On le sait : il faut, partout dans le monde, beaucoup de sueur, d’abnégation, de courage et de persévérance pour créer et faire vivre une entreprise. En France, les obstacles administratifs, économiques ou sociaux rendent la tâche encore plus ardue, ce qui explique un taux de chômage structurel élevé. En revanche, partout dans le monde, foirer une entreprise est assez simple et en France, ça l’est encore plus puisqu’il suffit de faire intervenir l’État, les syndicats ou la justice.
L’affaire qui nous occupe aujourd’hui se déroule au sein de la société Desseilles, qui, bien qu’un des fleurons de la dentelle de Calais, n’en est pas moins en difficultés. Elle est même en liquidation judiciaire avec quelques jours de sursis, suite au jugement du tribunal administratif de Lille tombé en décembre, qui ordonne la réintégration de cinq syndicalistes licenciés en 2013 : l’entreprise doit à présent payer les deux ans et demi de salaires non versés pour chacun d’entre eux, ainsi que les indemnités prud’homales qu’ils vont demander pour les dommages et intérêts, soit entre 700.000 et un million d’euros, qui ne sont évidemment pas disponibles dans la trésorerie de l’entreprise.
Le hic, c’est que les syndicalistes licenciés l’ont pourtant été dans un cadre bien spécifique, celui du licenciement économique, validé par l’inspection du travail ainsi que la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et le ministère du Travail, et ce, malgré les recours des licenciés.
Heureusement, la conjonction d’un syndicalisme utile et bien compris avec une justice taillée au cordeau par le tribunal administratif va donner à l’affaire un tour croustillant en imposant donc la réintégration des salariés, au motif que l’entreprise aurait dû proposer des reclassements en interne à ces salariés. Un reclassement interne dans une entreprise qui calanche, c’est croquignolet, on l’admettra.
Quant à la réintégration, selon toute vraisemblance, elle fera fermer l’entreprise complètement, entraînant ainsi la transformation d’une poignée de licenciements économiques par une faillite complète avec 74 nouveaux chômeurs à la clé. Réintégration qui, de surcroît, n’est souhaitée par aucun des salariés actuels de l’entreprise, qui comptent pourtant des délégués syndicaux des autres centrales, et ont même monté un collectif pour que les licenciés ne soient pas réintégrés, et qui soutiennent la direction.
Seul un appel de la décision au tribunal permettra, s’il passe, de sauver les meubles et de permettre à un repreneur chinois de rattraper l’entreprise en difficulté. Mais si l’appel est rejeté, le repreneur a déjà fait savoir qu’il n’irait pas plus loin.
Belle affaire, ne trouvez-vous pas ?
En tout cas, tout y est réuni pour déclencher une tempête de facepalms violents.
Tout d’abord, sur le plan philosophique, on pourra se demander à quoi sert la multiplication des instances validant un licenciement, fut-il économique. En effet, même si l’inspection du travail, la DIRECCTE et le ministère lui-même semblaient d’accord sur le principe, il n’aura suffi que d’une petite décision de justice pour remettre en cause toute leur belle assurance. Les entreprises et, de façon plus générale, la société française y gagneraient si on pouvait se passer de leurs services compte tenu des résultats observés ; autant aller au procès directement, ce qui évitera d’occuper bêtement le temps des directions, inspections et autres encombrants ministères.
D’autre part, cette affaire prouve encore une fois la difficulté même de rompre un contrat de travail, notamment pour des syndicalistes, et même dans le cadre pourtant extrêmement balisé d’un licenciement économique. En outre, cette difficulté entraîne assez directement des conséquences néfastes imprévues et catastrophiques. Ici, très concrètement, cette surprotection des salariés va directement aboutir à multiplier par près de 15 les dégâts des 5 licenciements initiaux pour les transformer en 74. Certes, les syndicats ont clairement eu leur rôle à jouer dans cette consternante démonstration de force obtuse, mais à ce point de la réflexion, on en vient à se demander chafouinesquement si ces lois ne sont pas justement écrites pour donner in fine un pouvoir immense à des irresponsables trop heureux de résister encore et toujours contre le méchant patronat, quitte à tuer tout emploi autour d’eux…
Enfin, on devra noter l’incroyable incohérence de la protection sociale française que le monde nous envierait tant, qui oscille ici entre l’incohérence la plus crasse et l’hypocrisie la plus débridée.
