Par Éric Verhaeghe
La loi Travail prend forme : Manuel Valls a livré ses derniers arbitrages hier après-midi. Ceux-ci ne contentent véritablement personne. Une partie serrée s’engage désormais, qui pourrait mettre le Premier Ministre en difficulté.
La loi Travail amendée
Les annonces sont encore floues, mais elles devraient se stabiliser autour de quelques principes-clés.
Sur les indemnités de licenciement, le gouvernement devrait finalement proposer un barème indicatif qui ne lierait pas le tribunal des prud’hommes. La rédaction sera à suivre de près pour comprendre quelle marge de latitude sera laissée aux juges.
Sur le forfait-jour, il serait question de permettre d’adopter ce dispositif par mandatement. Cette solution permettrait donc d’autoriser les petites entreprises à choisir cette modalité d’organisation sans décision unilatérale.
Sur la définition du licenciement économique, le gouvernement devrait tergiverser et réduire les possibilités offertes par la rédaction actuelle.
D’autres amendements seraient proposés : le referendum d’entreprise serait restreint au temps de travail, les apprentis seraient limités à 35 heures hebdomadaires, sauf autorisation de la médecine du travail et de l’inspection du travail.
Le Premier ministre accorderait par ailleurs des contreparties accrues sur le compte d’activité, mais encore floues, de même que sur la garantie jeunes destinée aux décrocheurs.
Les contestataires veulent la mort de la loi Travail
Ces amendements n’ont pas suffi à convaincre les syndicats contestataires, qui appellent à la poursuite du mouvement. C’est notamment le cas de l’UNEF, qui a l’air de vouloir en découdre avec le gouvernement. Il est rejoint par la CGT et FO.
Ce front du refus constituera le point compliqué à gérer pour le gouvernement. Manifestement, l’opposition de ces mouvements se trouve dans une seringue. Dès jeudi, une nouvelle mobilisation étudiante devrait intervenir. De deux choses l’une : soit la piqûre est inoffensive et le terrain sera dégagé pour le gouvernement. Soit la réaction ne perd rien de son ampleur par rapport à la semaine prochaine, et le pire est à craindre pour Manuel Valls.
Les dés sont donc jetés et plus personne ne peut désormais éviter une confrontation. Bien téméraires seront ceux qui peuvent en prédire l’issue.
Les syndicats patronaux furieux
Pour le monde patronal, et singulièrement pour la CGPME, la déception est grande. C’est particulièrement le cas sur les barèmes de licenciement, retoqués de la loi Macron en leur temps par le Conseil Constitutionnel. Au fil du temps, la mesure est devenue emblématique d’une fracture entre ceux qui veulent encadrer le coût du licenciement et ceux qui veulent laisser les prud’hommes libres de juger souverainement.
La question est désormais de savoir si les amendements présentés par Manuel Valls sont les derniers, ou s’ils sont les premiers d’une longue série qui devraient intervenir au cours du débat parlementaire. Le fait que le Parti Socialiste ne se soit pas encore positionné sur le texte peut être annonciateur de très mauvaises nouvelles pour les employeurs.
La loi Travail abandonnée au destin
Bref, il est évident qu’un rapport de force s’engage aujourd’hui sur cette réforme et plus que jamais, il est impossible d’en savoir l’issue.
Ainsi vont les fins de règne : le hasard y pèse autant que les rapports sociaux et les mouvements collectifs.
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« Une partie serrée s’engage désormais, qui pourrait mettre le Premier Ministre en difficulté ».
C’était peut-être le but…
C’est toujours la même chose depuis la présidence de Fr.Hollande, prétendu « degôche », et les mêmes erreurs: on sort un projet de loi plus ou moins cohérent, provenant de l’exécutif (« en haut », après « consultations » (?) et on le propose, et ensuite, on « l’aménage » au gré des exigences des lobbies (oui, des syndicats sont le lobby des salariés, indifférent au point de vue des autres intervenants), alors qu’un texte doit pourtant conserver sa logique dans le détail.
Il n’y a pas plus de difficultés à construire le texte en concertation, quand on a les négociateurs nécessaires, et ensuite il est difficile aux « auteurs associés » de refuser ce qu’ils ont accepté, pas à pas.
Ça prend sans doute plus de temps, mais autour d’une table, pas dans la rue ni à coups de grèves! C’est pourtant la bonne façon d’obtenir des « échanges de concession » (« marchandages de tapis »? Oui, si on veut. Et alors?). L’important est qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu, ce qui solidifie l’ensemble.
Évidemment, c’est moins glorieux qu’une annonce télévisuelle au 20 heures par le président qui fait semblant de présenter son « idée géniale qui va résoudre les problèmes », effet d’annonce non suivie d’effets, mais chuuut!