Par Marc Lassort
Malgré un contexte macroéconomique favorable au niveau international, la croissance française reste insuffisante et l’emploi continue à régresser. Le secteur marchand non agricole a compté une destruction nette de 900 emplois au troisième trimestre 2015, malgré une croissance économique prévue à + 1,2 % sur l’année 2015 par la Banque de France. Après une quasi-stagnation sur trois ans (+ 0,4 % en moyenne entre 2012 et 2014), la croissance résulte de l’augmentation de la consommation des ménages (+ 1,5 % sur un an), qui ont bénéficié de la hausse de leur salaire réel en 2015 sous l’effet du contexte international et d’une inflation faible.
L’économie française bénéficie pourtant, depuis le début de l’année 2015, de l’amélioration de sa compétitivité-prix, grâce à la dépréciation du taux de change de l’euro qui a entraîné le rebond des parts de marché des entreprises françaises à l’exportation hors zone euro. Les entreprises françaises ont pu ainsi exporter plus massivement aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Asie. Mais elles ont également profité de la baisse du coût du travail suite à la mise en place de mesures fiscales comme le CICE et le pacte de responsabilité. Enfin, les ménages et les entreprises tirent tous les deux profit de la baisse des cours du baril de pétrole et des politiques d’assouplissement monétaire de la BCE : cela tire donc la croissance vers le haut, puisque l’économie française importe massivement le pétrole, et que les taux d’intérêt faibles stimulent le crédit.
Toutefois, cette croissance minimale est toujours incapable de créer de l’emploi marchand sur le long terme, malgré une hausse de + 0,2 % sur l’année 2015. Le taux de chômage en France se situait à 10,3 % en 2014, soit plus de deux fois plus élevé qu’en Allemagne (5 %), plus de 4 points au-dessus du Royaume-Uni (6,1 %) et des États-Unis (6,2 %), comme on l’observe sur le graphique ci-après. Et tandis que la tendance baissière se poursuit dans ces pays, la France n’arrive pas à renverser la tendance débutée en 2008 : on note grâce aux données de l’INSEE que depuis cette date, l’ensemble des secteurs marchands (hors agriculture) a détruit un total de 586 300 emplois nets, soit entre 395 300 et 368 700 destructions d’emplois pour la présidence Sarkozy (2008-2012), et entre 191 000 et 217 600 destructions d’emplois pour la présidence Hollande (2012-2015).
Pour créer de l’emploi, la croissance doit être supérieure aux gains de productivité
Il ne suffit donc pas d’avoir de la croissance pour créer des emplois. La création nette d’emplois – c’est-à-dire lorsque les créations d’emplois sont supérieures aux destructions – n’est possible que lorsque la croissance économique compense les gains de productivité par tête. En effet, les entreprises n’ont pas besoin d’embaucher quand leurs gains de productivité sont égaux ou supérieurs à leur croissance d’activité. Cette relation peut se résumer par la formule suivante :
qui signifie que le taux de variation du volume de travail est égal au rapport entre le taux d’évolution de la production et le taux d’évolution de la productivité du travail. En d’autres termes, si la productivité du travail est supérieure à la croissance, le volume d’emploi baisse, et inversement, les autres facteurs étant égaux (volume de capital, progrès technique, connaissance, etc.).
En France, lorsque la croissance de la valeur ajoutée était bien supérieure aux gains de productivité par tête, comme en 2007 ou en 2008, on observait une forte croissance du taux d’emploi (+ 0,6 pts par an entre 2006 et 2008). De même, lorsque la croissance du PIB s’est effondrée par rapport à celle de la productivité par tête, le taux d’emploi est passé de 64,9 % à 64,1 % entre 2008 et 2009. Ce qui nous permet de penser, après un calcul réalisé avec les données prévisionnelles de l’OCDE (Perspectives économiques de l’OCDE, N° 98, novembre 2015), que la création d’emplois ne compensera pas la destruction sur l’année 2016 : le taux de croissance prévu à 1,2 % ne sera en effet pas suffisant pour dépasser une croissance potentielle de la productivité évaluée à 2,24 %.
Bien entendu, cette loi empirique qui avait été pensée par l’économiste Arthur Okun en 1962 n’explique pas la totalité des relations dynamiques du marché du travail, qui répondent à de nombreux facteurs (croissance de la population active, rigidités administratives). Le taux de croissance susceptible de créer de l’emploi peut évoluer en fonction des pays, des circonstances et des périodes, ainsi cette loi peut parfois être mise en défaut à cause de problèmes de mesure statistique. Mais elle s’est souvent vérifiée empiriquement, et la France ne parviendra à réduire son chômage que par une libération du travail et du capital pour encourager l’épargne et l’investissement et retrouver une croissance à un niveau sensiblement supérieur.
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Il ne faut pas négliger la peur d’avoir à licencier un employé alors que le carnet de commandes ne permet pas son maintien
Si le carnet de commandes ne permet pas son maintien, c’est qu’il est guère rempli donc que l’avenir n’est pas rose (sic!!!). Sinon, l’intérim et les CDD, cela existe!!!