Car c’est bien d’incohérence et d’hypocrisie dont on doit parler ici lorsque d’un côté, on se barbouille gentiment du collectif et qu’on prétend chercher le bien commun, et que de l’autre, on bousille consciencieusement le moyen d’existence de salariés qui sont très heureux de leur condition.
En somme, on détruit le bien commun et ce lien social du travail dont les syndicalistes, les inspecteurs du travail, les juges administratifs, les ministres et tant d’autres acteurs se gargarisent à longueur de journée, sur les plateaux télé et dans les plus palpitants articles de presse, et on le fait au profit de personnes qui ont largement démontré leur toxicité au point de déclencher chez les autres salariés le besoin de vouloir se protéger d’eux (ici, en créant un collectif pour éviter leur réintégration).
Oh, j’entends bien les arguments dégoulinant de duplicité de ceux qui viendront, droits comme des I et la main sur cœur, prêts à jurer de leur rectitude morale, nous expliquer que le tribunal n’a fait ici que respecter la Loi, toute la Loi, rien que la Loi et qu’elle ne permet pas, aveugle qu’elle est, la moindre interprétation. C’est trop chou.
Mais voilà : ici, la justice (administrative) est devenue complètement autiste, rejetant l’esprit de la loi, le bon sens et la recherche du moindre mal au profit d’une application stricte, rigide même, de textes impénétrables dont elle entend rester la seule à pouvoir faire l’interprétation. Elle n’est plus que l’expression d’une forme de jusqu’au-boutisme, ne cherchant pas, comme jadis Saint Louis sous son chêne, à équilibrer les sentences, mais à rendre un verdict qui soit conforme à l’idéologie qu’elle entend promouvoir ainsi, cette idéologie qui commande que le patron est un fourbe, que le travail aliène, et qu’il faut donc lutter, par tous les moyens, pour libérer les travailleurs et asservir les patrons.
En revanche, cela ne choquera personne que la même justice, aux mains d’autres tribunaux, voire aux mains de nos parangons de moralité, n’aura aucun mal à passer outre les petits écarts des uns ou des autres s’ils sont dans le Camp du Bien, élus ou syndiqués. Cette même justice saura se montrer accommodante ou vraiment très aveugle lorsqu’il faudra oublier certains comportements.
Et là où chaque article de chaque livre de loi sera épluché pour n’en oublier aucune subtilité s’il s’agit de faire rendre gorge à un salaud-de-patron, la loi deviendra un maquis d’interprétations et de latitudes généreuses lorsqu’il s’agira de juger l’un ou l’autre privilégié de la République, l’enfant sacré du syndicalisme, ou le socialement proche victime d’une trop méchante société.
Le sort de cette fabrique de lingerie calaisienne apparaît aussi sombre qu’incertain. Mais une chose est sûre : si elle disparaît définitivement, les syndicats et le tribunal administratif pourront se vanter d’y avoir grandement contribué. Dans un pays ou près de 5 millions de personnes se battent pour trouver un travail, c’est toujours bon à savoir.
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Sur le web
Ces syndicalistes et la justice ne font pas dans la DENTELLE !
En Russie, on ne peut licencier du personnel… Héritage du communisme ❓ Les russes ne doivent pas être dépaysés quand ils voyagent en France.
La France, pays en voie de disparition des nations avancées. C’est triste.
