Ma vie d’expat en Corée du Sud

Le témoignage d’Ulysse, fraîchement expatrié : « Se réveiller le matin et se dire : je vis dans un nouveau pays à 10 000 km de chez moi, je réalise un de mes rêves. »

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Ma vie d’expat en Corée du Sud

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 mars 2016
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Une interview par la rédaction de Contrepoints.

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Une petite présentation ?

Je m’appelle Ulysse, j’ai 24 ans, je suis né et j’ai grandi à Paris. Je suis parti habiter en Corée du Sud (Séoul) en octobre 2015.

Que faites-vous comme métier dans ce pays ? Pouvez-vous raconter brièvement votre parcours professionnel ?

Je suis chargé de projet en affaires scientifiques pour une entreprise coréenne leader dans le secteur des cosmétiques.

Après mon Bac scientifique, j’ai choisi de m’orienter vers une classe prépa BCPST (Biologie, Chimie, Physique, Sciences de la Terre) car j’avais une sensibilité pour la botanique et la nature. Cela m’a conduit après concours à entrer dans une grande école d’agronomie à Toulouse (ENSAT).

J’y ai étudié plus en détail les sciences de la vie et de l’ingénieur, en particulier la valorisation des plantes dans l’alimentaire et la santé/beauté, c’était passionnant. J’ai eu la chance d’effectuer une première mobilité à l’étranger de 7 mois (Érasmus en Grèce et stage en Italie). En stage de fin d’études, je me suis orienté vers le secteur R&D du leader des cosmétiques français par attrait pour le monde de la beauté et son savoir-faire très français. Cela m’ayant plu, j’ai effectué un master complémentaire d’un an en conception et management/marketing des cosmétiques à Lyon, en apprentissage dans la même entreprise sur un poste de coordination de projets, toujours en R&D.

À la fin de mon apprentissage, je me suis dit qu’avec un niveau Bac+6, avec une double compétence scientifique et management, l’étranger me manquait. J’avais beaucoup entendu parler de la Corée et sa position de laboratoire d’innovation dans mon domaine, et l’Asie m’attirait car c’est un territoire lointain, inconnu et plein de challenges. Et un groupe local dont l’univers m’a fait rêver a tout particulièrement attiré mon attention.

Par chance et hasard, hors des voies conventionnelles, j’ai réseauté sur LinkedIn et trouvé une personne de cette entreprise avec laquelle j’ai discuté et qui, de mails en entretiens skype, m’y a fait entrer en novembre 2015.

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Pourquoi être parti ?

Je pense que plusieurs raisons peuvent expliquer mon départ.

Tout d’abord, il y a eu cette période de « French blues » (blues du retour) en rentrant de mes 7 mois à l’étranger en 2ème année d’école d’ingénieur. Cela touche tout Érasmus qui se respecte et disparaît avec le temps, mais avec moi ce sentiment est toujours resté en filigrane dans mon cœur : je devais repartir un jour. Avec un tel prénom, je devais être prédestiné à beaucoup voyager et c’est le cas : en weekend et en vacances, j’étais déjà toujours à droite et à gauche, alors au-delà du simple semestre d’études, l’expatriation me faisait rêver, pour sûr !

Une autre raison que j’ai retrouvée dans beaucoup de témoignages sur Contrepoints est également le fait que je ne me retrouve plus dans la France d’aujourd’hui et ses valeurs. J’aime mon pays et ma vie de Parisien, j’ai mes habitudes, des rues où je flâne avec plaisir, les cafés, les restaurants avec mes amis et ma famille dont je suis très proche… mais notre situation politico-sociale actuelle et les courants de pensée qui s’y sont développés ne m’y font plus sentir comme chez moi. Je ne m’y projette pas.

Enfin, je ne me voyais pas rester dans ma zone de confort, à chercher le CDI au plus vite pour m’établir quelque part, puis voir les années passer tranquillement de cette façon. Non, je voulais profiter d’être jeune et motivé pour m’offrir un nouveau challenge, car comme beaucoup le disent « c’est le meilleur âge pour le faire, sinon tu le regretteras ».

Quitte à en effet partir pour mieux revenir, je me suis dit que la vie est courte, le monde est grand et donc que je devais certainement tenter ma chance ailleurs

Pourquoi ce pays ?

Tout d’abord, d’un point de vue professionnel comme explicité ci-avant, l’Asie offre davantage d’opportunités, d’innovations et de challenge que la France dans mon domaine (et certainement dans d’autres).

Puis concrètement, plutôt méditerranéen de nature (j’adore voyager en Italie, en Turquie et en Grèce où j’ai des origines), je ne connaissais rien du tout à la Corée du Sud avant mon départ, à part les mots Samsung ou LG ; je ne connaissais même personne sur place, à part une connaissance locale de mon ancien stage. Entre la Chine et le Japon très célèbres, c’est un pays bien méconnu de tous.

