La folie des banques centrales : pourquoi la prochaine crise sera pire

Pour Patrick Artus et Marie-Paule Virard, la monnaie est désormais déconnectée de l’économie réelle.

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La folie des banques centrales : pourquoi la prochaine crise sera pire

Publié le 6 avril 2016
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Par Delphine Granier.
Un article de Generationlibre

Face à une économie européenne instable, la Banque centrale européenne a annoncé, le 10 mars dernier, un nouvel assouplissement de sa politique monétaire. Dans La folie des banques centrales paru aux éditions Fayard, début 2016, Patrick Artus (économiste) et Marie-Paule Virard (journaliste économique), analysent la fuite en avant dans laquelle sont engagées les banques centrales et tentent, afin d’éviter une prochaine crise qui pourrait être pire, de définir ce à quoi ressemblerait une « bonne » politique monétaire.

Des politiques monétaires expansionnistes déconnectées de l’économie réelle

la folie des banques centralesDepuis la crise de 2008, les politiques monétaires menées par les pays de l’OCDE sont de plus en plus expansionnistes, cherchant à tout prix à redonner vie au crédit et à la croissance. « C’est la première fois dans l’histoire de l’économie moderne que tous les marchés financiers du monde sont à ce point, et en même temps, gavés de liquidité ».

Anesthésiés par cet afflux de liquidité, les acteurs financiers ne se soucient plus de la gestion du risque. Tout se déroule finalement comme si « les traders s’étaient convaincus d’avoir souscrit à une assurance tous risques auprès des banques centrales ». La création monétaire bat ainsi son plein mais la création de richesse reste, elle, au point mort.

La monnaie est désormais déconnectée de l’économie réelle. Malgré les espoirs placés dans les politiques monétaires expansionnistes, on observe que la croissance mondiale ralentit. La « potion magique monétaire » s’avère incapable de relancer des économies dont les blocages sont structurels. Inonder les marchés de liquidité ne rime à rien quand la seule solution consiste à mener les réformes structurelles majeures, repoussées depuis trop longtemps.

Des banquiers centraux « à tout faire »

« L’immense pouvoir dont jouissent les banquiers centraux est proportionnel aux espoirs que le monde met dorénavant en eux ». Les outils de politique économique « traditionnels » – permettant d’agir sur le « prix » de l’argent via les taux directeurs – s’étant révélés hors d’usage, gouvernements, opinions publiques et marchés ont, de concert, placé tous leurs espoirs dans les banques centrales. Une lourde responsabilité qui a mené les banquiers centraux à outrepasser largement leur mandat et à se donner d’autres moyens d’agir.

Les mécanismes de « Quantitative Easing » (QE) ont ainsi permis aux banques d’agir sur la quantité de monnaie en circulation. En rachetant de la dette auprès des banques, compagnies d’assurance et autres fonds d’investissement, la banque centrale crée de la monnaie et remet de l’argent en circulation. En jouant sur la monnaie, le QE constitue une menace potentielle pour la stabilité financière du monde.

Les politiques monétaires expansionnistes fabriquent des effets pervers structurels. En injectant de façon artificielle des liquidités, les prix des actifs ne correspondent plus à leur valeur réelle et les primes de risque ne couvrent plus le risque réel. En résultent le retour des bulles et un écrasement des primes de risque. En abaissant les taux d’intérêt, le QE protège les emprunteurs (États, entreprises ou ménages) les plus fragiles et incitent les plus « faibles » à profiter du contexte. « En évitant la disparition des « faibles », les politiques monétaires trop laxistes contrarient le processus de « destruction créatrice » (…). La « mauvaise » économie chasse la « bonne » ».

Les outils monétaires alternatifs au QE étant hors d’usage et le système ne tenant que par l’afflux de liquidités gratuites, dans une économie au ralenti, la « sortie » du QE est une question délicate. Pour autant, un excès de liquidité et l’incapacité des banques centrales à lutter contre une potentielle récession mettraient un terme à la politique monétaire contra-cyclique. L’occasion et l’urgence de revoir le mandat des banques centrales et de composer une politique monétaire alternative au service de l’économie réelle.

