Par Olivier Myard
L’information a fait le buzz sur les réseaux sociaux : « le plan d’urgence contre le chômage » du gouvernement est la photocopie du « plan Barre » de 1976. Ceux qui l’ont conçu à l’époque sont très certainement désormais à la retraite (même si les hauts fonctionnaires bénéficient de privilèges leur permettant de jouer les prolongations dans certains cas au-delà de 67 ans…).
Leurs lointains successeurs auraient donc soit retrouvé le dossier d’origine (en version papier forcément, ce qui serait un exploit, au fin fond des archives), soit, par je ne sais quel phénomène étrange de transmission de pensée à travers les décennies, auraient reproduit, à une mesure près, le même dispositif.
Le plus vraisemblable est beaucoup plus simple. Les fonctionnaires qui rédigent les notes pour les ministres ont toujours les mêmes croyances. À tout problème :
- un dispositif public (complexe, forcément complexe, ça donne l’air intelligent), qui s’ajoute au passage aux multiples strates précédentes,
- de l’argent public (tel les médecins de Molière, qui saignaient à répétition le malade et s’étonnaient qu’il aille de plus en plus mal, on dépense toujours plus de deniers publics, et on s’étonne que la situation économique et sociale ne s’améliore pas !) et
- un suivi (évaluation des politiques publiques).
C’est tout bénéfice.
De l’emploi… surtout pour certains !
Les politiques montrent qu’ils ne sont pas passifs face aux problèmes (même si leurs initiatives précédentes ont contribué à les créer et/ou à les aggraver). Cela assure aussi du travail aux fonctionnaires, chargés d’abord d’en élaborer les grandes lignes, puis les textes d’application, ensuite d’en contrôler la mise en oeuvre, et enfin d’évaluer le dispositif.
Plus c’est complexe, plus il faut vérifier, surtout s’il y a des primes à la clé, comme pour la mesure 2 (« Soutenir l’embauche »). Sinon, c’est bien connu, il y aura des effets d’aubaine, les chefs d’entreprise étant tous des chasseurs de prime plus que des développeurs d’affaires !
Mais aussi, plus c’est complexe, plus il y a d’acteurs impliqués, comme pour la mesure 3 (« Former deux fois plus de demandeurs d’emploi en 2016 »), plus il faut coordonner. Donc là aussi, les fonctionnaires ne risquent pas l’oisiveté. Ira-t-on même nous expliquer qu’ils ne sont pas assez nombreux, et qu’il faut recruter ?
Certes, les mesures 4 (« Élargir l’offre de formation de l’apprentissage ») et 5 (« Mieux adapter l’apprentissage aux réalités ») paraissent enfin frappées au coin du bon sens. Mais quelque chose m’échappe. Depuis 30 ans, on vante le modèle allemand de l’apprentissage, si vertueux. Depuis le temps, j’étais persuadé que nos gouvernements successifs avaient pu construire un plan solide, cohérent et efficace. J’ai dû manquer quelque chose. Et je me demande comment, si toutes les tentatives passées ont échoué, cette fois-ci ça va marcher.
Demi-tour…
Mais ne soyons pas injustes. Saluons quand même les mesures 6 (« Lever les freins à l’entrepreneuriat ») et surtout 1 (introduction d’un plafonnement des indemnités de licenciement).
Pour ce qui concerne la mesure 6, on se demande quand même pourquoi le gouvernement a fait le contraire au début du quinquennat en multipliant les initiatives contrariant l’entrepreneuriat, et maintenant se donne des airs modernes en découvrant que ce sont les entreprises qui créent l’emploi. Mais au moins, tout cela aura donné du travail aux agents publics, d’abord pour faire, et ensuite pour défaire.
Enfin, la mesure 1 est presque révolutionnaire. Mais d’une part, de nombreuses exceptions ont été prévues (les fameuses « atteintes graves au droit du travail »), ce qui permettra toujours à certains plaideurs de contester le motif de licenciement — et là où le chef d’entreprise pensait pouvoir provisionner un coût connu, il pourrait avoir une mauvaise surprise. Et d’autre part, la mesure paraît si osée à de nombreux soutiens de la majorité actuelle qu’il est bien possible qu’elle finisse à la trappe.
On a beaucoup ironisé sur un plan qui vise surtout à garantir l’emploi du président sortant en 2017. Toutes les idées qui circulaient, reconnues comme vraiment efficaces (transfert des charges sociales sur la TVA, contrat unique, dynamitage des seuils sociaux, consolidation ambitieuse du statut d’auto-entrepreneur, etc.) sont absentes. On peut donc être dubitatif sur les effets réels de ce programme. Mais au moins il assurera, comme la plupart des mesures gouvernementales, un plan de charge pour les fonctionnaires. La baisse des impôts financée par des économies de dépenses publiques n’est pas pour demain.
Alors que les acteurs privés ont déjà vu tout le profit qu’ils pouvaient tirer de la généralisation du processus d’uberisation et du développement des plateformes internet qui mettent en contact vendeurs et acheteurs de prestations, et que nous vivons un contre-choc pétrolier, la puissance publique ressort un plan conçu au lendemain du premier choc pétrolier. Nouvelle illustration d’un système à bout de souffle.
Lorsque les élites trahissent, par incompétence ou par avidité, leur mission, les peuples changent d’élites.
- En savoir plus sur le plan pour l’emploi.
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Depuis quand faut-il générer du travail pour créer des emplois de fonctionnaires ?
La réponse est contenue dans la question ….
En socialie, c’est comme cela que ça marche ! et de toute façon cela ne coute rien, puisque c’est l’Etat qui paie.
D’accord. Mais il n’y a pas que les élites politiques, il y a aussi la technostructure qui elle reste. Et pense toujours selon les mêmes référentiels énarques et dirigistes.
@Gordion, Bonjour
IL ne vous a pas échappé que les élites politiques et la technostructure constituaient
un même groupe, où la société civile n’a guère de place…