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Mais s’installer en Asie, découvrir une nouvelle ville et un nouveau pays si différents et empreints d’exotisme, repartir de zéro, rencontrer de nouvelles personnes, construire sa propre vie, tout ceci était trop excitant et déjà mûrement réfléchi au moment du choix.

Je savais que cela allait m’apporter beaucoup sur le plan professionnel et personnel, une ouverture d’esprit et une aventure à l’autre bout du monde qu’il fallait saisir maintenant.

Avez-vous eu des doutes ? Comment les avez-vous gérés ?

Bien sûr ! Rien qu’en échangeant avec ma contact sur LinkedIn, je me suis dit « Ulysse, tu postules pour un groupe que tu ne connais pas dans un pays lointain dont tu n’as aucune idée, qu’es-tu en train de faire ?… ». Quand j’ai annoncé fièrement que j’étais pris pour un poste à l’étranger (projet dont je parlais régulièrement à tout le monde depuis 2 ans), ma famille et mes amis n’ont pas caché leur surprise à l’annonce que l’heureux pays qui m’accueillerait serait… la Corée du Sud !

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Certains m’ont dit « Pourquoi tu pars là-bas ? Tu ne connais pas ce pays et personne sur place », « Les conditions de travail sont très dures et la mentalité si différente, tu ne tiendras jamais ». Mais aussi beaucoup d’encouragements et de soutien de la part de mes amis qui m’ont dit que cela me correspondait parfaitement, et que c’était une belle occasion à ne pas manquer. En effet, j‘avais aussi des offres pour la France avec des postes intéressants, mais j’ai gardé le cap et j’ai accepté de partir. Quelle sensation au moment de l’acceptation du contrat… et dans l’avion sur la piste de décollage !

Parlez-nous de votre quotidien : comment s’organise une journée, en quoi est-ce différent de la France, de ce que vous connaissiez ?

Comme beaucoup d’autres lecteurs le confirmeront, la vie en Asie est si différente de la nôtre, mais si enrichissante. La Corée est un pays méconnu mais plein de richesses, de traditions et de secrets, à mon sens autant que la Chine ou le Japon. Séoul est une capitale « typiquement » asiatique (12 millions de Seoulites), aux boulevards bardés de néons et de boutiques de cosmétiques aux idoles de drama qui en font la pub, où déboulent jeunes Coréens sortant du travail et Coréennes apprêtées pour leur soirée, des ruelles traditionnelles où s’entassent les vieux marchés ‘street food’ et les restaurants, des somptueux palais millénaires aux quartiers étudiants branchés où l’on sort dans les bars jusqu’au bout de la nuit pour voir le lever de soleil sur les montagnes et la rivière Han. Une mégapole électrique, tentaculaire, pleine de vie, tournant à une vitesse folle dans cette puissante économie qui ne cesse de monter (on parle de K-wave).

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À mon arrivée, outre le jetlag, certaines choses n’ont pas été évidentes, notamment tout ce qui est banques, assurances, contrat de travail, taxes et impôts, obtenir mon visa et ma carte de résident… les Coréens ne parlent pas bien l’anglais et ne sont pas habitués à voir beaucoup d’étrangers venir travailler chez eux. Certaines de mes tribulations ont été un peu difficiles, mais maintenant je suis bien installé.

Mes journées de travail en semaine sont du même rythme qu’en France (alors que dans bien des conglomérats coréens on travaille jusqu’à 23h weekends inclus sous une très forte pression), et les missions très intéressantes car il y a de nouveaux consommateurs et de nouveaux modes de vie. Je m’y retrouve tout à fait en termes de compétences et de salaire.

Le principal ‘gap’ a été la culture bien sûr : s’incliner pour saluer, plus ou moins selon l’âge et la position hiérarchique de l’interlocuteur, arriver plus tôt que son chef au travail, ne jamais se vanter et toujours être modeste si l’on nous fait un compliment, se raser de près avant d’aller au travail, respecter certains codes et bien sûr outre communiquer en anglais… apprendre la langue, qui même si elle est basée sur un alphabet n’est pas facile !

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Les week-ends, épicurien comme en Europe, je pars souvent à Séoul déjeuner dans un nouvel endroit, me rendre à des expositions, aller prendre le thé dans un salon traditionnel, faire un karaoké ou sortir dans les bars. Je ne connaissais qu’une personne à mon arrivée et j’ai réussi à me faire maintenant plusieurs amis. En effet, malgré leur réserve et leur défiance de prime abord (et aussi la barrière très forte de la langue), les Coréens sont des personnes sincères et fiables avec lesquelles j’ai beaucoup de plaisir à sortir et à échanger. Enfin, la position centrale de Séoul en fait un hub de choix pour explorer l’Asie. J’ai déjà visité les Philippines et Shanghai ; Taiwan ou la Thaïlande sont sur ma checklist de futurs voyages.