Propositions pour une « bonne » politique monétaire

Si les banques centrales ne peuvent pas tout, la BCE a, malgré tout, sauvé la zone euro de la crise en 2013. Il est donc nécessaire de revoir en profondeur les termes de son mandat. « Entre toute-puissance et impuissance, il faut absolument trouver une troisième voie ».

Alors que nous sommes entrés dans une période de croissance sans inflation, l’objectif central de lutte contre l’inflation des politiques monétaires mérite d’être révisé. « Si la stabilité monétaire reste l’objectif principal des politiques monétaires, et le taux d’intérêt à court terme son instrument privilégié, une réaction adaptée à l’évolution des conditions financières s’impose ». Il s’agit donc de « confier à la banque centrale un mandat élargi à la stabilité macroprudentielle afin de lutter contre le risque systémique en se donnant les moyens de stabiliser le cycle du crédit ». Le mandat des banques centrales n’a pas vocation à rester intangible mais doit être adapté aux défis du moment.

La seconde difficulté liée à l’objectif d’inflation est l’ignorance de la croissance réelle. Alors qu’il faudrait une institution capable de maintenir un niveau de liquidité adapté aux besoins de l’économie réelle, la BCE définit sa politique monétaire sans tenir compte de la croissance réelle. Il est urgent que les banquiers centraux laissent de côté l’objectif d’inflation pour s’attacher à répondre au problème de base : « quelle est la quantité de liquidité nécessaire au bon fonctionnement de l’économie ? ».

Enfin, une « bonne » politique monétaire doit être coordonnée au niveau international. Dans un contexte financier globalisé, il est indispensable que les banques centrales adoptent des principes de politique macro prudentielle communs. En pratique, le FMI devra jouer un rôle central pour coordonner les politiques monétaires.

« Nous entrons dans l’ère de la crise financière permanente, jusqu’à ce qu’un coup de tabac, plus dévastateur que les autres, déclenche une nouvelle crise mondiale et mette la planète à feu et à sang ». A moins que nous nous donnions les moyens de bâtir une nouvelle politique monétaire.


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  • « Le mandat des banques centrales n’a pas vocation à rester intangible mais doit être adapté aux défis du moment. »

    C’est exactement le cas actuellement. Les banques centrales « s’adaptent au defis du moment ». La BCE ne faisait pas de QE il y a encore quelques annees en arriere et s’est soudainement mise a en faire parce que « la situation l’exige ».

    Qui deciderait de ce qu’est « le mandat adapte »? Les politiques? Les banquiers centraux?
    C’est a dire ceux qui sont deja au pouvoir et qui ont empilent les mauvaises decisions parce que conflit d’interet?

    C’est marrant, ca ressemble vachement a ceux qui demandent plus de « regulation » pour les marches financiers, sous pretexte que ceux ci n’etaient jusqu’alors pas « regules ».

  • J’étais globalement d’accord jusqu’au passage sur la redéfinition du mandat des banques centrales. Propositions nulles, sans interet, pratique, et porteuses d’un remède potentiellement pire que le mal, qui est pourtant immense.
    Les banques centrales n’ont aucune indépendance, elles sont aux ordres des états, qui profitent des QE.
    Les banques centrales se moquent totalement des populations. Même quand elles disent intégrer le chômage dans leurs critères d’action, on se rend compte que ce n’est qu’un prétexte pour agir à tort et à travers. Si elles se préoccupaient des populations, leur seul souci serait de limiter l’inflation. Car non, la déflation n’est un problème pour aucun particulier, mais un gros problème pour un état au budget chroniquement déséquilibré.
    Les solutions proposées ne sont qu’un prétexte à faire pire, n’importe comment, sans contrôle.

