puissent être rapprochées des anciennes et comparées avec elles. Ce qui assure à l’équipe en place une tranquillité relative sur quelques mois, le temps que de nouvelles séries commencent à se reconstituer.

Bien sûr, les focus que nous avons centrés sur les trois chiffres qui précédent auraient pu sans difficulté être étendus à d’autres données sensibles :

  • le taux de croissance,
  • le calcul du PIB,
  • la mesure de l’immigration nette,
  • la part des accidents routiers imputables à la route elle-même.

 

Mais nous avons préféré resserrer l’étude sur les trois exemples qui nous ont paru les plus flagrants, et qui parlent directement à l’opinion. On voit ainsi clairement qu’avant d’accepter et d’utiliser des chiffres publics, il faut toujours commencer par se demander comment ils ont été obtenus.

Et force est de constater que, pour peu qu’on y porte quelque attention, la plupart du temps on ne fait pas le voyage pour rien. Surtout que ces critiques catégorielles se doublent de reproches plus systémiques qui visent, eux, l’ensemble de la chaîne publique de production statistique.

 

Des chiffres exclusivement faits maison

Dans le domaine alimentaire ou dans celui de la restauration, le fait maison est plutôt un avantage et un gage d’authenticité et de qualité.

Malheureusement, en statistique, il n’en va pas de même, bien au contraire.

En effet, c’est une évidence, mais autant la rappeler, car on ne voit jamais bien celles qui crèvent les yeux. Toutes les statistiques publiques sont étroitement sous dépendance.

Ainsi, l’INSEE lui-même se trouve directement et étroitement rattaché au ministère de l’Économie, dont il ne constitue qu’une direction. Certes, l’Institut jouit légitimement d’une réputation de sérieux, ses procédures de contrôle interne sont développées, et la création en 2009 d’une Autorité de la Statistique Publique a été censée venir renforcer son indépendance, conformément aux vœux express des autorités européennes.

Malheureusement, la nomination des neuf membres qui la constituent est entièrement entre les mains des autorités publiques institutionnelles, avec de plus au niveau des moyens humains, de la logistique et de l’implantation une dépendance fort mal venue vis-à-vis de l’INSEE, dont l’Autorité est précisément censée superviser les travaux.

Décidément, il n’y a jamais à gratter loin dans la sphère publique française pour trouver du conflit d’intérêts !

De plus, la statistique publique étant par essence d’intérêt public, elle concerne inévitablement aussi le secteur privé sur lequel portent d’ailleurs nombre de ses études, mais on n’a pas jugé le poids de cette évidence suffisant pour introduire dans l’Autorité et à titre indépendant suffisamment de représentants de la société civile qui ont probablement pourtant quelques idées sur la conduite et l’orientation des démarches statistiques, quand elles s’attachent à leur propre activité.

Donc au final et vis-à-vis de l’Europe, et grâce à l’Autorité précitée, on n’observe pas une totale dépendance, mais pas non plus une totale indépendance, et en tout cas comme une fois de plus dans le système politique et administratif français, on pointe une exclusion quasiment de principe de toute représentation structurée du secteur privé dont l’apport dans le produit national brut est pourtant déterminant, sans compter l’avantage de perspectives originales confrontées au quotidien du marché et de l’entreprise.

Pour ce qui est du chiffre du chômage, les chiffres mensuels de Pôle Emploi sont sous la surveillance directe des services du ministre du Travail, qui préfère naturellement que les statistiques ne soient pas trop défavorables à l’action et aux annonces du gouvernement, notamment à l’approche des échéances électorales les plus importantes.

Et la prochaine sera encore plus cruciale puisque le président de la République a fait du recul du chômage la condition expresse de sa candidature. Rappelons toutefois que l’INSEE publie également un indice trimestriel conforme aux définitions du B.I.T, dont par le passé le rapprochement et l’articulation précise avec l’indice mensuel de Pôle Emploi a parfois posé quelques problèmes.

Le ministre de l’Intérieur, publicateur, en liaison avec la Justice, des chiffres de la délinquance, jouit quant à lui d’une parfaite autonomie dans la publication des statistiques de la délinquance, en bénéficiant de plus pour l’instant, et comme on l’a vu, d’un bref répit technique, qui ne saurait toutefois dépasser quelques mois.

