Par Patrick Coquart
Actencia est un cabinet de conseil en recrutement et en évolution professionnelle. Il organise régulièrement des manifestations, autour d’un thème d’actualité et d’un invité reconnu, à destination de ses clients, de ses partenaires et des personnes coachées ou accompagnées dans leur transition professionnelle.
Ce jeudi 3 mars dernier, Actencia avait invité Alain Bauer pour parler terrorisme. Criminologue réputé, ce dernier a captivé l’auditoire par sa maîtrise du sujet, son aisance à discourir, mais aussi son humour parfois grinçant.
Génération amnésique
Alain Bauer a commencé par rappeler que nous étions amnésiques en matière de terrorisme, car nous avons déjà eu de nombreux épisodes dans un passé pas si lointain, et que la généralisation du tweet n’aidait pas à mettre les événements en perspective, ni à réfléchir.
Une réflexion d’autant plus nécessaire qu’il n’existe pas, aujourd’hui en France, de définition stable et consensuelle du terrorisme, y compris dans le Code pénal. On a déterminé ce que pouvait être un acte terroriste, mais pas ce qu’est le terrorisme. Il faut dire, ajoute Bauer, que rien ne ressemble davantage à un terroriste qu’un résistant. C’est ainsi que, par exemple, les attentats commis par l’ETA basque en Espagne sont plus ou moins condamnés dans le temps, en fonction des circonstances politiques et surtout des cibles visées. Celles-ci sont, en effet, parfois considérées comme légitimes, et parfois comme illégitimes.
À cela s’ajoute la difficulté qu’il y a à analyser les événements. C’est ainsi qu’Alain Bauer fait remonter à 1979 les origines du terrorisme islamique actuel. Cette année-là, trois événements sont à signaler : l’attaque de la grande mosquée de La Mecque par des salafistes qui contestent l’emprise du clan Saoud sur les lieux saints de l’islam ; la révolution iranienne et la prise du pouvoir par l’ayatollah Khomeini ; le début de la guerre en Afghanistan avec l’invasion soviétique.
Le terrorisme que nous connaissons aujourd’hui, et notamment en France, prend ses origines dans ces trois événements de 1979. Bien sûr, d’autres moments sont venus alimenter ce terreau comme la chute du Mur de Berlin en 1989 qui a laissé orphelins, et donc sans contrôle, nombre de mouvements séparatistes. Ou bien, en 1995, les attentats commis par Khaled Kelkal.
Pour Alain Bauer, même si l’on arrête 90 % des tentatives d’attentats, la France est insuffisamment armée pour atteindre les 99 % de tentatives échouées. Il faudrait pour cela qu’elle rompe avec la culture du contre-espionnage qui est la sienne (basée sur le temps long et le secret) pour adopter celle du contre-terrorisme (assise sur la rapidité et le partage d’informations). Les services français ont des oreilles, et tentent de les multiplier. Cela ne suffit pas. C’est un cerveau qu’il faut entre ces oreilles pour analyser les informations collectées.
Même si l’État tente de protéger au mieux ses citoyens, les entreprises ne doivent pas se désintéresser de la question. Car le terrorisme a nécessairement des conséquences sur la vie économique.
Protéger les entreprises
On le sait, les attentats du 13 novembre ont eu des répercussions sur la fréquentation des magasins, des restaurants, des spectacles. On pense également aux agences de voyages et tour-opérateurs qui ont vu leur clientèle se réduire en même temps que le nombre de destinations accessibles sans danger. De leur côté, les touristes étrangers boudent la France. Et puis des marchés se ferment au fur et à mesure que le chaos s’étend sur certains pays.
La fouille à laquelle nous nous soumettons avec plus ou moins de bonne volonté à l’entrée de nombreux lieux commerciaux, et, d’une manière générale, toutes les mesures de sécurité ont également un coût non négligeable.
Mais, le terrorisme ne frappe pas que le porte-monnaie. Les personnes sont bien souvent visées. La CGPME et le SNES (Syndicat national des entreprises de sécurité privée) ont publié, fin décembre 2015, un guide pratique à destination des entreprises. Il contient des conseils pour prévenir les attaques terroristes et mieux protéger l’entreprise, ses collaborateurs et ses visiteurs.
Peut-être pourrait-on un ajouter un conseil ? Former les collaborateurs de l’entreprise aux gestes de premier secours. Peu de Français y sont formés (moins de 2 millions, soit environ 3 % de la population, contre 95 % en Norvège). Or, les premières minutes sont cruciales pour les blessés. Savoir faire un point de compression peut sauver une vie…
Enfin, comme tout citoyen, vous pourriez être intéressé par le livre d’Olivier et Raphaël Saint-Vincent, Vivre avec la menace terroriste (Eyrolles) qui connaît un véritable succès de librairie.
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