Par Emmanuel Bourgerie.
Comme chaque année, Oxfam vient de publier sa dernière étude sur les inégalités de patrimoines dans le monde, et révèle que les 1% les plus riches possèdent plus que les 99% restants de la population. Malheureusement, et c’est devenu une habitude, les bonnes questions ne sont absolument pas posées. Au lieu de cela, nous avons droit à la rhétorique et aux fausses bonnes idées habituelles, qui font presque figure de marronnier à ce stade.
Ce que l’on voit
Oui, les inégalités de richesses entre les plus pauvres et les plus riches n’ont jamais été aussi prononcées. Oui, la classe moyenne occidentale n’a pas vu de réelle hausse de son niveau de vie sur les vingt dernières années. Oui, il y a encore une extrême pauvreté et des injustices insupportables dans le monde. Mais vivons-nous dans un monde où les 10% les plus pauvres sont avant tout des occidentaux ?
Ce que l’on ne vous dit pas
La mesure d’Oxfam est très biaisée, puisque le patrimoine est une chose qui est décorrélée des revenus, et est très instable. L’étude ne dit pas : « 1% de la population gagne plus que les 99% les moins riches », mais bien « 1% possède l’équivalent de ce que les 99% possèdent », en comptant les dettes en négatif. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’un pauvre paysan cambodgien possède quelques dollars et ses vêtements, mais il est considéré plus riche qu’un diplômé d’Harvard qui sort de l’université. Pourquoi ? Parce que le patrimoine est la somme de ce que l’on possède, moins les dettes, selon les données du Crédit Suisse, utilisées par Oxfam. On arrive donc à quelques bizarreries : l’américain moyen est moins (!) riche que l’espagnol moyen (49 787$ contre 52 223$), et les États-Unis sont le deuxième (!) pays contenant le plus grand nombre de pauvres, avec 10% de sa population faisant partie des 10% les plus pauvres du monde, juste devant l’Inde qui compte 20% de sa population parmi les 10% les plus pauvres.
Cet indicateur n’est pas dénué de sens, mais il faut impérativement garder à l’esprit qu’il est très limité, et que dans les pays qui ont fortement recours à l’endettement privé, la « pauvreté » (dans le sens d’absence de solde positif sur le patrimoine) sera biaisée. De même, des riches gestionnaires de fonds de pensions, ou des CEO qui ont accumulé des fortunes en termes d’actions (qui sont aujourd’hui à des niveaux stratosphériques) vont forcément voir leur patrimoine s’envoler à des niveaux inimaginables, sans que cela n’ait de corrélation avec leurs revenus réels.
Le patrimoine est un stock, et les valeurs absolument pharaoniques que Oxfam évoque ne sont vraies que parce que les plus riches sont sagement assis sur leurs tas d’or, sans oser le transformer en cash. Le jour où ne serait-ce qu’une minorité d’entre eux décide d’en revendre une quantité conséquente pourrait tout à fait se traduire par un effondrement de leurs valeurs boursières. Pour répéter : la richesse des riches n’a de valeur que tant qu’elle reste dans les sphères spéculatives.
Pourquoi est-ce qu’Oxfam ne parle absolument pas du rôle des banques centrales dans cette affaire ? Est-ce que leur agenda politique leur interdit de constater que trop de pouvoir entre les mains de bureaucrates crée le fameux problème qu’ils essaient de mettre sur le dos du capitalisme ? Ne veulent-ils pas reconnaître que leur solution favorite – plus d’État, plus de centralisation, plus de bureaucratie – revient à jeter de l’huile sur le feu ?
Et enfin, dernier point, « 63 personnes possèdent autant que la moitié la moins fortunée du monde » est en conséquence une mesure extrêmement biaisée et de la plus grande mauvaise foi. Pour « sortir » des 10% des plus pauvres au niveau mondial, il suffit de posséder plus de 132$, et au niveau américain il suffit de posséder plus de -6 723$. Oui, il faut avoir plus qu’un montant négatif, car la richesse incluant les dettes, même un sans-abri sans le sou est déjà considéré comme plus riche que 10% des Américains les plus pauvres. Donc, bien entendu, quand vous additionnez des volumes de dettes impressionnants, vous allez forcément tirer vers le bas la « richesse » totale des 3,5 milliards d’habitants les moins fortunés, parmi lesquels se trouvent déjà 720 millions d’individus vivant sous le seuil d’extrême pauvreté, alors forcément une poignée de Bill Gates sous stéroïdes monétaires vont amasser une fortune invraisemblable en comparaison.
Ce que l’on aimerait voir
Comme je l’avais précédemment pointé du doigt, les banques centrales (en particulier la réserve fédérale américaine) ont été capturées par des intérêts privés, qui font tourner la planche à billets en leur faveur. Il n’y a à ma connaissance aucune explication rationnelle à la bulle spéculative que l’on observe (en particulier dans les secteurs de la high-tech), si ce n’est la politique agressive des banques centrales et leur vaine tentative de mettre en pratique une version « à jour » de la théorie du versement, avec l’efficacité que l’on peut tous observer.