Il résulte donc de l’ensemble de ces observations que les statistiques publiques, si elles ont fait mine de le distendre, n’ont pas complètement rompu le lien avec les ministres qu’elles concernent, et que cette attache, même si elle est un peu moins voyante que par le passé, même si elle est un peu mieux filtrée, continue à poser problème.

Le grief précédent pourrait n’être qu’accessoire, si une autorité indépendante et externe était chargée de vérifier systématiquement toutes ces statistiques, de s’assurer de leur exactitude, de leur loyauté, de la permanence des méthodes, de manière à être sûre qu’elles fournissent bien l’image fidèle qu’on attend généralement des approches économiques et financières.

Or, c’est fort étonnant, mais il n’en est rien.

Alors que les comptes de petites sociétés anonymes sont, comme pour les plus grandes, obligatoirement certifiés par des commissaires aux comptes rigoureusement indépendants de la direction de ces sociétés, il n’y a rien de tel pour les publications statistiques officielles qui naviguent plein vent sans autre contrôle que celui épisodique et très parcellaire d’Eurostat, l’Office statistique des autorités européennes.

En sachant que cet office a dû lui-même début 2000 faire face à un scandale assez retentissant : pour assurer ses fins de mois, il avait organisé la surfacturation de la sous-traitance de missions que ses effectifs ne lui permettaient pas d’assurer en propre. Or, méthodologiquement, dans le monde financier et économique, les chiffres ne peuvent pas être aléatoirement audités : soit ils font -au moins par échantillonnage- l’objet d’un contrôle externe systématique et ils sont audités, sinon ils ne sont pas considérés comme audités. Les chiffres non intégralement audités n’ont rigoureusement aucune valeur scientifique et ne doivent être pris que comme de simples indications probablement justes, mais nullement garanties contre le risque d’erreur, d’altération, d’omission ou de manipulation.

D’ailleurs, Winston Churchill lui-même prétendait sans vergogne qu’il ne portait foi qu’à une seule catégorie de statistiques : celles qu’il avait lui-même préalablement trafiquées.

Plus sérieusement, si on veut en France donner aux statistiques officielles la garantie supplémentaire d’un véritable audit, il faut alors envisager une structure indépendante du pouvoir et préférentiellement composée d’auditeurs privés, astreints à une incompatibilité absolue avec toute fonction publique, gouvernementale ou élective. Il est à noter que ce souci du contrôle externe, s’il s’est définitivement imposé dans la production des comptes, demeure curieusement largement étranger au monde de la statistique, qui, sûr de ses méthodes et de ses compétences, préfère ne pas avoir à convaincre un œil neuf et extérieur de l’excellence de ses pratiques et de la qualité de ses résultats.

Il y a là à tous les niveaux – national européen ou même mondial – une sorte d’autisme statisticien dont on peut s’étonner tant il est contraire au principe scientifique et mathématique qu’un chiffre produit par un opérateur ne vaut que si, dans les conditions où il a été obtenu, il peut être répliqué et validé par un autre opérateur strictement indépendant du premier.

Il faut enfin terminer sur quelque chose de particulièrement agaçant quand on s’évertue à tenter de recouper entre elles les données statistiques des diverses sources publiques. Elles privilégient, et de loin, les présentations en graphiques, en évolutions, en pourcentages, en moyennes ou encore par individu, en omettant souvent de fournir les chiffres- sources de base en euros eux-mêmes (notamment pour le PIB).

Et d’ailleurs, quand à force de recherche et de patience, on parvient à contourner l’obstacle et à obtenir enfin ces chiffres bruts en euros, qui permettent de construire soi-même les références qu’on veut, on s’aperçoit alors très souvent tout simplement que les données obtenues à partir des différentes sources ne sont pas en ligne.

 

Pour la création d’une bibliothèque nationale des statistiques (BNS)

Certes, la plupart des données statistiques sont en France en accès libre, et c’est incontestablement un point très positif.

