Par Patrick Aulnas
Si la droite est un peu perdue avec la résurgence du nationalisme incarnée par le Front national, la gauche ne vaut pas mieux. Le fossé se creuse entre les différentes formations : PS, Parti de gauche, Parti communiste, écologistes (personne ne connait plus le nom du parti…) sans parler de la myriade des petites formations pseudo-révolutionnaires d’extrême-gauche. À l’intérieur du PS, l’oscillation est d’une amplitude historique sans précédent entre les sociaux-libéraux et la gauche dogmatique traditionnelle. De quoi déboussoler le peuple de gauche. En prenant beaucoup de recul, il est sans doute possible d’y voir un peu plus clair.
Le libéralisme, de gauche puis de droite
La pensée libérale remonte à plusieurs siècles et a d’abord cherché à limiter le pouvoir autoritaire des monarchies. Qu’il soit politique ou économique, le libéralisme est encore, dans la première moitié du XIXème siècle, une doctrine suspecte pour les bien-pensants. Contester la dictature napoléonienne ou l’autoritarisme de Charles X apparaît comme très à gauche, même si le mot n’existait pas. L’apparition de la pensée socialiste va changer la donne. Il s’agit dès lors de remettre en cause le libéralisme économique par une intervention accrue de l’État. Au XXème siècle, communistes et socialistes sont d’accord sur ce principe. Ils ne divergent que sur les moyens : révolution ou évolution ? En définitive, la révolution va échouer, en particulier avec la disparition de l’URSS. Mais l’évolution, elle, va réussir au-delà de toutes les espérances. De libérale au début su XIXème siècle, la gauche est devenue socialiste au XXème.
La prodigieuse réussite du socialisme réformiste
Deux chiffres suffisent pour comprendre. Entre 1900 et 2000, les prélèvements obligatoires passent de moins de 10% du PIB à 35-45% dans tous les pays développés. L’interventionnisme public se manifeste par de multiples participations dans les groupes industriels, les banques ou certains services (transport, téléphone), par l’instauration de systèmes de protection sociale (santé, chômage, retraite) et par une réglementation beaucoup plus dense dans de nombreux domaines, en particulier le travail salarié.
Les sociétés occidentales du début du XXIème siècle sont toutes des social-démocraties, même les États-Unis, pourtant vilipendés comme le temple du libéralisme par les gauches européennes.
Le socialisme a réussi bien au-delà de ce que pouvaient espérer ses pères fondateurs à la fin du XIXème siècle. La forte croissance économique y est pour beaucoup. Le militantisme et les revendications pour un peu.
Que faire maintenant ?
Nous en sommes là . Pour les hérauts du socialisme, le début du XXIème siècle se manifeste par un dilemme. Faut-il aller plus loin dans la mise en œuvre de l’idéologie ? Ou faut-il s’adapter pragmatiquement au monde tel qu’il est ? Les dogmatiques proposent évidemment un interventionnisme accru, des prélèvements plus élevés, des dépenses plus fortes. Il s’agit de maintenir les espérances d’antan : réduction du temps de travail, augmentation du niveau de vie, gratuité totale des services publics et de la santé. Les pragmatiques observent les évolutions et constatent que la croissance est faible et la concurrence exacerbée par la mondialisation. Ils s’aperçoivent aussi que les promesses de lendemains qui chantent rencontrent peu d’échos. Il faut donc s’adapter à la réalité du monde et remettre un peu de libéralisme dans la mixture socialiste. Apparaît donc le social-libéralisme.
Les dogmatiques externes et internes
Les dogmatiques quittent parfois le socialisme historique, trop timoré à leurs yeux, pour fonder de nouveaux partis : Die Linke en Allemagne, Parti de gauche en France, Syriza en Grèce, Podemos en Espagne. Lorsqu’ils arrivent au pouvoir, les dogmatiques le deviennent un peu moins. Syriza se voit contraint d’appliquer un programme soumis à referendum et auquel il s’était opposé. Podemos ne parvient pas à trouver de compromis pour gouverner, mais il faudra bien en passer par là .
En France principalement, un dogmatisme archaïsant subsiste à l’intérieur même du Parti socialiste. Le député socialiste Jean-Marc Germain déclare en août 2015 : « Le gouvernement ne voit pas la réalité (…) Nous disons qu’il faut relancer l’investissement public et relancer le pouvoir d’achat des plus modestes ». Quelle réalité le gouvernement ne voit-il pas ? La réalité politique interne au parti, où beaucoup de vieux militants n’imaginent pas abandonner le culte de l’interventionnisme et de la relance par les dépenses publiques. La praticabilité financière n’est pas envisagée. Il s’agit de satisfaire les fidèles du socialisme à l’ancienne de façon à pouvoir faire campagne dans sa circonscription sur des promesses alléchantes.
