Crise des migrants : la Turquie arbitre du droit d’asile en Europe !

La Turquie, grande arbitre des flux migratoires vers l’Europe dans la crise des migrants.

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Erdogan, Europe, Turkey, Bosphorus bridge crédits Patrick Muller (CC BY-NC-ND 2.0)

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Crise des migrants : la Turquie arbitre du droit d’asile en Europe !

Publié le 10 mars 2016
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Par Éric Verhaeghe

Erdogan, Europe, Turkey, Bosphorus bridge crédits Patrick Muller (CC BY-NC-ND 2.0)
Erdogan, Europe, Turkey, Bosphorus bridge crédits Patrick Muller (CC BY-NC-ND 2.0)

Le sommet du 6 mars entre la Turquie et l’Union Européenne a donné lieu à des commentaires mitigés dans les médias. Aucun d’entre eux n’a toutefois voulu (ou osé) mettre les pieds dans le plat : l’objectif du sommet n’est certainement pas d’abandonner le droit d’asile, mais bien d’en confier de fait la gestion à la Turquie, dans des conditions qui ressemblent plus à un noeud coulant qu’à un plan de résolution.

La Turquie et la contrainte allemande

Des élections régionales ont lieu dimanche en Allemagne. Pour Angela Merkel, l’épreuve est cruciale : une percée de l’AFD (Alternative Für Deutschland) enverrait un très mauvais signal pour sa crédibilité personnelle. Elle prouverait en effet que la politique migratoire qu’elle porte depuis plusieurs mois ne fait pas consensus, bien au contraire.

Pour éviter un affaiblissement sur sa scène intérieure, Angela Merkel a donc besoin d’une perspective à très court terme à offrir à son opinion publique. Elle a, pour cette raison, brusqué une fois de plus ses alliés européens en cherchant à leur imposer un plan qu’elle avait négocié dimanche soir avec Davutoglu et Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais qui assume la présidence de l’Union.

Ni Donald Tusk ni Jean-Claude Juncker n’ont été associés aux discussions. Ni la France, bien entendu.

Merkel tente de mettre la Turquie au pas

La veille du sommet, Angela Merkel a obtenu une autre concession de la part de la Turquie : son accord pour le lancement d’une mission de l’OTAN dans ses eaux territoriales. Jusqu’ici, la Turquie refusait en effet de laisser les bateaux de l’OTAN patrouiller le long de ses côtes pour arraisonner les embarcations de migrants. Dimanche, ce verrou a sauté. Personne ne sait évidemment pour combien de temps. Mais, formellement, la Turquie donne à l’OTAN les moyens d’entraver le trafic des migrants.

Le silence de l’Europe sur les violations des Droits de l’Homme en Turquie 

Dans ce contexte tendu, le sommet a donné lieu à un étrange marchandage avec la Turquie. Les Européens se sont bien gardés de dire à Erdogan tout le mal qu’ils auraient pu penser de la confiscation de fait du journal d’opposition Zaman trois jours avant le sommet. Ils ont aussi passé sous silence le martyr kurde dans le sud du pays. Ils n’ont eu d’yeux que pour la capacité d’Erdogan à bloquer les migrants sur son sol ou, à défaut, à les reprendre lorsqu’ils arrivent en Grèce.

Personne ne s’est évidemment senti obligé de rappeler que ce projet était au cœur de l’accord bilatéral entre la Grèce et la Turquie, signé en… novembre 2015, et que la Turquie n’a jamais mis en œuvre. C’est dans les vieux pots qu’on chante les meilleures rengaines.

L’enjeu du sommet était, de toute façon, de servir un alibi à Merkel avant le scrutin de dimanche. Que cet alibi soit sérieux ou sincère importe peu.

La France résiste à la pression allemande

Le passage en force voulu par Merkel a provoqué des réactions très différentes parmi les États membres de l’Union. La France, en particulier, dont le Président s’était livré, avant le sommet, à un éloge de la coopération avec la Turquie, ne s’est pas facilement rendue à l’idée d’une ouverture des frontières de l’Union aux citoyens turcs. C’est pourtant la principale demande d’Erdogan, qui aimerait voir les visas disparaître vers l’Union pour ses électeurs.

De leur côté, les pays d’Europe orientale ont assez peu prisé l’idée de devoir accueillir des réfugiés actuellement installés en Turquie, en échange de ceux que la Turquie accepterait de reprendre.

La Turquie, grande arbitre des flux migratoires vers l’Europe

L’enjeu de cet accord est pourtant bien là. Il ne vise pas à supprimer les flux migratoires vers l’Europe. Il vise juste à échanger un migrant qui va en Grèce avec un passeur contre un migrant installé dans un camp en Turquie. Cette duperie est présentée par l’Allemagne et quelques autres comme une façon intelligente de briser le commerce honteux des passeurs : partir en Europe avec ces derniers condamnerait à revenir en Turquie, alors que rester en Turquie permettrait de partir en Europe.

