Par Jasmin Guénette
Qui est ce brigand au grand cœur qui vivait dans la forêt de Sherwood ? Celui qui, avec l’aide de ses compagnons, volait soi-disant aux riches pour donner aux pauvres ? On parle bien sûr de Robin des Bois, ce héros en collant vert, notamment incarné par Kevin Costner et Russell Crowe au grand écran, qui visait toujours juste avec son arc.
Ce bon Robin Hood est une source d’inspiration pour bien des partisans du redistributionnisme de notre époque. Casser du sucre sur le dos des riches est un sport populaire ici comme ailleurs. Taxer davantage les riches, comme le gouvernement fédéral veut le faire, c’est justement une politique à la Robin des Bois. C’est le genre de mesure qui plaît à une grande partie de la population et qui, à première vue, peut sembler efficace si le souhait est de voir l’État prendre encore davantage d’argent dans les poches des contribuables.
Mais comme l’expliquait mon collègue Mathieu Bédard dans un blogue, une telle mesure risque au contraire de réduire les impôts perçus par le gouvernement.
Dans la culture populaire, les héros inspirés de Robin des Bois abondent. Un exemple récent est la série télévisée Mr. Robot, que la chaîne USA a présenté cet été. Au Canada, Showcase l’a reprise à l’automne et c’est addikTV qui la diffusera en français en 2016 pour les intéressés.
Les méchants dans Mr. Robot ne sont pas les méchants habituels qu’on peut voir dans les séries américaines typiques. Non, dans Mr. Robot les vilains sont les dirigeants de la gigantesque entreprise internationale de crédit E Corp. Ces dirigeants ne sont pas seulement membres du club sélect des 1 %, ils sont membres du club du 1 % des 1 %. Le top du top quoi !
Le héros dans cette série est un programmeur informatique un peu bizarre de jour, qui, le soir venu, devient un hacker social qui rêve de détruire cette compagnie au moyen d’une attaque informatique. Lui et ses compagnons pensent ainsi rétablir l’équilibre de la société dans son ensemble en annulant les dettes contractées par des millions d’Américains auprès d’E Corp – ce qu’ils considèrent comme la plus grosse redistribution de richesse de l’histoire ! Une politique inspirée de notre bon vieux Robin des Bois.
Il faut préciser que même si cela était possible, ce ne serait pas une bonne chose pour les plus pauvres de notre société que d’effacer les dettes de tout le monde. Comme l’a souligné récemment Megan McArdle pour Bloomberg, la dette des uns, c’est l’épargne des autres. Et les épargnants ne sont pas seulement des riches : c’est vous, c’est moi, c’est le boulanger, c’est l’enseignante, ce sont les membres de votre famille. C’est nous tous. Une société sans dettes, c’est une société sans épargnes de retraite ni investissements pour faire croître l’économie.
Le vrai Robin des Bois
Au-delà de ces considérations, il faut remettre en question la conception même de Robin des Bois dans l’esprit des gens. Celui-ci était un héros, oui. Mais pas parce qu’il volait aux riches pour donner aux pauvres, plutôt parce qu’il rendait au peuple surtaxé une partie des impôts prélevés en trop par la royauté.
Robin des Bois était un héros parce qu’il rendait aux producteurs de richesse ce que le fisc leur volait. Ce genre de héros serait certainement utile dans une société comme la nôtre, et comme dans bien d’autres aussi. Quand on voit le niveau de taxation déjà élevé qui ne cesse d’augmenter, on aurait bien besoin d’un héros en collant vert pour nous venir en aide.
—
En Dauphiné, au 18e siècle, Louis Mandrin a agi également au profit du plus grand nombre :
http://blog-histoire.fr/2000-ans-histoire/2334-louis-mandrin.html
J’ai le souvenir d’avoir lu sur Contrepoints (je crois) il y a quelques mois une autre analyse concernant Robin. En substance, les attaques que ce dernier menait avec ses compagnons sur les convois passant par la forêt de Sherwood pour en redistribuer les biens aux pauvres du coin (ce que l’on voit, dirait Bastiat) avaient deux conséquences inattendues (ce que l’on ne voit pas) :
– moins de marchands passaient par ces contrées, diminuant les biens disponibles sur les marchés et pour le commerce local, et empêchant les artisans ou paysans du coin de vendre facilement leur production aux autres villages;
– les attaques fréquentes faisaient que les marchands qui devaient malgré Robin passer par Sherwood sollicitaient les services d’hommes de main pour assurer leurs transports, renchérissant ainsi les biens pour les habitants « protégés » par Robin.
De même, probablement, aller prendre l’argent auprès du percepteur pour le rendre aux contribuables risque au final d’avoir des conséquences inattendues. La première chose à faire est peut-être de diminuer les taxations…