Parmi les questions non posées, pourquoi est-ce que la dernière crise, contrairement aux précédentes crises historiques, n’a pas corrigé ces inégalités de patrimoine ? Les cours des actions sont toujours les premiers à être touchés lors des crises, et les plus riches voient souvent leur fortune fondre en quelques jours. Loin de moi l’idée de pleurer sur leur sort, mais j’aurais voulu que cette question soit posée. Je n’ai sincèrement pas de réponse à apporter, mais j’ai le sentiment que c’est une pièce manquante dans le puzzle de la question des inégalités, et ne pas l’aborder est dommage.
Et pourquoi se concentrer uniquement sur les inégalités de patrimoine ? Non seulement cette mesure est fortement biaisée (j’insiste : la majeure partie de l’extrême pauvreté mondiale vit en Occident selon cette mesure), mais elle est déconnectée de l’idée qu’on se fait des inégalités. Mais pourquoi n’en parle-t-on pas ? Parce que, encore une fois, Oxfam a un agenda très précis, et la réalité ne correspond pas à leur idéologie, alors ils doivent choisir leurs statistiques avec beaucoup de précaution pour trouver le résultat qu’ils cherchent. La preuve :
Ce qui m’énerve le plus avec cette étude d’Oxfam n’est pas qu’elle pointe du doigt des inégalités injustes à travers le monde. Celles-ci existent toujours, mais doivent être adressées de façon sérieuse, et avec un esprit rationnel. Balancer des statistiques biaisées avec un enrobage populiste n’est absolument pas une réponse appropriée. Une taxe globale, que beaucoup voudraient voir naître en réponse, ne fera absolument rien pour combattre la malnutrition ou le manque de soins et d’éducation qui font cruellement défaut aux plus pauvres. Cette étude est, et demeure, une vaste blague pseudo-scientifique.
—
Lire également sur Contrepoints Oxfam sur les inégalités : 6 raisons d’être sceptique
« Cette étude est, et demeure, une vaste blague pseudo-scientifique. »
La pseudo-science est devenue la norme et menace de remplacer la vraie. On le voit régulièrement en matière d’économie, de climat, de santé. Ce qui trahit en général ces psudo-sciences est l’incohérence des résultats et des prévisions.
Ce débat sur la richesse relève du mantra de la revendication de classe : « Le pognon est dans la poche des patrons ». Pourtant parmi les autres multiples oublis et incohérences, prennent-ils en compte ce que possède l’état et que l’on devrait réattribuer par un savant calcul à ce que possède chacun.
Cela pose d’ailleurs un problème : un immigrant devrait « acheter » sa nationalité, et un émigrant pouvoir la revendre. Dans ce cas, je vais mettre en vente ma propre nationalité française avant que le cours ne s’effondre pour acheter une nationalité américaine au cours fixé par Oxfam.
« prennent-ils en compte ce que possède l’état »
Et prennent-ils en compte dans le patromoine des citoyens la dette de leur Etat nounou?
J’aime bien votre idée pragmat, je vais la mettre aux enchères ma nationalité, je suis sur que je ferais un tabac ds la section française mais pas sur, grosse valeur ajoutée ( les gens doutent de ma nationalité…)! Imaginez un marché réglementé avec des taxes des contrôleurs et tout et tout ?
http://www.vox.com/2015/1/22/7871947/oxfam-wealth-statistic
http://www.iea.org.uk/blog/beware-oxfam%E2%80%99s-dodgy-statistics-on-wealth-inequality
http://fusion.net/story/39185/oxfams-misleading-wealth-statistics/
Cette étude n’est pas du tout crédible (pour plus de critiques vous pouvez lire mes commentaires sous cet article: https://www.contrepoints.org/2016/01/20/236030-oxfam-sur-les-inegalites-6-raisons-detre-sceptique ) . Oxfam est composé d’idéologues d’extrême gauche altermondialistes qui sous couvert de défendre une noble cause, promeuvent surtout leur idéologie.
Le pire s’est qu’Oxfam a repris la même méthodologie que l’an passé alors que cette méthodologie a été démontée. Oxfam a clairement le but de faire du sensationnalisme au détriment la vérité. EN gros, ils savaient à quel conclusion ils voulaient arrivé et ils ont pris les chiffres qui leur permettraient d’arriver à la conclusion voulue. Pas très scientifique comme méthode.
Je trouve quand même marrant qu’une association de lutte contre la pauvreté passent autant de temps à lutter contre les inégalités plutôt qu’ à réduire la pauvreté.