Beaucoup de journalistes français semblent s’être satisfaits de cette présentation propagandiste qui repose sur de purs sophismes. Dès lors que le flux de clandestins se tarit, la Turquie doit en effet conserver ses réfugiés. Mécaniquement, la Turquie n’a donc aucun intérêt à le mettre en œuvre loyalement. Elle a d’ailleurs bien pris garde à ne pas le faire depuis novembre.

En revanche, l’accord acte officiellement que l’Europe fait confiance à la Turquie pour gérer à sa place ses flux migratoires. Cette confiance paraît totalement absurde et a tout de la corde qui servira à nous pendre.

L’accord sera-t-il appliqué ?

Il suffit d’examiner les chiffres réels pour comprendre que l’accord évoqué lundi soir est en carton-pâte et n’a pas la moindre chance de connaître le début d’un commencement d’application.

À titre d’exemple, depuis le 1er janvier 2016, environ 60.000 migrants arrivent chaque mois en Grèce. L’application de l’accord conduirait donc à renvoyer 60.000 demandeurs d’asile chaque mois en Turquie. C’est évidemment réaliste. Réciproquement, les pays européens s’engageraient à accueillir 60.000 migrants dans le même temps. L’expérience montre que la relocalisation d’un millier d’entre eux en un an est déjà très problématique.

Concrètement, l’accord aura donc deux effets immédiats. Premièrement, le renchérissement du prix de la traversée, qui sera plus difficile et plus dangereuse. On imagine aisément qu’au terme de quelques naufrages meurtriers, l’Union Européenne cèdera à nouveau devant l’émotion des opinions publiques. Deuxièmement, un conflit ouvert à la Turquie, qui ne tardera pas à déplorer l’absence de réciprocité dans l’accord.

Bref, cet accord, s’il devait être signé, servirait uniquement à verser 3 milliards d’euros à la Turquie, mais ne résisterait pas à l’épreuve du temps, ne serait-ce même que de deux ou trois semaines.

2016 sera bien l’année de la grande migration vers l’Europe.

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  • « Ils ont aussi passé sous silence le martyr kurde dans le sud du pays. »

    Mais enfin les kurdes ont voté pour l’AKP que ça vous plaise ou non ! Il est temps de respecter leur opinion. D’ailleurs 25 000 kurdes se sont présentés pour défendre volontairement leurs villes contre le PKK…

    Pour ce qui est des migrants, il y a quelque-chose de fondamental que vous avez oublié. Cela serait bien plus simple pour l’Europe, la Turquie et surtout les migrants si ces derniers pouvaient simplement rester en Syrie.

    Hors c’est ce que Erdogan propose depuis le début du conflit ! Créer une zone sure ou les syriens pourront rester vivre. Il a d’ailleurs réitéré cette proposition en suggérant de créer une ville pour les réfugiés au nord de la Syrie.

    • Sauf que Erdogan joue double jeu. Il fait semblant de lutter contre Daesh et en profite pour s’en prendre aux Kurdes qui eux se battent contre Daesh…
      L’article ne parle pas de l’entrée de la Turquie dans l’ UE et pourtant cette entrée est sous-jacente sous la poussée d’ Angela Merkel (entre autres).

      • « Sauf que Erdogan joue double jeu. Il fait semblant de lutter contre Daesh et en profite pour s’en prendre aux Kurdes qui eux se battent contre Daesh… »

        Aux dernières nouvelles les kurdes ne sont pas une petite tribu paumée mais 40 millions de personnes dans 4 pays différents qui ont chacun leur ribambelle de partis et de milices.

        La position de la Turquie est claire, ce n’est pas une politique anti-kurdes, ne serait ce que car la majorité des kurdes turques ont voté pour l’AKP, mais ce serait oublier le KRG que soutient la Turquie et le fait que la Turquie a plusieurs fois dit qu’elle n’a aucun problème avec le YPG ci celui ci rejette le PKK.

        Non, la Turquie se bat juste contre le PKK, qui, selon la définition en vigueur, est bel et bien une organisation terroriste. Je ne sais pas dans quel pays vous vivez, mais allez poser quelques bombes ici et là et vous verrez que des gens vont venir vous tirez dessus.

        • Oui mais c’est trop subtil pour un ancien énarque de comprendre que PKK =/= kurdes.

          D’autant plus que ce philosophe nous explique qu’Erdogan est un salafiste … C’est dire le niveau de caniveau … A la question, faut-il quitter la France, lui oui, qu’il le fasse … grand bien ça nous ferait …

        • La politique de la Turquie est favorable aux Kurdes, c’est parfaitement connu, et illustré par la possibilité des Kurdes de pratiquer leurs langues depuis toujours, d’appeler leurs enfants par des prénoms kurdes, d’avoir des médias indépendants, et d’avoir une autonomie. Erdoğan les aime tellement qu’il les attaque, les assiège sous prétexte de lutter contre le PKK, et c’est le seul point avec lequel je suis d’accord, qui est un un groupe terroriste.

