Une interview par la rédaction de Contrepoints.
Une petite présentation ?
Je m’appelle Arthur, 50 ans, je suis marié et père de 2 enfants.
Ma femme et moi-même sommes de purs produits de l’école publique française à l’époque où elle était encore de qualité et pouvait efficacement servir d’ascenseur social à des provinciaux comme nous, de surcroît d’origine sociale modeste en ce qui concerne ma femme : nous avons tous deux intégré de prestigieuses grandes écoles parisiennes qui nous ont propulsés dans un autre univers que celui dans lequel nous avions grandi.
Quel est votre métier, quel a été votre parcours professionnel ?
Mon parcours professionnel est une suite d’expatriations successives, entrecoupées de quelques épisodes de retour en France.
Au total j’ai vécu et travaillé 8 ans en Allemagne (11 ans pour ma femme), 7 ans en France (surtout Paris, un peu en province au début), 6 ans à Londres et maintenant depuis bientôt 6 ans en Suisse.
Ingénieur de formation initiale (complétée plus tard par un MBA) je suis depuis bientôt 20 ans alternativement consultant ou cadre dirigeant dans la finance – et depuis 6 ans entrepreneur dans ce domaine : en effet, je possède et dirige des cabinets de conseil financier dans plusieurs pays européens (mais surtout pas en France !). Ma femme est enseignante-chercheuse, professeur des Universités.
Pourquoi vous être expatriés en Suisse ?
Nos premières expatriations avaient été motivées par la curiosité, l’envie de vivre des expériences professionnelles différentes et enrichissantes, de perfectionner notre pratique des langues (allemand, anglais).
Lors de chacun de nos retours en France nous avons été de plus en plus frappés par le déclin accéléré du pays, consternés par l’aveuglement et l’arrogance de ses prétendues « élites » et finalement carrément effrayés par les perspectives désastreuses de ce pays (« Il est foutu » comme écrit souvent l’un de nos chroniqueurs préférés, mais ce que j’avais d’abord pris comme une amusante boutade destinée à faire réagir le lecteur est en fait, j’en suis malheureusement désormais convaincu, à prendre au sens tout à fait littéral – je me sens un peu comme l’observateur impuissant d’une tragédie grecque antique où rien ne peut arrêter « la machine infernale qui est en route », comme disait Cocteau…).
Étant par ailleurs effarés par l’effondrement du système éducatif français en l’espace de seulement une génération, nous avons décidé d’offrir un meilleur avenir à nos enfants. C’est une des principales raisons pour laquelle nous avons quitté (cette fois sans doute définitivement) la France.
Évidemment, l’oppression fiscale, la « haine des riches » ou la jalousie à l’encontre de ceux qui réussissent n’y sont pas non plus étrangers – on peut nous coller l’étiquette d’« exilés fiscaux » si on veut, cela ne nous dérange nullement ; mais la vérité est pourtant plus complexe : nous nous considérons plutôt comme des « exilés sociétaux » dans un sens beaucoup plus large. La France d’aujourd’hui n’est plus ni le pays dans lequel nous avons grandi, ni celui dans lequel nous avons envie de vivre aujourd’hui ou dans lequel nous voudrions offrir à nos enfants de construire leur vie demain.
Pourquoi ce pays ?
La Suisse est un pays extraordinaire : neutre pendant les guerres depuis plus de 5 siècles, pas de crise économique malgré la récession mondiale et malgré une monnaie réévaluée de… 30 % ( !) depuis 10 ans (donc le contraire de ce que prescrivent les ânes keynésiens qui se prétendent experts en économie en France) ; le plein emploi, pas de chômage des jeunes, pas de déficit budgétaire et peu de dette publique, au premier rang mondial pour la compétitivité et pour l’innovation technologique, et parmi les premiers pays du monde pour la liberté économique comme pour la liberté civile ; des universités de tout premier rang dans la compétition mondiale… Ajoutez à cela une qualité de vie remarquable, des paysages magnifiques, des citoyens courtois et réfléchis, et vous comprendrez vite que c’est un vrai pays de Cocagne !
Sa performance économique et politique, la Suisse la doit notamment à : un système de démocratie de proximité (la commune est la clef de voûte de tout le système politique, et son exécutif est contrôlé de très près par les citoyens) ; l’usage immodéré de la démocratie directe (plus de 10 référendums par an en moyenne) ; un système éducatif performant faisant une large place à des apprentissages de qualité ; une société civile vibrante et qui responsabilise tous ses acteurs.
Ajoutons pour faire honte à la France que le pays est géré par un gouvernement limité à… 7 ministres seulement (président inclus !) et que les députés de l’Assemblée nationale exercent leur mandat sans aucune rémunération (ils conservent en parallèle leur activité professionnelle principale) !