Pourtant ça n’empêche pas le taux de chômage russe d’augmenter, et ça n’empêche pas du tout les licenciements puisque des entreprises comme Avtovaz licencient, n’ayant pas le choix.
Avtovaz a peut-être ses entrées au Kremlin, ce qui explique beaucoup de choses…
Les lois russes et françaises sont certainement très proches.
En effet. D’ailleurs la part de l’emploi public dans l’emploi total en Russie est au même niveau qu’en France.
D’ailleurs interdire les licenciements est ridicule puisqu’une entreprise qui ne peut se restructurer finira par couler et ce n’est pas quelques employés qui partiront mais tous..On voit ça au Venezuela.
état , syndicat , justice ……le beau trio que voilà , responsable en grande partie du chomage mais aussi de la mise au rebut de gens courageux , les entrepreneurs , dont je doute fort qu’ils aient envie de réitérer leur expérience , du moins en france ; à croire que dans ce pays , c’est à qui fera le mieux remonter le chomage …..démoralisant ;
En tout cas grand merci à Contrepoints pour nous faire partager ce genre d’histoires qu’on ne voit nulle part ailleurs, du bon journalisme.
A noter tout de même que si des Chinois reprennent l’entreprise ce sera sans doute avec moins d’employés, des salariés seront punis dans tous les cas.
5 gus qui provoquent la perte de 74 autres, c’est anormal ! Pire : c’est à Calais, une ville qui souffre déjà beaucoup !
il y a eu un tout petit topo dessus sur FR3 il y a quelques jours, pas très incisif mais suffisamment détaillé pour comprendre que 74 personnes risquaient de perdre leur emploi à cause de 5 pignoufs qui se la jouaient lutte des classes
Les syndicats n’ont jamais fait dans la dentelle, ce n’est pas maintenant que cela va commencer.
Leur idéal: l’emploi garanti financé par le contribuable… Ce ne sont pas les élus qui vont les contredire… ni même des juges.
Quand les franchouillards auront compris que faciliter le licenciement, c’est faciliter l’embauche et donc réduire considérablement le chômage…
vous n’y êtes pas, faciliter les licenciements c’est faciliter la vie des salauds de patrons qui pourront s’en mettre encore plus plein les poches en virant un salarié expérimenté qui lui coûte cher pour le remplacer par un salarié sans compétence et à former, mais pas cher. Parce-que c’est bien connu, un salaud de patron, c’est comme ça que ça réfléchit, quand on fume un gros cigare à longueur de temps on peut pas penser comme le mec de base obligé de se palucher des gauloises !
Mais non, Il fallait écouter clémentine Autain sur France Sphincters ce matin! Elle a très bien expliqué que les patrons ne prennent pas en compte la possibilité de licencier pour embaucher. les petits patrons qui sont gentils quand même parce qu’ils ne sont pas riches mettent en danger leur entreprise en embauchant des gens dont ils ne pourront plus jamais se défaire quand l’entreprise a un coup de bourre. C’est bien connu. D’après Clémentine Autain qui n’a jamais bossé dans le privé mais connait très bien les patrons, les grand patrons du CAC40 (gros mot) comme celui de carrefour sont super contents quand ils peuvent licencier parce que ca leur permet de faire monter leur rentabilité et de distribuer des dividendes aux méchants actionnaires (actionnaire=caca pour clémentine hautaine). Les patrons de grandes entreprises c’est un peu comme Eichmann pour Clémentine hauteconne.
arf, oui, je suis tombé là dessus tout à l’heure, affligeant voire effrayant. Et sur France-Inter (nationale sera le genre humain) c’est 7 sur 7, 24 sur 24 qu’on bouffe cette propagande
En même temps si vous aimez vous faire du mal en écoutant ces gens :p
En même temps, écouter radio bolcho, faut vouloir se faire du mal. C’est comme sortir nu comme un ver (déconseillé pour raisons diverses et variées) et se plaindre le lendemain qu’on a pris un coup de froid.