          Pour asséner de tels mensonges sur l’amour de la Turquie envers lésé Kurdes, il faut être soit membre AKP ou MHP, soit avoir une vision de l’histoire totalement erronée.
          Je ne vous rappellerai pas les assassinats perpétrés par les services turcs du MİT contre des dirigeants Kurdes à Paris.
          Ni la politique d’Erdoğan pour créer cette fameuse zone tampon en Syrie, qui n’est autre que d’empêcher la création du kurdistan syrien. Qui est déjà un fait, soutenu par les russes et les américains.

          • La Turquie est le pays qui donne le plus de droits à ses kurdes. L’AKP a toujours été le parti non kurde qui donnait le plus de droits aux kurdes. En parlant de ça vous semblez oublier que seul la Turquie laisse les kurdes avoir leur propres partis communautaires, et que c’est le seul pays à ma connaissance avec Israël qui autorise des parlementaires à soutenir des groupes terroristes (je parle des « représentants » des arabes israéliens qui souvent soutiennent les terroristes palestiniens).

            Vous semblez oublier que les kurdes ont voté pour l’AKP que ça vous plaise ou non, et que les kurdes turques étaient les seuls à voter pendant longtemps, avant ceux d’Irak il n’y a pas longtemps. Vous parlez du MHP mais le MHP est hostile au kurdes car il se considère héritier du kémalisme. C’est le nationalisme d’Ataturk qui a fait le plus souffrir les kurdes, pour qui ces gens n’existaient même pas (ils étaient appelés « turques des montagnes »). Le conservatisme de l’AKP actuel n’a plus grand chose à voir avec cela, même si il inclut une bonne dose de nationalisme.

            La zone tampon proposé par Erdogan serait créé au nord-ouest de la Syrie, là ou il y a la plus basse densité de kurdes, c’est une zone peuplé de turkmènes et d’arabe. Les kurdes sont surtout à l’est de la Syrie sauf pour une petite partie dans le coin au nord ouest. Cette zone tampon n’a rien d’anti-kurde, c’est du pure pragmatisme, il y a déjà 4 millions de syriens en Turquie. Vous qui êtes si violemment contre les réfugiés, vous devriez trouver cette proposition intéressante car il serait bien mieux pour nous et pour ces gens qu’ils vivent en Syrie.

            Pour ce qui est de la réalisation d’un Kurdistan syrien, il est bien moins avancé que le Kurdistan irakien. Vous oubliez aussi que la Turquie sera un partenaire bien plus logique que les arabes si cela devait arriver. Vous oubliez aussi qu’officiellement la Russie et les USA sont pour laisser les frontières de la région comme telles. Seule la Turquie a soutenu la création d’un Kurdistan indépendant en Irak.

    • Franchement, du point de vue du Syrien qui fuit les violences de son pays, vous pensez qu’une ville pour réfugiés, donc un camp au final, parce qu’elle serait située en Syrie et pas en Turquie, ça ferait une différence ?

  • aux dernières nouvelles , la turquie ne réadmettra pas les migrants déjà présents sur les iles grecques ; les exigences de la turquie ne sont pas finies ; je ne me rappele pas si kadafie était aussi exigent pour retenir ceux qui voulaient venir en europe……ou s’il se contentait d’encaisser l’argent fourni par l’europe ;

  • Le bidouillage, les magouilles et les tromperies à leur paroxysme, on approche là d’un record digne de Guiness. On croit avoir touché le fond de l’hypocrisie et de l’inefficacité, et hop, on découvre que le plancher est pourri et qu’il y a un étage encore pire dessous. Dans 300 ans, on pourra réaliser un film, une grande saga intitulée « La déchéance et disparition de l’Europe », film en arabe, mais sous titré dans les différents patois locaux qui seront encore pratiqués ça et là, comme le français ou l’allemand.

    • @jsimian : Il existe effectivement un risque que les incessantes magouilles des politiciens antilibéraux conduisent au remplacement de l’Europe par une « Eurabie » liberticide.

      (J’ai tenu a ajouter « liberticide » car, contrairement aux gens d’extrême-droite utilisant le terme Eurabie, j’estime qu’une forte présence musulmane en Europe n’implique pas forcément une réduction des libertés.)

      Cependant il existe également un risque que les incessantes magouilles des politiciens antilibéraux conduisent au remplacement de l’Europe par un sorte de Reich anti-musulmans, un peu comme dans V pour Vendetta.

      « La déchéance de l’Europe », c’est tout autant l’Eurabie liberticide que le Reich anti-musulmans.

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