Un bilan aujourd’hui : que vous a apporté l’expatriation ?

Cela ne fait que 5 mois, mais cela m’a beaucoup apporté d’un point de vue professionnel et personnel. Au niveau du travail, j’ai appris de nouvelles méthodes, manières de penser, de travailler en équipe, d’interagir et de communiquer, en comprenant le consommateur asiatique et ses besoins notamment pour adapter la stratégie de l’entreprise. Mon point de vue occidental permet de donner un avis un peu différent sur bien des sujets, et en contrepartie j’apprends beaucoup de mon équipe. Cela me confère un peu une double compétence ‘Orient/Occident’.

D’un point de vue personnel cela a dépassé mes attentes : s’immerger, explorer, connaître l’histoire du pays, prendre le temps car l’on n’est pas/plus un simple touriste, rencontrer des locaux, échanger et apprendre d’eux… ce n’est certes encore que le début mais je ne m’en lasse pas..

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Ma famille et mes amis me manquent c’est sûr, et je leur manque aussi. Parfois j’aimerais revenir un week-end à Paris, ou une dizaine de jours (surtout pour la nourriture aussi !)… mais je n’ai pas le mal du pays au point de vouloir revenir vivre en France. J’espère rester ici au moins 2 ans si ce n’est plus, avant de peut-être partir pour un autre pays, qui sait ? C’est aussi cette sensation qui est fabuleuse, de se réveiller le matin et se dire « Je vis dans un nouveau pays à 10000 km de chez moi, je réalise un de mes rêves ».

Est-ce que vous vous sentez encore Français ? Pourquoi ?

Évidemment. Avec ce genre d’expériences, on se dit qu’on peut devenir citoyen du monde, un peu Grec, un peu Coréen… j’aime prendre le meilleur de chaque endroit mais je reste très Français dans le fond. Tous mes amis coréens me le disent. Eux qui sont très pressés et occupés me voient prendre mon temps, aimer faire du shopping, leur parler des cafés de Paris, me plaindre d’un plat local trop épicé ou arriver en retard à un rendez-vous « bien habillé » mais avec une barbe de 3 jours… comme ils me disent : « You are so French ! »

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Autre chose à dire ?

Croire en ses rêves n’est pas valable que dans les contes de fées et les dessins animés. Je ne suis pas diplômé d’Harvard et pas millionnaire, mais un junior comme beaucoup de lecteurs, et j’ai pourtant réussi à accomplir ce départ à l’étranger juste en y croyant. Je ne pense pas qu’avec juste 5 mois de recul ce soit un exemple parfait, mais si on veut partir il faut le faire maintenant. Réseauter dans une optique de « painless networking » (ne pas sous-estimer LinkedIn) et se lancer, le jeu en vaut la chandelle !

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  • Très beau témoignage.
    Je m’y retrouve dans le fait que l’auteur vienne d’une école d’agronomie, étant moi même issu de Montpellier SupAgro.
    J’oserais rajouter qu’il semble fréquent d’être déçu dans ces écoles : Après deux ans de prépa et trois ans, vous vous rendez compte que les salaires ne valent pas l’effort mené, pour un temps de travail ahurissant; si vous restez travailler en France.
    J’ai souvent eu vent de cadres sortis de SupAgro ayant 1 700 € au mois pour 50 à 70 heures de travail par semaine.

    Dans le même registre, je viens tout juste de commencer une vie d’expat’… En Lettonie ! D’ici dans un an, je rédigerai un petit témoignage pour vanter tous les mérites de ce oetit pays pourtant méconnu 🙂

  • Cher Ulysse, la Corée je l’espère, ne sera qu’une des nombreuses étapes qui jalonneront ton parcours professionnel et d’Homme. Je ne désespère pas de te voir muter sur Istanbul, cette ville que ns portons ds notre coeur. Prends tt ce qu’il y a à prendre, enrichis toi des toutes ces cultures. Fais toi des amis, apprends, observé et reviens ns tt de même un jour. Avec tte mon affection.PM

  • Bravo et bonne continuation !

  • « Une émigration française existe donc bel et bien, et doit être appréhendée par les pouvoirs publics dans sa globalité, en tant que phénomène recouvrant divers profils ». Pour en apprendre davantage sur les raisons et sur les coûts de l’émigration des français, la Fondation pour l’innovation politique vous invite à lire la note de Julien Gonzalez « Trop d’émigrés ? Regard sur ceux qui partent » (https://lc.cx/4d2Z)

  • Magnifique histoire d’expatriation, merci d’avoir partagé avec nous. Les jeunes d’aujourd’hui doivent s’inspirer de ton parcours pour comprendre le monde dans lequel nous vivons

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