En ce moment Radio France, c’est la centrale de l’Internationale, le dernier bastion soviet, diantre, le kolkhoze de la contribution journaliste©, pour vous délivrer du Potemkine en barres.
bah c’est toujours utile d’écouter ce qui se dit « en face » et puis plus bêtement, mon auto-radio est naze: plus de CDs et ce foutu truc reste bloqué sur France-Inter en permanence, impossible de caler sur autre chose et comme je fais un peu de route, ben, ça me tient éveillé 🙂
Entre 140 et 200 mille euros par licencié de » retraite chapeau » ——–avec toutes mes excuses , je voulais écrire indemnités prudhommales
les syndicats ou comment détruire l’entreprise française. Après cela il ne faut pas s’étonner si les entrepreneurs, investisseurs vont voir ailleurs pour créer leur entreprise.
Sans remettre en cause le fond de l’affaire, j’ai un problème avec la procédure telle qu’elle est rapportée.
Après consultation du lien, il est effectivement fait référence à un jugement du Tribunal Administratif (TA)
Euh, le TA n’est pas compétent en matière de licenciement … surtout quand l’entreprise est une société de droit privé.
Seul le conseil des prud’hommes, la Cour d’appel chambre sociale, la Cour de Cassation chambre sociale le sont …
Le TGI (Tribunal de grande instance) est compétent, sauf erreur, pour apprécier la régularité du plan social.
Evidemment, autant d’intervenants à propos d’un problème qui nécessite en principe rapidité et pragmatisme pour pouvoir espérer sauver quelque chose ne peut que nuire au résultat final … forcément catastrophique !
Il n’y a pas que les syndicats ! Lisez cet article révélateur sur la loi Travail :
‘AG à Paris 8 : «Il faut faire peur aux bourgeois !»
Quelques 250 étudiants ont voté la grève ce mardi 8 mars contre la loi El Khomri lors d’une assemblée générale à l’université Paris-VIII à Saint-Denis dans le nord de Paris.’
http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/ag-a-paris-8-il-faut-faire-peur-aux-bourgeois-19465/
Cette partie m’a fait marrer : ‘Un jeune barbu affirme qu’il «faut faire peur au bourgeois, au gouvernement. Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu?» lance-t-il, citant «Nique ta mère». ‘
Je suis étudiant et je ne me reconnait pas du tout parmi ces clowns, mais ils sont majoritaires et ça se sent…Dire que certains d’entre eux finiront ministres ou auront un poste influent dans la fonction publique, les dirigeants de demain en action ! :p
Les syndicats français contribuent non seulement au chômage mais aussi aux bas salaires et à la pauvreté.
triste et pitoyable , des cas comme celui ci ils sont nombreux et pire je dirais fréquents.
Nombre Tpe arrete , ferme avant même ce genre d’événement, après il y a aussi des dirigeant voyous mais dans tous les cas si il y avait du boulot ces dirigeants ne trouveraient pas d’employés.
Triste France, ou le pouvoir du travail du dépassement de soi même à été dilapidé dans une bureaucratie soviétique bolchévique qui entend instauré la prochaine dictature national du socialisme.
Prêtons l’oreille quelque seconde sur la gauche a l’heure de la lois El Kommry, c’est tous juste affligent ou on voit apparaitre les courants politique d’un autre temps resurgir .
Bienvenue dans le 21eme siecle avec des règles du 20 eme ca va forcement bien se passer….
Interdire les licenciements seraient comme interdire le divorce…..Plus personne ne se marierait.
Cette lamentable histoire a été rapportée par la Voix du Nord et par le Monde, apparemment sans émouvoir les foules. Elle est absolument emblématique des effets non seulement pervers mais inadmissibles du Code du travail — et de la façon ignoble dont certains usent de ses dispositions. Je devrais dire « abusent », mais la loi est pour eux. Des avocats vivent de ça. Honte à celui qui aura fait gagner 3 salariés contre 74.