Et si l’or de Singapour était son argile ?

Singapour veut se lancer dans les constructions souterraines et s’intéresse à son argile, un matériau inestimable qui pourrait remplacer le béton.

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Singapour crédits DuRhumDesfemmes (CC BY-NC-ND 2.0)

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Et si l’or de Singapour était son argile ?

Publié le 24 février 2016
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Par Idriss J. Aberkane 
Un article de Trop Libre

Singapour crédits DuRhumDesfemmes (CC BY-NC-ND 2.0)
Singapour crédits DuRhumDesfemmes (CC BY-NC-ND 2.0)

La cité État au cœur de l’ASEAN, l’ultra-dynamique association des nations de l’Asie du Sud-Est, ne sait plus trop où donner de l’immeuble (lire notre présentation de ce singulier pays ici). La poldérisation lui a permis de gagner assez de terrain, mais cette forme d’urbanisme semble avoir atteint ses limites. Singapour songe à présent à la construction souterraine, et s’intéresse à l’une de ses richesses inexploitées : l’argile.

L’argile est une ressource largement sous-employée. Dès 1988 pourtant, les laboratoires Toyota Central R&D mettent au point un nanocomposite à renfort d’argile. Sa valeur industrielle est indéniable : plastique, élastique, ignifuge, biodégradable, etc. D’un point de vue historique, l’argile est très comparable à la soie : une ressource extraordinairement précieuse, à laquelle nous devons une large part de l’histoire de nos civilisations, et que nous redécouvrons aujourd’hui pour une nouvelle gamme d’applications insoupçonnées. L’argile est comme la soie, cet « ancien matériau du futur », selon l’expression de Fiorenzo Omenetto, professeur à l’université Tufts et expert du sujet.

Si l’argile a longtemps accompagné nos sculptures, nos vases, nos briques, nos céramiques, nos canaux et nos enduits, elle entre naturellement dans la composition du « superadobe », une méthode de construction qui réinvente la technique ancienne de la terre stabilisée, l’adobe. Inventé par l’architecte californien d’origine iranienne Nader Khalili, le « superadobe » est à la fois rustique, ingénieux et futuriste. Des sacs de polyéthylène tressés sont emplis de terre argileuse, puis tassés et empilés comme pour former un abri en sacs de sable. Entre chaque couche est placée une double ligne de fil de fer barbelé, pour un effet « velcro » qui augmente considérablement la résistance à la tension du matériau, le point faible traditionnel de la terre stabilisée.

Isolant et flexible

Si un béton n’est jamais qu’un mélange de ciment, de sable et de gravier, un béton de terre substitue le liant hydraulique par de l’argile. Or dans certaines conditions, l’argile est bien plus performante que le ciment. Le béton de terre est encore largement sous-employé comme matériau de construction dans le monde bien qu’il soit isolant et apporte de la chaleur, et qu’il possède toutes les propriétés pour construire aussi bien des ouvrages d’art que des immeubles de grande hauteur, tout en laissant à l’architecte et à l’ingénieur une flexibilité créative comparable voire supérieure au béton. La Cité des sciences et de l’industrie lui a consacré il y a quelques années une exposition « Ma terre première », et il existe un laboratoire sur le sujet à Grenoble, le CRAterre, devenu référence mondiale. Singapour ferait bien de le consulter quand elle extraira des millions de mètres cubes de terre argileuse de son sous-sol.

Pour l’heure, les gisements sabliers s’épuisent partout dans le monde et le coût énergétique du béton est de plus en plus préoccupant, en particulier en Chine, le pays le plus assoiffé d’énergie au monde. Après les terminaux sabliers donc, Singapour serait bien inspirée d’explorer un « terminal argilier », car sitôt qu’un bâtiment de grande hauteur emblématique aura été réalisé en béton de terre, la demande mondiale augmentera forcément. Quiconque détiendra de l’argile sur son territoire la déclarera ressource nationale. Au-delà de Singapour, peut-être donc aussi une opportunité économique pour le Sahel…

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