Par Thierry Godefridi
C’est un curieux courrier qu’a envoyé le 28 janvier aux lecteurs de The Economist Simon Baptist, l’économiste en chef du magazine londonien reconnu à l’échelle mondiale pour la pertinence de ses analyses en matière économique. « La productivité est un concept délicat, commence-t-il. Il est jeté à la ronde avec désinvolture dans les cercles politiques, voire exhibé comme voie vers la prospérité future par des gouvernements. Mais qu’est-ce que c’est ? »
Est-ce une « mesure de notre ignorance » comme le prétendent, selon l’auteur, des économistes du milieu académique, dès lors que la productivité ne pourrait être définie uniquement en termes de rapport quantitatif de la production à l’accumulation du nombre de travailleurs et de capitaux mais qu’elle devrait aussi l’être en termes qualitatifs, difficilement mesurables, en particulier dans la nouvelle économie ?
Depuis la récession consécutive à la crise de 2008, la productivité (le rapport de la production aux moyens mis en œuvre) est au centre des préoccupations en Europe et elle le restera en raison du vieillissement de la population et du déclin concomitant de la main d’œuvre, conclut l’économiste du magazine éponyme avant d’inviter ses lecteurs à partager sur Twitter leurs suggestions quant à améliorer cette « inconnue connue » en Europe.
Depuis que les économistes ont manqué de prédire la précédente crise et la suivante (sauf bien sûr ceux qui ont prévu l’une ou auront prévu l’autre après qu’elles se soient produites), doutent-ils à ce point de leur science qu’ils en remettent les fondements en question et fassent appel au bon peuple pour les éclairer ?
À moins de lui préférer le BIB (Bonheur Intérieur Brut), comme Nicolas Sarkozy qui en croyait les Français investis au temps où il occupait le palais de l’Élysée, le Produit Intérieur Brut (PIB) reste l’agrégat le plus fiable pour mesurer la richesse des nations. Que l’on calcule le PIB sous l’angle de la production (valeurs ajoutées des agents économiques), sous celui des dépenses (consommation privée, investissements, dépenses publiques et solde du commerce extérieur), ou sous celui des revenus (rémunérations des salariés et excédents bruts d’exploitation), ces composantes du PIB permettent d’établir un rapport quantitatif entre la production d’un pays et les principaux facteurs mis en œuvre (r = P/F), de comparer la productivité dans le temps et à travers le monde, d’en tirer des conclusions, même en présence de corrélations entre les différents facteurs ainsi que de facteurs immatériels et de facteurs induits.
Ce sont ces corrélations et autres facteurs qui posent problème aux économistes du fait d’un manque de mesurabilité en rapport avec la production. Mais ici, le bon sens, dont la classe politique paraît, il est vrai, singulièrement dépourvue en matière microéconomique faute d’expérience en gestion d’entreprise et en création de richesse, devrait se substituer au confort de la précision mathématique.
Faut-il être victime d’une imagination fébrile pour comprendre que des facteurs immatériels tels que tout ce qui favorise la mobilité des personnes, des biens et des capitaux accroissent la productivité et qu’une hausse de cette dernière induit elle-même, à la faveur d’une baisse des coûts, une dynamique positive au niveau de l’investissement, de la compétitivité, de l’emploi (ainsi que des salaires et du pouvoir d’achat) et donc, d’une manière générale, de la demande et de la production ?
A contrario, tout ce qui freine cette mobilité (manque d’éducation, infrastructures défaillantes ou bloquées, insécurité physique ou juridique, système bancaire bancal, nuisances administratives, contrôles futiles et intempestifs, etc.) détériore la productivité et induit une spirale négative dont souffrent investissement, compétitivité, emploi, demande et offre (production).
La productivité constitue le pari volontariste de la libération des forces vives de l’économie. Elle est au cœur du projet européen (liberté de circulation) et à l’opposé de l’économie planifiée. Il convient ici de faire remarquer que la productivité profite aussi à l’État (hausse des revenus en raison de la hausse de l’activité économique, des bénéfices des entreprises et des salaires, et diminution des dépenses en raison de la baisse du chômage), là où l’interventionnisme économique de l’État, le repli sur soi et le recours aux dévaluations compétitives pour compenser le manque de productivité n’aboutissent qu’à appauvrir la nation toute entière et à renforcer le rôle cleptomane et castrateur de l’État.
Lire sur Contrepoints notre dossier spécial économie générale
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Le PIB est incalculable sérieusement ; c’est un indicateur totalement dépassé et ce n’est pas parce que tout el monde mesure avec un mètre qui ne fait que 97 centimètres que les conclusions sont bonnes.
Même l’IDH (Indice de Développement humain) n’est pas fiable.
Il n’y pas plus calculable que le PIB. Et c’est un indicateur, rien de plus, rien de moins : ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie économique, et encore moins de la vie en général, personne de sérieux n’a jamais prétendu qu’il l’était (il n’y a que des politiciens pour faire ça …). Par exemple l’agrégat PIB ne fait pas la différence entre une production consommée, une production stockée ou une production investie, il ne dit rien de l’usure du capital. Et il ne dit rien sur les bouchons sur les routes ou le mauvais entretien des voies SNCF ou l’évolution des conditions de logement.
Mais il n’a rien de dépassé, en tout cas pas pour les gens qui le proclame dépassé seulement parce qu’ils ne le comprennent pas, ou parce qu’il les dérange. Surtout pour ça, en fait : derrière les bonnes raisons affichées, il y a surtout la volonté de casser le thermomètre qui n’annonce pas les résultats escomptés
C’est quand même un peu plus compliqué que cela car la pertinence du PIB et de tout indicateur se fait sous la maxime « toutes choses égales par ailleurs ». Le PIB est un indicateur de mesure de la production dont le thermomètre repose sur les circuits monétaires légaux. A ce titre le travail d’une femme au foyer, d’un trafiquant de drogue ou d’une prostituée n’est pas intégré au PIB (en France).
En conséquence de quoi la pertinence des analyses sur l’évolution du PIB reposent sur l’hypothèse que, par exemple, le travail au noir ou les trafics en tous genres restent globalement stables.
oui, ça fait partie des limites connue du PIB, aussi.
Cela dit, quand on travaille chez soi pour soi, il n’est pas absurde compter qu’on a consommé des ressources (son propre temps, des produits ménagers, des produits alimentaires bruts qu’on a transformé en repas, etc.) pour une valeur comparable à celle de la production, pour un solde net nul.
le travail de prostitué reste légal en France. Et quand la prostitution est déguisée (« massage »), elle est comptée dans l’activité qui lui sert de couverture. Même chose pour toutes les activités « blanchies », et elle le sont toutes.
Reste le travail au noir, et plus généralement les marchés noirs. Leur existence est un indicateur de l’environnement légal, et si par exemple ils se développent au détriment du marché légal et du PIB, c’est intéressant à savoir, non ?
(sauf bien sûr ceux qui ont prévu l’une ou auront prévu l’autre après qu’elles se soient produites)
« Après qu’elles se furent produites » ou « Après qu’elles se sont produites »
Un indicatif après « après que » SVP.