Avez-vous eu des doutes, et comment les avez-vous gérés ?
Des doutes, jamais – mais des difficultés et des galères, évidemment, et pas qu’un peu : une expatriation nécessite toujours de se remettre en question, de changer ses habitudes, d’accepter une part de risques – et donc aussi d’assumer des difficultés, des déceptions ou des échecs.
Cependant, l’expatriation reste une expérience tellement passionnante et tellement enrichissante qu’il n’y a pas à hésiter une seconde avant de s’y lancer – surtout quand on voit à quoi on est promis si on reste en France…
Est-ce que vous vous sentez encore Français ? Pourquoi ?
Nous nous sentons toujours Français car nous demeurons les héritiers d’une France qui a disparu, de ses valeurs et de ses traits culturels que nous continuons à faire vivre ailleurs (« Rome n’est plus dans Rome » comme Marguerite Yourcenar fait dire à son Empereur Hadrien).
Mais nous ne nous sentons plus vraiment solidaires de ceux qui aujourd’hui mènent ce pays à la ruine (ni même de ceux qui continuent de voter pour ces gens-là élection après élection et de leur confier leur avenir). Nous ne resterons pas leurs otages – quitte à cesser pour ce faire d’être citoyens français, s’ils nous y obligent un jour.
En effet, si les politiciens français mettent à exécution leurs projets liberticides de taxer les Français de l’étranger alors nous demanderons la nationalité suisse et nous n’hésiterons pas à répudier notre nationalité française si c’est le prix qu’il faut payer pour conserver notre liberté.
Cela me ferait mal à mes ancêtres dont certains sont morts pour ce pays et d’autres lui ont consacré leur vie, mais s’il faut choisir entre vivre libre et rester citoyen français, nos valeurs… françaises, justement… font que le choix même déchirant sera vite fait – en faveur de la Liberté !
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J’ai aussi quitté la France pour la Suisse, sans regret.
En France, j’étais insulté, dénigré, méprisé.
En Suisse, je suis à ma place et je gagne ma vie comme je le devrais en France (rapporté au niveau de vie) et personne ne me le reproche.
En France, on me voulait esclave, en Suisse, j’ai redécouvert la liberté.
Tout a fait d accord, je me reconnais dans ces vues. J ai quitte la France en 1992 pour des raisons societales et je m en trouve fort bien. Je note toutefois que les franco francais franchouillards des categories protegees vivent « heureux comme Dieu en France »
Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis.
Sertorius (1662), III, 1, Sertorius
Pierre Corneille
Petite précision, les élus (conseil national et conseil des états) sont rémunérés. Certains sont même des poliliticiens « professionnels » (une minorité).
j’ai 55 ans , je suis française , j’ai toujours vécu en france , et j’aime mon pays ; je n’ai pas eu besoin de le quitter pour ressentir ce que dit arthur ; j’ai vu l’ambiance , la vie dans ce pays , se dégrader à tout les points de vue ;avant on l’appelait la » douce france » ; elle n’est plus …..ses dirigeants sont des fardeaux pour les citoyens ; leur incompétence , leur mépris à notre égard , leur aveuglement , leur autisme , leur soumission , tout ça plus le reste nous conduisent à notre perte ; les gens ont raison de partir , on ne peut pas leur en vouloir , bien au contraire ;
J’ai également quitté la France pour la Suisse, avec quelques regrets toutefois,
On a beau dire la vie d’expatrié, fait qu’on a toujours l’impression d’avoir laissé quelque chose derrière sois, du moins je le ressens ainsi.
Je ne devrais pas me plaindre : Je travaille dans un secteur motivant, je gagne bien mieux ma vie qu’en France, je vis à la campagne dans une belle ville.
Seulement voila : Il y a aussi une autre constante dans la vie en Suisse : L’ennui…
Quand un ami Suisse exprime devant moi sa crainte d’un attentat terroriste, je le rassure en lui rappelant qu’il y a tout de même peu de chance qu’un terroriste, même très moyen, ne commette un attentat dans une ville ou l’on ne trouve plus âme qui vive dans les rues après 18 heures !
Question posée par ma belle-mère chinoise lors de la visite d’un chef lieu d’arrondissement du sud du bassin parisien, un samedi de septembre à 18h30 : « mais ils sont où, les gens ? ».
Cette remarque n’est pas spécifique à la Suisse, je crois…
Tout à fait. En plus chez moi c’est le blitz, plus d’éclairage public après 22H. -)
Nous nous sentons toujours Français en ce que nous demeurons les héritiers d’une France qui a disparu, de ses valeurs et de ses traits culturels que nous continuons à faire vivre ailleurs (« Rome n’est plus dans Rome » comme Marguerite Yourcenar fait dire à son Empereur Hadrien). Vraiment très bien dit, j’adhèere .