Tous les égalitaristes perdent toute crédibilité quand on voit qu’ils passent sous silence une bonne partie des causes de la montée des inégalités. Je parle plus particulièrement du rôle joué par l’état dans la montée des inégalités (comme le rappelle très bien l’auteur de cet article). Par exemple, les banques centrales jouent un grande rôle dans la montée des inégalités expliquée ici
http://davidstockmanscontracorner.com/how-central-banks-cause-income-inequality-mises-org/
Pourtant, les gauchistes ne parlent jamais de cela. Cela me fait marré tous les gauchistes qui sont immigrationnistes et qui sont favorable aux QE: les QE creusent les inégalités tout comme l’immigration dans les pays riches accroissent les inégalités dans ces pays. C’est incohérent de défendre l’immigration puis reprocher qu’il y a trop d’inégalités dans notre pays.http://www.emploi-2017.org/quel-lien-entre-immigration-et-inegalites,a0478.html L’université de Linnæus a démontré que sans l’immigration les inégalités n’avaient pas augmenté en Suède. Je pense que dans bcp de pays riches, si on faisait de tels études, on arriverait à de tels résultats à savoir que sans l’immigration, il n’y a pas eu d’augmentation des inégalités.
Attention, ce n’est pas pour cela qu’il faut être contre l’immigration. De nombreuses études ont montré le bienfait de l’immigration au niveau économique notamment les études du PNUD, de l’OCDE ou encore pour la France de l’université de Lille
Quand on est prêt à fausser les stats pour la « bonne cause », la fin valant les moyens, on est prêt à faire de la propagande, de la désinformation. Par la suite, on est prêt à justifier des violences contre les opposants, les arrestations des adversaires ou des boucs-émissaires, les procès spectacles, les déportations, les assassinats, les meurtres de masse, le sacrifice d’innocents…
Et après, ils disent encore , lorsqu’on leur montre les résultat de leur « bonne cause » que c’est pas le communisme, ça…
Ne pas oublier non plus que pour un adepte de la lutte des classes, les valeurs humanistes ne sont jamais que les outils des maitres pour se maintenir au pouvoir…
Il suffit de voir de voir les liens de la gauche radicale en Europe avec des régimes peu recommandables. Pdt longtemps, la gauche (y compris traditionnelle) avait des liens avec les régimes communistes.
Aujourd’hui, les partis de gauche radicale européens ont des liens avec le régime chaviste (pdt longtemps, le régime chaviste financait la plupart des partis de gauche radicale européen), ils ont aussi des liens avec des pays tel que l’Iran ou la Russie (ces deux pays financent les partis de gauche radicale en Europe. La Russie finance aussi les partis d’extrême droite en Europe).
Je trouve marrant de voir après cela que les partis de gauche radicale osent parler de démocratie.
Marrant, les médias francais (à part le point) ont « oublié » de parler du scandale en Espagne du financement de Podemos par l’Iran et de ses liens avec l’ETA (organisation terroriste)
Très bonne analyse.
Il est également affligeant de voir comment les communiqués d’Oxfam sont relayés, y compris dans les médias qu’on ne classe pas comme anti-libéraux/anti-business…
C’est le cas par exemple des Echos. Certes, ce quotidien mentionne le fait que les chiffres d’Oxfam sont contestés par certains économistes. Mais il s’arrête là , sans jamais se mouiller en précisant que ces chiffres sont objectivement une vaste escroquerie.
Du coup, cela envoie le message suivant : « à toi lecteur de décider de voir la vie comme Oxfam ou comme le grand capital. Les deux visions se valent et tout est donc une question de sensibilité personnelle ».
Malheureusement, contester les chiffres revient à accorder de la pertinence à ce qu’ils sont censés mesurer. C’est déjà beaucoup trop. Mais les économistes médiatisés qui contestent ne vont quand-même pas cracher dans la soupe.
Pire encore, réfuter ces chiffres est pour leurs partisans la preuve que ces chiffres dérangent et donc qu’ils ont un fond de vérité…
Moi j’aimerai qu’on suive les recommandations d’oxfam et qu’on répartissent les richesses mais en utilisant bien leurs statistiques, car je fais probablement partie des plus pauvres vu mon niveau d’endettement : alors aider moi 😉
[[ Cette étude est, et demeure, une vaste blague pseudo-scientifique. ]] écrit à juste titre l’auteur.
EXACT. Mais les inégalités d’information étant aussi gigantesques que celles sous-entendues par les « activistes » se cachant derrière l’aura d’Oxfam , ces derniers atteignent fort facilement leur but.
Préalablement aidé par l’illusionniste Piketty, les deux mouvances se trouvent amplifiées à l’envi par des médias abscons et par leurs caricaturistes ignares. Chacun d’eux se remplissant les poches en abusant de la crédulité des foules qui les lisent.
« Manip & Co » a toujours un bel avenir !