Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre
C’est l’ambitieux programme du rapport « Le travail emploi numérique : les nouvelles trajectoires », remis à Myriam El Khomri, la ministre du Travail de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, mercredi 6 janvier 2016. Le Cnnum a été chargé par la ministre d’une saisine au sujet du travail, de l’emploi et du numérique, afin d’expliciter l’impact de la révolution numérique sur les nouveaux métiers et les nouvelles compétences, mais aussi la conduite de la transformation numérique des entreprises. Quelles sont les pratiques numériques des services publics de l’emploi dans le monde ? Dans le rapport figurent également des propositions relatives à l’automatisation et la numérisation des activités et leur impact sur l’emploi. Pour nourrir ses réflexions, le groupe de travail piloté par Nathalie Andrieux s’est appuyé sur plusieurs échanges et auditions avec des experts, économistes, sociologues, juristes et fonctionnaires. Au fil des échanges, une question est récurrente : le numérique est-il une chance ou une menace pour le travail ?
Le numérique sera-t-il un créateur ou un destructeur d’emplois ?
Pour Nathalie Andrieux, il est important de dissocier l’emploi et le travail. « Sachant que nous dissocions de plus en plus la notion d’« emploi », répondant à un statut bien spécifique en entreprise de la notion de « travail » qui recouvre une réalité beaucoup plus large, nous avons essayé de mesurer l’impact du numérique sur l’emploi et le travail, en termes de créations et de destructions d’emploi, de nouveaux viviers ou au contraire de secteurs qui risqueraient de disparaître, etc. Nous avons eu beaucoup de mal à définir le contour et le périmètre du sujet. Mais nous l’assumons, avec deux partis pris : le premier c’est d’avoir une lecture « numérique » de ces thèmes et le second parti pris, c’est d’accepter l’incertitude », précise la directrice adjointe au numérique de La Poste. Et en effet, il existe plus d’une vingtaine de rapports sur le sujet, aboutissant le plus souvent à des conclusions divergentes.
Un terrain de questionnements : on ne peut pas dire pour l’heure si le numérique sera destructeur ou créateur d’emplois.
Le rapport du Cnnum a fait le choix d’afficher et d’assumer cette incertitude. Une variable qui ne dispense pas d’agir, de prendre date et d’ouvrir les réflexions sur le sujet. Le groupe de travail émet non seulement des avis, mais aussi des propositions plus concrètes, comme « l’hybridation des parcours ». « Nous n’allons plus faire le même métier tout au long de notre carrière. Il y aura forcément des missions différentes, des travaux différents. Et dans cette perspective, la formation initiale et la formation continue ne doivent plus s’opposer », affirme Nathalie Andrieux. Le rapport suggère aussi un rapprochement des niveaux d’exigence de la formation, initiale extrêmement efficace, à la formation continue. Accepter de nouveaux parcours, différents, plusieurs missions simultanées ou en série, mais aussi des périodes de flottement que l’on pourrait associer à des « phases de respiration ». C’est aussi cela, la révolution numérique. Voilà qui ne va pas faciliter la tâche du ministère, déjà en peine dans la simplification du Code du travail.
Du côté du contrat de travail, l’essor du travail indépendant et de l’économie collaborative a fait son œuvre : de la succession de missions, à la conduite de projets ponctuels, un nouveau modèle émerge et devrait se pérenniser.
Le rapport du Cnnum en voit déjà les contours : un contrat de missions courtes et un nouveau statut pour  les travailleurs indépendants au sein même de l’entreprise s’affinent. Et lorsque le rapport évoque « l’hybridation des parcours », il va plus loin, à travers une recommandation qui suggère d’attacher des droits à l’individu et non plus au statut au sein de l’entreprise. Un outil qui devrait permettre, à terme, de lever un certain nombre de freins. Un exemple concret : en CDI dans un groupe, je souhaite me lancer dans la création de ma propre entreprise. La prise de risques est réelle, notamment celle de la perte de revenu. Pire encore, je perds les droits que j’ai acquis au sein de cette même entreprise ; la « double peine » selon Benoit Thieulin, président du Cnnum. Mais si les droits sont attachés à une personne et non plus à son statut, cela permettrait de renforcer et de consolider d’autant plus l’expérience entrepreneuriale. Pour l’heure, le groupe de travail juge que les talents sont bridés, par manque de fluidité et de reconnaissance. L’enchaînement des missions et des projets doit être accompagné et facilité par un chargement des droits tout au long de la carrière, à l’intérieur, et en dehors de l’entreprise.
Des entreprises ont déjà testé l’expérience.
C’est le cas du groupe ENGIE qui encourage et mobilise ses employés pour se lancer dans l’aventure. Les projets de collaborateurs sont mis en incubateur, pour permettre aux salariés de conduire leur projet tout en restant salarié du groupe, ou alors de créer une entreprise dans laquelle Engie prend une participation en capital. Et si l’expérience n’est pas concluante, les employés peuvent réintégrer leur poste à temps plein. Une idée de plus en plus répandue au sein de l’entreprise, comme le rappelle Nathalie Andrieux « les entreprises encouragent leurs employés à innover. Je viens de La Poste où nous avions lancé le programme « 20 projets pour 2020 », pour accompagner et soutenir les salariés qui se sentaient l’âme d’un entrepreneur ». Pour l’heure, le statut du salarié dans l’entreprise manque de flexibilité.