Aurélie Filipetti est une autre figure de ce socialisme crispé sur des concepts centenaires. À l’occasion de la démission de Christiane Taubira, en janvier 2016, elle déclare à France Info : « Elle fait partie de cette cohorte de ceux qui disent que ça ne peut pas continuer comme ça, qu’il faut reconstruire quelque chose pour tous les gens de gauche qui sont désorientés aujourd’hui ». La reconstruction consiste bien entendu à aller encore plus loin dans la collectivisation de notre société. Tous ceux qui partagent cette sensibilité politique le comprennent ainsi.
Les pragmatiques ou sociaux-libéraux
La vérité, jamais énoncée, est la suivante. Les sociaux-libéraux ont compris que le socialisme a réalisé l’essentiel de son programme au cours du XXème siècle et qu’il faut désormais innover. L’innovation ne peut consister à augmenter encore les prélèvements et à alourdir le fardeau des normes juridiques. Les pragmatiques savent que le danger qui guette nos sociétés est une rigidification progressive, une perte de dynamisme due au recul de la liberté. Le recul de la liberté ne résulte pas de l’arbitraire du pouvoir ou de l’autoritarisme, mais du poids croissant de la sphère publique non soumise à la flexibilité inhérente au marché. La confiance disparaît si toute initiative se heurte à de lourdes procédures, si toute embauche constitue un risque financier mettant en jeu l’existence même d’une petite entreprise.
L’avenir, pour les sociaux-libéraux, se situe donc dans une inflexion libérale. Pour eux, l’épisode socialiste s’est achevé victorieusement. Il ne s’agit pas de détruire l’État-providence mais de le faire évoluer vers plus de souplesse et de desserrer les contraintes législatives excessives du passé, comme par exemple la réglementation uniforme du temps de travail.
Lesquels faut-il prendre au sérieux ?
Sans aucun doute les sociaux-libéraux. Les autres resteront des opposants ou des révolutionnaires en chambre. Mais les sociaux-libéraux renouent, après la construction de l’État-providence, avec une pensée libérale modérée qui représente l’épicentre de la globalisation économique. Le vent de l’histoire les porte. Si François Hollande manque de charisme, il ne manque pas d’intelligence et il sait repérer les personnalités les plus brillantes comme Emmanuel Macron. Ces gens-là vont jouer un rôle important dans les prochaines décennies.
Un article important qui montre que la sociale démocratie, via la généralisation de l’état providence, est devenu le modèle occidental de base du 20è siècle, posant la question du virage à entreprendre à l’arrivée du 21ème.
Il manque cependant à cette analyse qui ne traite que de l’alternative idéologique, l’étude objective de l’efficacité économique de l’un ou l’autre des modèles. Or les faits sont là pour démontrer la corrélation entre l’Etat invasif et la déliquescence budgétaire conduisant irrémédiablement à la dette et à la faillite du pays.Est ce que le modèle interventionniste et régulateur est structurellement inefficient car il lui est impossible d’obtenir la même performance que les mécanismes du marché libre et concurrentiel, ou est-ce qu’il l’est à cause de son organisation et sa gouvernance dévoyées ? la question reste posée.
Si la gauche se revêt d’un déguisement libéral, c’est effectivement pour essayer de sauver sa peau.
Le socialisme est un parasite de la société qui revendique tout.
Si les social démocraties ont prospéré au XX eme siècle, c’est par ce que l’élan libéral du XVIII eme avait permis de crée un élan positif que la gauche s’est évertué à phagociter, à taxer, réguler, conceptualiser, enfermer, jusqu’à créer une successions de conflits et des centaines de millions de mort.
Il faut revoir votre analyse Mr Aulnas : ce n’est pas la social démocratie qui a prospéré, c’est le libéralisme qui a pris une sévère défaite tout au long du XIX et du XX eme siècle.
Ça fait 200 ans que ce pays vit dans les délires, dans l’opium de Rousseau : soyez libres : l’Etat (et la gauche qui sait tout) s’occupe de tout, soyez des bons sauvages irresponsables, maman État qui sait vous protège, ca vous sauver, vous libérer, vous protéger …
A voir si le social libéralisme n’est pas qu’une entourloupe pour gagner du temps et faire croire que le système n’est pas bloqué et qu’il faut garder espoir ( c’est de la comm). Il y a beaucoup de théâtre et de complicité entre le social libéralisme et les socialistes. Les sociaux libéraux ( Macron) ne proposent t que des mesurettes et les socialistes hurlent pour freiner le mouvement. Nous n’avons pas entendu les sociaux libéraux sur le statut des fonctionnaires, sur l’espionnage généralisé des individus, sur la possibilité de se servir directement sur leurs comptes, sur la possibilité de les juger sans passer par la justice , sur l’état d’esprit qui consiste à administrer et à contrôler, sur la liberté d’expression ( interdiction de critiquer certaines idéologies etc etc…
Absolument, ca fait à peu près 300 ans que les intellectuels bien pensants régissent ce pays en usant d’entourloupe et en faisant un holdup systématique de toutes les idées libérales et en les gauchisant.