Le parlement est en principe un parlement de milice et la plus part des élus on une activité professionnelle . Mais ils sont rémunérés pour leurs activité à Berne. Même si certains voudraient une professionnalisation totale de la politique, il y a peu de chances que cela soit validé par le peuple. L’exemple de nos voisins nous donnent de bons arguments pour refuser une telle proposition.
J’aurai bien aimé quitter la France la pour la Suisse, mais je l’ai quittée pour le Luxembourg. C’était un second choix mais pas si mauvais que ça. Ce qui me fait peur c’est que j’ai pas 35 ans et que je me reconnais dans les lignes écrites par un homme de 50 ans.
Quand on me parle de rentrer en France, ma réponse a tendance être « Quelle drôle d’idée. Mais pourquoi rentrer en France? Pour faire quoi? Entreprendre? laissez moi rire. Accélérer ma carrière? Avec quelle entreprise? Je fais dans le commerce international et plus particulièrement l’export hors UE: Est ce en France que je vais trouver des opportunités sachant que les pays bas exportent plus que la France en absolu (je ne parle même pas du relatif)?
H16 a raison, ce pays est foutu. Il faut se casser et surtout ne jamais revenir.
Je suis parti de France en 2003 pour la Thaïlande. Vous dire l’exacte raison est un peu difficile, un peu un mélange de tous les commentaires. En France j’avais l’impression d’être pris dans un étaux dont chaque année on resserre la vis, pas d’un coup mais petit à petit, jusqu’à vous écraser à la fin. A l’étranger personne ne vous attend et le chemin de la réussite est loin d’être un long fleuve tranquille. Pour l’instant je ne regrette rien, personne ne m’assiste mais personne ne m’exploite. Je paye pour tout ce que je consomme: école, santé, transport… mais j’ai le choix . Je ne pense pas que je rentrerai un jour vivre en France car je ne m’y sens plus chez moi. Quitte à être l’étranger autant l’être dans pays qui n’est pas le mien. Je suis désolé de ce que je vois quand je suis en visite en France mais que puis-je y faire?
Etant encore étudiant (moi aussi dans une Grande Ecole et voulant m’orienter dans la finance et peut-être, à terme, dans le consulting), je n’ai pas encore eu l’occasion de m’expatrier. Cependant cet article, plus que tous les autres publiés dans cette rubrique, exhibe toute la gamme des raisons que je me suis faites au cours des derniers dix-huit mois pour m’expatrier: de l’anodine volonté de perfectionner une langue à la gravissime sensation d’être un exilé de l’intérieur, dans une patrie ou la haine de la réussite et de l’ambition (en même temps qu’un fort tabou lié à l’échec) sont si fortement ancrées dans notre culture qu’il est difficile de ne pas en voir l’ombre planer sur la majorité des débats politiques et économiques, les abaissant à des abîmes de ridicules.
Difficile de prendre une telle décision, d’autant plus que mon père avait lui-même émigré (d’Italie) il y a cinquante ans pour se donner de nouvelles opportunités. De ce point de vue-là, dans un contexte de Trente Glorieuses finissantes, il a réussi. Mais dans un pays incapable de se réformer, depuis bientôt cinquante ans!, et avec la classe et la vie politiques les plus stupides du monde occidental (exception faite de la Grèce), il ne me reste plus qu’à faire de même.
Après 5ans passés en Suisse,bien payé avec des horaires raisonnables,mais loin de mes proches, je suis rentré tenter ma chance en France,en Province… 4 ans de galère dont 2 de chomage. La France fonctionne en vase clos donc le retour est forcément difficile. On doit tout reprendre à zéro et les postes ouverts sont rares…mieux vaut avoir de bonnes connexions et un plan solide.
Me voilà donc de retour en Suisse. Assez amer de mon échec mais je ne crache pas sur la France comme beaucoup ici. Pas nostalgique des années de grandeur passée de la France. Simplement reconnaissant d’avoir la chance d’être de nouveau accueilli dans ce beau pays… qui a aussi ses problèmes et ses limites.
Haut Savoyard et voisin de la Suisse, je dois dire que c’est toujours un plaisir de faire des virées touristiques dans ce pays merveilleux et accueillantqu’est la Suisse ! J’ai aussi connu des expatriations dans des pays exotiques mais pour moi ma province et la Suisse voisine font un, ayant un passé et une culture communs ! Vive la Suisse et vive la Haute Savoie !
J’ai 35 ans, je suis en Suisse (partie alémanique) depuis 11ans, et comme pour l’auteur de l’article, je n’ai aucunement envie de retourner en France, et si la France se met à taxer les français de l’étranger, je ferais les démarches pour devenir suisse.