Mais ce qui l’est moins, c’est que les données essentielles sont disséminées entre plusieurs sources, et qu’il existe pour diverses raisons des discordances d’approche et de traitement entre ces sources, qui ne se soucient nullement de se raccorder entre elles, si bien que l’utilisateur de ces statistiques éprouve les plus grandes difficultés à opérer les rapprochements et recoupements nécessaires, même quand ils sont possibles, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas.

Le premier progrès, c’est donc que pour une donnée déterminée, on aurait un chiffre officiel et un seul qui ferait foi pour tous les rapports et toutes les études subséquentes.

D’autre part, les publications favoriseraient les données brutes exprimées en unités directes et les retraitements subséquents en graphiques, pourcentages et moyennes ne seraient fournis qu’en complément des chiffres de base toujours rappelés.

La bibliothèque en ligne regrouperait aussi les dernières statistiques disponibles et ayant un caractère officiel, en bannissant ou au moins en distinguant dans une section particulière et distincte tous les chiffres comportant une part d’estimation ou de projection de manière à éviter toute méprise dans l’utilisation et la publication des chiffres fondamentaux (démographie, prix, emploi, croissance, produit national brut et revenus correspondants, dépenses et recettes publiques, prélèvements obligatoires dont charges fiscales et dépenses sociales, retraites, santé, sécurité routière, délinquance etc…).

Elle permettrait aussi de pointer les très grands retards de certaines données, qui ne sont fournies qu’avec des périodicités triennales ou quadriennales nettement insuffisantes. Tous les chiffres cités comporteraient la mention précise de la source et de la date de publication. La publication serait mise à jour trimestriellement pour éviter sans nécessité une charge de maintenance trop lourde.

Un exemple : le total des dépenses de retraite pour 2014 : selon la dernière estimation du ministère des Affaires sociales (DREES – Étude 941 – Novembre 2015) : 277 milliards, (315 si on ajoute le risque-survie incluant essentiellement les pensions de réversion), mais 300 milliards toujours pour 2014 si on se réfère au « jaune » du projet de loi de finances pour 2016 selon la source indiquée page 10 : « Commissions des comptes de la Sécurité sociale de juillet 2014 après retraitement Direction du Budget ».

Deux mots à ce propos : d’abord on nous avait caché jusqu’à présent qu’il y avait plusieurs Commissions des comptes de la Sécurité sociale ; ensuite, si l’on entreprend stupidement de totaliser les chiffres du « jaune » indiqués à l’intérieur de la figure 1 censée détailler les 300 milliards annoncés, même en s’y reprenant à plusieurs fois, on bute obstinément sur un total de 298,90 milliards sans atteindre les 300 milliards annoncés.

Il est ainsi dommage que des documents officiels destinés au Parlement traînent avec des erreurs d’addition, si faibles soient-elles, même si on est assuré que peu de leurs destinataires les reliront attentivement et moins encore les pointeront.

Bref, la plupart du temps et en raison de la divergence usuelle des sources, on est obligé de travailler les chiffres publics à l’estime et rien de plus irritant pour qui a l’habitude qu’un tableau carré croisé à l’unité près et d’avoir des définitions de champ parfaitement posées et articulées. Nul doute d’ailleurs, qu’un audit sérieux de ces chiffres (domaine par domaine par exemple) ne laisserait pas passer ces scories ou ces écarts apparents, sans s’attacher à les réduire ou à établir et documenter clairement les rapprochements indispensables pour le lecteur ou pour le chercheur.

 

Conclusion

Mais manifestement, nous n’en sommes pas là, et nul doute même que le texte de cet article dérangera, étonnera, voire même provoquera des réactions indignées de la part de ceux qui ont pour la plupart l’habitude de contrôler ou de faire contrôler étroitement les autres, mais qui n’ont pas l’habitude d’être eux-mêmes contrôlés, et encore moins par des auditeurs étrangers au secteur public soucieux d’échapper ainsi au tissu serré de ses trop nombreuses accointances.

C’est pourtant à ce prix, et à ce prix seulement, que les statistiques publiques françaises, qui sont généralement reconnues comme de qualité, acquerront aux yeux de tous et à commencer par ceux du peuple de France, la sécurité, la parfaite lisibilité et le caractère absolument incontestable qui leur fait encore présentement défaut.