Ainsi la laïcité est passé de la séparation entre l’Etat et les religion à l’interdiction des signes religieux, la sécurité est passé d’un droit naturel au principe de précaution et à l’interdiction du port d’arme, l’éducation est devenu l’endoctrinement etc…
Même la soi-disant opposition au pouvoir absolutiste du début est une complète réécriture de l’histoire : les premières gauches ont été les concepteurs intellectuelles du pouvoir par tous et pour tous.
Il faut arrêter d’idéaliser la gauche, d’écouter ses sérénades et regarder son bilan : désastreux pour le libéralisme qui est une toute petite braise sous un monceau de cendres.
Ceci dit, la droite fait exactement la même chose, mais moins bien …
Il faut vraiment s’être laissé crever les yeux sans rien dire, pour ne pas voir qu’un pays où les fonctionnaires et les élus – qui sont souvent les mêmes personnes et représentent dix pour cent de la population- continuent à s’approprier et dépenser plus de 57% du PIB produit par leurs « subordonnés », est et restera un pays ultra socialiste pour ne pas dire plus. L’ultra socialisme avec sa soit disant dictature du prolétariat et son assistanat généralisé n’a encore jamais fait le bonheur d’aucun des peuples qui y ont été soumis. Sinon cela se saurait, et ils n’aggraveraient pas leur cas en léguant des dettes colossales à leurs enfants sans moyens de défense. C’est ainsi que la faillite en cours engendre la décomposition de tous les partis politiques en groupuscules qui se combattent pour continuer à ne rien faire..
Issartier:  » où les fonctionnaires et les élus représentent dix pour cent de la population »
25% de la population active… C’est dramatique.
« …Si François Hollande manque de charisme, il ne manque pas d’intelligence et il sait repérer les personnalités les plus brillantes comme Emmanuel Macron. Ces gens-là vont jouer un rôle important dans les prochaines décennies. »
L’intelligence politique consisterait donc à se faire élire sur un programme puis à ne pas mettre celui-ci en place mais à choisir un homme qui ne fait rien de concret ou si peu, mais qui lâche des phrases jetées en pâture aux médias en présentant ensuite des excuses une fois sur deux.
Et cet homme, ce haut fonctionnaire bien français qui murmure à l’oreille du Président depuis plusieurs années ( quand l’impayable Karine Berger s’occupait de l’autre oreille) serait une « brillante personnalité »
🙂 🙂
@boulots Votre rectification à cette soupe tiède me convient. Comment peut-on dire que FH est un social démocrate alors qu’il a passé son temps à détruire le peu qui marchait. Je considère qu’il a été un marxiste convaincu comme son prédécesseur de 81. Mais les conditions furent différentes et le résultat catastrophique
Depuis 1945 ce n’est
(Suite) depuis 1945 ce n’est qu’une dégringolade dans tous les domaines. Nous avions 25% de communistes à cette époque. Ils ont laissé des traces indélébiles en pétrifiant un état en un squelette impuissant
Les textes de la sécurité sociale étaient merveilleux encore eût-il fallu les respecter ou adopter ce que voulait Pinay en 61 un franc de participation par moi. Réponse d’une doux dingue du gouvernement Mitterand, je ne suis pas là ministre des comptes
Nous avons eu ces monstres : P&T, SNCF, EDF … budgétivores à l’excès qui ont phagocyté au fur et à mesure les gains de tout un secteur privé
La France est à genou
Socialisme et libéralisme sont antinomiques. On considère toujours que les socialistes ont fait leur révolution de Bad Godesberg tacitement. Ce qui est faux. Ils ne se seraient jamais alliés au PC en 1981. Et, aujourd’hui, on voit bien qu’un Schroder ne pourrait pas en émerger. Un des rares socio-démocrates, le maire de Lyon,est à l’écart. Quant à Macron, c’est surtout un ventilateur, qui s’agite beaucoup pour quelques mesurettes qui iraient de soi même dans un régime social- démocrate.
Je ne vois aucun avenir pour le pays avec la gauche et à fortiori aucun espoir de liberalisme avec une politique concoctée par le PS.
j’espère fortement qu’en 2017, il y aura un président issu de LR et une majorité parlementaire qui soutiendra LR.
Car les réformes libérales viendront de LR
mdr encore un doux réveur au pays de bisouland 🙂