Par Ludovic Malot.
La monnaie est souvent considérée comme étant une fonction régalienne, en réalité elle est antérieure à toute forme de gouvernance. Depuis des millénaires, la monnaie acceptée universellement est l’or et l’argent métal. Ces métaux précieux remplissent toutes les caractéristiques d’une monnaie marchandise réserve de valeur et c’est pour cela que la plupart des populations et civilisations du monde l’ont naturellement choisi.
Faciliter les échanges
Elle est limitée et rare, divisible, malléable et indestructible. En effet, la monnaie a spontanément émergé pour surmonter la complexité et les difficultés du troc, donc pour faciliter les échanges, la division du travail, et a eu pour conséquences une augmentation de la productivité et une grande prospérité.
Contrairement aux idées reçues, n’importe quelle quantité de monnaie or ou argent métal est suffisante pour faire fonctionner une économie. Si la masse monétaire se réduit – l’or et l’argent métal deviennent plus rares – par conséquent leur valeur augmente et leur pouvoir d’achat également. En effet, on peut acheter plus de bien avec la même quantité de monnaie et il y a également une baisse des prix : on parle alors de déflation.
En outre, nous verrons plus loin que la déflation peut avoir deux causes qui sont radicalement opposées. A contrario, si la masse monétaire augmente, alors la valeur de la monnaie diminue, donc le pouvoir d’achat baisse et il faudra plus de monnaie pour acheter des biens. On parle alors d’inflation. L’inflation est une hausse généralisée des prix mais sa cause n’est pas anodine, elle provient de l’augmentation artificielle de la quantité de monnaie en circulation.
Le système monétaire libre
Dans un système monétaire libre et concurrentiel les variations de la masse monétaire – quantité d’or ou d’argent métal en circulation – sont faibles parce que la production de l’or et de l’argent métal a évidemment un coût et qu’il faut extraire les métaux du sol ; ces ressources sont aussi limitées. Nous verrons que ce point est fondamental pour expliquer les crises dites « cycliques » causées par une augmentation artificielle de la masse monétaire, notamment du crédit dans un système monopolistique.
Les banques ont par la suite émis des certificats de dépôts pour éviter à leurs clients d’échanger physiquement ces métaux précieux et ainsi faciliter la circulation de la monnaie. Elles garantissaient sur présentation du certificat au porteur une remise immédiate du métal précieux déposé dans leurs coffres.
Ces certificats de dépôts sont ce que nous appelons « billets de banque ». Les dénominations de ces billets correspondant à une certaine quantité d’or ou d’argent métal. Ainsi d’un point de vue historique, aucune monnaie « papier » sans valeur intrinsèque n’a pu apparaître spontanément sur un marché. Les certificats de dépôts, billets de banque, ont eu la confiance de la population uniquement parce qu’ils étaient initialement adossés à une contrepartie réelle c’est-à-dire du métal précieux. Jusqu’ici rien de répréhensible, mais observons la dégradation des pratiques.
Quand les pratiques se dégradent
Banques et États ont commencé à émettre plus de certificats que de dépôts de métaux précieux effectifs dans leurs coffres. Cette pratique au départ réalisée en catimini constitue néanmoins une fraude car elle porte atteinte aux droits de propriétés. En effet, plusieurs personnes ne peuvent pas être propriétaires d’un même bien : les réserves fractionnaires qui en découlent, c’est-à-dire l’étrange fusion entre l’activité bancaire de dépôts et l’activité de prêt, engendrent par ailleurs un effet multiplicateur par création monétaire ex-nihilo de banque à banque.
Le monopole monétaire des banques centrales par la suite mis en place avec le consentement des États a encouragé et permis cette création monétaire illimitée des banques commerciales tout en leur octroyant le privilège indu de prêteur en dernier ressort. Ceci leur a retiré de facto toute inquiétude d’avoir à assumer leurs prises de risques et responsabilités : comme par exemple UBS qui a échappé à la faillite.
Par la suite, toute couverture des billets de banque par un poids de métal précieux a été abandonnée, dans un premier temps par les Américains pour financer des déficits budgétaires illimités, inhérents notamment à des conflits armés ruineux. En parallèle, les lois du cours légal et du cours forcé ont contraint la population à utiliser une monnaie monopolistique, sans valeur intrinsèque, et qui perd constamment de son pouvoir d’achat : ce qui revient à financer les déficits et les guerres par coercition.
La création de banques centrales et le monopole monétaire sous-jacent ont permis une accoutumance du personnel politique à des déficits budgétaires illimités, un financement de guerres incessantes à travers l’inflation monétaire. En effet, il est beaucoup plus facile pour la population de s’opposer à un impôt ad hoc qu’à l’inflation et son caractère relativement insaisissable.
À titre d’exemple, il est difficilement imaginable que les populations américaine et européenne accepteraient de payer un impôt pour financer le conflit actuel en Syrie. Néanmoins, les politiques monétaires des banques centrales, c’est-à-dire la manipulation de la monnaie par son expansion illégitime et la fixation artificielle des taux d’intérêts sont la cause des bulles, de la spéculation, des crises, des récessions et dépressions et finalement du chômage de masse.
Le rôle de l’inflation
En outre, le principal levier de ce système monétaire monopolistique est l’inflation ; sachant aussi qu’il existe une marge significative entre l’inflation déclarée par les États et les banques centrales et l’inflation réelle. Le crédit s’est en effet développé quasiment sans limites et ce au détriment du financement par les fonds propres, à tel point que nous sommes aujourd’hui dans une économie de dettes.