Et si le « Compte personnel d’activité » – CPA était la solution pour consolider les droits sociaux des travailleurs de l’économie collaborative ?
Le CPA, « compte personnel d’activité »devrait voir le jour en 2017. Il regroupera les droits acquis par les salariés tout au long de leur carrière : formation, pénibilité, chômage, dans le but de sécuriser les parcours professionnels. Une sécurité qui fait cruellement défaut aux travailleurs indépendants que Nathalie Andrieux décrit comme des « indépendants dépendants ».
D’un point de vue légal, la « dépendance » découle d’un rapport de subordination juridique. Et si les travailleurs indépendants n’ont pas de subordination juridique, ils ont toutefois une subordination économique très forte. « On évoque souvent la situation des chauffeurs Uber, mais de manière plus générique, si internet et l’économie collaborative ont donné à l’individu un pouvoir économique, ils les ont aussi fragilisés. Préserver l’esprit d’entreprise, c’est aussi préserver l’individu. Internet a brisé un certain nombre de carcans, favorisant une liberté et une indépendance d’entreprise dont découle aussi une certaine précarité », souligne Nathalie Andrieux. Le rapport appelle aussi à mieux «encadrer les plateformes de l’économie collaborative», comme le préconisait déjà le projet de loi numérique, à travers des conditions d’utilisation et de rémunération plus claires et lisibles. Enfin, les recommandations du groupe de travail encouragent la France à «être leader» pour rendre plus «équitables» les règles fiscales internationales afin de lutter contre les détournements d’optimisation. De quoi inspirer le ministère du Travail qui peut déjà nourrir ses réflexions du récent rapport de Bruno Mettling « Transformation numérique et vie au travail », publié en septembre 2015.
Pour aller plus loin :
– « Le rapport du Conseil national du numérique “Travail, emploi, numérique – Les nouvelles trajectoires », Actualité de la formation.
– « Travail : accompagner la révolution numérique », Vie Publique.
– « Numérique et emploi: un nouveau rapport pour anticiper les mutations », La Croix.
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Lire sur Contrepoints notre dossier spécial économie numérique
Et les autres pays, ils se posent la question comment ?
Par rapport à mon expérience dans le privé puis dans un nouveau métier dans un nouveau pays, cet article reflète bien le retard de l’Etat Français dans la compréhension et l’intégration de choses qui se font depuis longtemps. Dès ma formation en école de commerce (1992-1995) bous aprenions la mobilité et le fait que nous ne ferions probablement pas le même métier toute notre vie. La question n’est plus de savoir si numérique est une chance ou pas; il faudra faire avec. Nous avons décidé avec mon épouse de nous lancer dan s le marketing de réseau. Ca démarre bien. Nous n’avons plus d’emploi mais (plein) de travail. Et nous pouvons le faire avec un ordinateur, une connection wifi partout dans le monde. Ce n’est pas fait pour tout le monde, et nous avons besoin « d’employés » en face de nous, mais ce travail nous apporte beaucoup de liberté et ça c’est particulièrement difficile à quantifier, mais notre demande est immense, c’est même elle qui nous a motiver à partir de France
« la conduite de la transformation numérique des entreprises. »
…
« appuyé sur plusieurs échanges et auditions avec des experts, économistes, sociologues, juristes et fonctionnaires. »
Les socialistes demeurent égaux à eux-mêmes : ce sont des brasseurs de vent ou des coupeurs de cheveux en quatre qui sont censés organiser les entreprises …
Et ça fonctionne ! Les entreprises deviennent chaque jour aussi inefficaces que l’administration.
Je pense que le numérique détruira beaucoup d’emploi (notamment des intermédiaires comme les comptables) mais en créera beaucoup d’autres. Des métiers qui n’existent pas encore comme Internet en a apporté (web designer…).
Bref, laissons les individus interagir entre eux librement.
Pour la rédaction : quand vous voulez parler « travail », cessez d’illustrer votre article avec la photo de El Khomhri.
Elle n’y connait rien et en plus comme tous les autres membres du gouvernement, elle n’a jamais travaillé.
si, elle a travaillé : quand elle était étudiante, en attendant la rentrée universitaire en octobre, elle a fait deux ans de suite les vendanges dans le bordelais pendant une semaine. c’est écrit à mots couverts dans son wiki.
Les commissions de prospective envisagent-elles la promotion des vendanges numériques, alors ?
La menace pour le travail, c’est qu’il y ait un « ministère de l’emploi ». Bien qu’on voie que ce ministère ne crée aucun emploi depuis au moins 30 ans, on ne se demande même plus qui diable a besoin d’un pareil ministère, on ne s’interroge même plus sur l’utilité de son existence.
Au lieu de ça, ces enfoirés ont réussi à implanter l’idée consternifiante que le capitalisme crée de la pauvreté, alors que c’est exactement l’inverse, et que les patrons détruisent les emplois, alors qu’ils les créent! Finalement, je me suis trompé: tous les communistes, socialistes, étatistes qui mènent la France depuis Pétain sont diaboliquement malins. Ce sont eux la menace!