  • Et si une bonne politique monétaire était l’absence de politique monétaire?
    Une liberté/responsabilité totale des acteurs de la finance ne serait-il pas enviable et envisageable?
    Une des transition possible ne serait-il pas l’étalon-or?

  • Encore 2 personnes qui devraient lire Rothbard, Friedman et Von Mises.

    La question suivante « quelle est la quantité de liquidité nécessaire au bon fonctionnement de l’économie ? » me laisse sans voix et montre l’étendue de l’incurie de ces 2 personnes en matière monétaire, c’est proprement hallucinant ce niveau d’ignorance !

  • Questions aux spécialistes de l’école autrichienne :
    1) Pourquoi l’or n’a-t-il pas monté depuis 2010 en rapport avec les QE?
    2) Quelle est la meilleure protection de son patrimoine face aux QE? L’or ne semble pas top…
    3) Comment expliquez-vous qu’il n’y ait aucune inflation? Quand va-t-elle démarrer… si elle redémarre un jour dans le contexte des QE?
    Je n’ai pas trouvé pour l’instant de réponses à ces questions dans l’Action Humaine. Et je serais très heureux si quelqu’un m’éclairait sur ces questions. Avec mes remerciements anticipés et mes « salutations libertariennes ».

    • 1) Tu n’as pas bien suivi le cours de l’or si tu dis ca. L’or monte, puis redescend. Il redescend parce que la fed emet de l’or papier pour controler les cours. C’est pour ca que la chine par exemple, achete de l’or physique et des mines d’or. Parce que le jour ou ca va s’effondrer, ils auront quelque chose de tangible a adosser a leur monnaie la ou les autres n’auront rien.
      Et chaque fois que la fed emet de l’or papier pour faire redescendre le cours, la chine passe des ordres d’achat massifs sur l’or physique.

      2) Que veux tu dire par « proteger son patrimoine ». A quelle echeance? Si tu penses que le systeme va s’effondrer dans les annees qui arrivent, achete de l’or physique et stocke le dans un coffre. Osef que le cours ne change pas. Base toi sur la valeur reelle et non pas la valeur artificielle. L’or est une valeur sure sur le long terme.
      Tu peux investir dans la pierre, mais pas dans les pays ou l’etat a une forte presence comme en france. De plus, ca t’oblige a payer des impots. La pierre, j’aime pas trop, parce que ca n’est absolument pas meuble. Impossible de deplacer ton immobilier si, par exemple, la france finit sa transition communiste.
      D’autres se tournent vers les voitures de collection, d’autres vers le vin. N’importe quoi dont tu es sur que ca vaille quelque chose le jour ou le marche reconnecte avec la valeur « reelle » de choses.

      3) S’il y a peu d’inflation, c’est que les gens sont prudents et preferent epargner. Ce qui rend les banquiers centraux fous puisqu’ils ne peuvent pas ecouler leurs QE. Ce probleme est aussi bien en europe qu’aux US.
      Mais tu ne peux pas dire qu’il n’y a pas d’inflation. Il y en a, mais pas forcement autant que ce a quoi on pourrait s’attendre apres les QE. Parce que l’economie, donc les gens, ne sont pas des robots et n’agissent pas comme une formule mathematique, ou si tu met « x » en entree, tu obtiens necessairement (et instantanement) « y » en sortie

      • Merci pour ta réponse.
        1) L’or n’a pas vraiment augmenté depuis l’intensification des QE. Il aurait même plutôt baissé depuis 2012 (-30%) et est resté stable depuis 2010.
        2) L’or me semble être la meilleure solution mais alors que les QE se généralisent, l’or baisse. Pas très explicable à mon avis.
        3) C’est vrai, pas d’inflation à cause du peu de circulation monétaire. Mais en France l’endettement et les dépenses publiques augmentent. Il y a un moment des problèmes spécifiquement français vont se poser. Une remontée des taux français par exemple.
        J’avoue être toujours perplexe.
        Au plaisir.

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