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  • Je vais plus loin que vous à propos du chômage: dans une zone économique donnée, et en retirant les fonctionnaires, ce qui compte c’est le nombre de personnes sans emploi qui reçoivent quelque chose toutes sources confondues. Selon un article que j’ai vu il y a quelques temps, pour 6 personnes qui produisent il y en a 3 qui ne produisent pas et qui reçoivent de la redistribution. Dans le système de redistribution massive dans lequel on vit, le chiffre du chômage n’a aucun sens pour comprendre ce qu’il se passe.

  • le critère le plus important ( que l’on soit dans le public ou le privé) est la capacité et la volonté de la Direction a avoir une approche factuelle ( fact based) . L’expérience montre que ( contrairement à ce qui est sous entendu dans l’article) on peut très bien avoir une analyse honnête des chiffres avec un système d’audit interne et qu’à l’inverse un audit externe ( même les commissaires au compte! ) ne garantit pas grand chose ( plusieurs cas l’ont démontré). le problème aujourd’hui est que pour accéder au pouvoir suprême dans le public il ne faut surtout pas avoir cette approche fact based car on est ressenti comme dangereux et non maîtrisable : ceux / celles qui sont promu(e)s sont plus  » souples  » et raisonnent  » à l’envers  » ( on part de la story et on cherche les chiffres et les analyses qui la supportent). La vérité est en général perçue comme un risque ( public ou privé). Toutes les commissions du monde n’y feront rien tant que les Directions nommées n’auront pas cette philosophie de la vérité et de la transparence.

  • Excellent travail, même si il est un peu difficile a lire. Il faut dire que démonter les mécanismes et les rouages, qui permettent les manipulations qui expliquent comment on nous prend pour des cons ,c’est évidement com-plexe !
    Cela m’a fait plaisir de le lire, je me sent moins seul. Retraité, ancien chômeur, je continue chaque mois a décortiquer les chiffres « officiels » du chômage….Je compare aussi régulièrement ma retraite stagnante depuis des années, a mes factures d’électricité, d’impôts locaux , péages autoroutier, ….
    Grand merci , je suis rassuré, je n’ai pas la berlue !

  • Exellent article. En matière d’emploi, les chiffres sont ceux repris par Pole Emploi.

    Le bon chiffre serait un ratio entre cotisants effectifs pole emploi et indemnisés pole emploi.

    Mais Pole emploi ne publie pas son nombre de cotisants. Juste un nombre d’entreprises (qu’il faut trouver) sans rentrer dans le détail de personnes concernées….

    Mais des publications de dithyrambiques exemples de réunionites de réflexions d’entres soi avec les thématiques « transparence » ou « Open Data ».

    Peut être la peur de compter le nombre de gens de la société active qui sont bonifiés de ne pas cotiser et montrer que la solidarité ne sont in finé que des mots?

  • Enfin je lis un article qui confirme ce que je soupçonnais très fortement depuis longtemps , donc nous ne sommes pas seul à y avoir pensé . Avez vous remarqué aussi le nombre de morts qu’on nous sort bien souvent ( la grippe , la canicule , le grand froid , les particules fines , le co2 , j’en oublie …..etc , etc …. , ) si on fait le compte ça doit vraiment faire beaucoup , où va-t-on pêcher tous ces chiffres ? quels sont les critères de comptage ? j’aimerais avoir des précisions plus rationnelles que ce qu’on nous  » sert « 

  • Je pense que si l’Etat n’existait pas donc pas de gouvernement , tout serait donc géré par des entreprises privées ( missions régaliennes comprises ) . Les pays retrouveraient une économie florissante et les gens recouvreraient leurs libertés individuelles . Les politiques sont des nuisibles dont le seul but est de vous enlever toute liberté ( par des contraintes bien souvent stupides crées uniquement pour vous faire sentir qu’ils sont les maitres et qu’ils peuvent vous faire obéir et soumettre comme ils veulent , ce sont des malades mégalomanes ! ) et de vous spolier !
    (

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