Cette surabondance de crédit liée notamment aux réserves fractionnaires crée l’illusion d’une épargne réelle, envoie des signaux erronés aux acteurs économiques et engendre des taux d’intérêts anormalement bas, proches de zéro : ceci explique en parallèle une volonté des banques centrales de systématiquement combattre la déflation, entre autres.
En effet, les acteurs qui empruntent à des taux d’intérêts très bas, profitent également de l’inflation – qui réduit mécaniquement leurs dettes – qu’ils ne pourraient subitement plus rembourser s’il y avait une hausse des taux. Dans ce cas, et contrairement à la rhétorique de beaucoup d’économistes, la déflation a un rôle extrêmement positif puisqu’elle détruit la dette et pénalise ceux qui ont fait de mauvais choix d’investissements ou de placements.
En somme, la déflation est bénéfique, elle permet d’acheter moins cher, de faire baisser les coûts de revient et augmente le pouvoir d’achat. C’est aussi une correction naturelle d’un excès de monnaie en circulation, elle préserve et renforce le rôle essentiel de la monnaie : celui de conserver la valeur.
La déflation est en revanche symptomatique quand elle a une cause inflationniste : l’expansion artificielle de la masse monétaire ne crée pas plus de richesses – excepté ironiquement pour ceux qui en sont les premiers bénéficiaires – mais de l’instabilité, des bulles, des stagnations et incertitudes dans l’appareil productif et les investissements. Elle provoque alors un ralentissement économique et finalement une déflation, une baisse des prix. Ce type de déflation couplée à des dettes étatiques colossales est cependant l’antichambre vers un krach obligataire et une hyper inflation.
S’il y avait une monnaie saine basée sur des principes libéraux, la population refuserait d’utiliser une monnaie qui perd en permanence son pouvoir d’achat. En effet, la perte de pouvoir d’achat, autrement dit une diminution de la réserve de valeur de la monnaie a des conséquences économiques, financières et sociales considérables.
L’inflation monétaire créée par les banques centrales et commerciales a mis à mal les principales devises qui ont perdu plus de 95% de leur valeur depuis 1913. L’inflation monétaire dissuade ainsi la population d’épargner car les taux sont à zéro, voire négatif. Elle est un obstacle à la constitution d’un capital permettant notamment de vivre de ses économies, elle pervertit et tourmente les esprits en créant un rapport obsessionnel à l’argent.
En effet, la monnaie ne joue plus son rôle de réserve de valeur : elle induit notamment une perte de pouvoir d’achat significative et empêche aussi une réduction du temps de travail rendue possible par les gains de productivité. Elle encourage, par ailleurs, la conception de produits de mauvaise qualité car une monnaie dépréciée nécessite de répéter constamment un cycle de vente (cette fameuse course perpétuelle à la croissance qui n’est rien d’autre que le symptôme d’une mauvaise monnaie). Elle est, en outre, l’une des causes de l’obsolescence programmée, du gaspillage des ressources et la destruction de l’environnement.
La véritable cause des crises
Depuis 150 ans, la monopolisation et la manipulation antilibérale de la monnaie par les banques centrales et les États sont les causes véritables des crises économiques cycliques (expansion monétaire, boom et récession) du chômage généralisé et de la paupérisation des populations.
Le monopole monétaire des banques centrales n’est de loin pas une panacée mais une anomalie, il remet en cause les droits de propriétés et les contrats et affecte progressivement les libertés individuelles : la manipulation de la monnaie opère aussi un transfert de richesses allant des plus démunis à la classe moyenne vers les plus riches. Par ailleurs, en pratiquant une double spoliation fiscale, visible par les impôts et les taxes et opaque par l’inflation monétaire, elle rend les populations dépendantes d’aides et d’allocations étatiques de toutes sortes.
Une monnaie saine et concurrentielle est indissociable avec les principes de liberté et de prospérité. A contrario, une monnaie étatique et planifiée est la porte ouverte à une surveillance généralisée des actions et des transactions de la population. L’argent liquide est probablement le dernier obstacle à une fuite en avant, la limitation de son usage et sa suppression envisagée est liberticide.
Ces restrictions ont pour effet collatéral de favoriser les banques qui augmenteront leurs bénéfices notamment avec les frais prélevés par l’utilisation obligatoire des cartes et mécaniquement par les commissions facturées aux commerçants. En outre, toute la monnaie fiduciaire thésaurisée hors du système bancaire sera réintégrée sur des comptes en l’exposant à toutes formes de confiscations comme par exemple des taux négatifs.
Au prétexte de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, leurs causes étant plutôt à chercher dans des politiques étrangères belliqueuses et immorales : tout ceci est financé sans la moindre limite par l’inflation. C’est pourquoi le rôle des banques centrales en matière de gouvernance, même s’il est encore largement tabou, doit être rigoureusement remis en cause.
En somme, notre responsabilité ultime et urgente est de nous assurer que notre argent ne nous soit plus confisqué par une monnaie à la fois étatique, monopolistique et pathologiquement inflationniste : ceci finance, en notre nom, des conflits interminables, engendre des problèmes de migrations et a des conséquences considérables sur la vie financière de chacun d’entre nous, conduisant tout droit à une certaine forme de totalitarisme qui ne dit pas son nom. En outre, nous sommes en droit de nous interroger de l’impact d’un tel système sur nos libertés fondamentales.
Avant même l’impression de monnaie de singe, un pratique courante de l’état était de diminuer la quantité de métal précieux dans les pièces de monnaie et de leur imposer un valeur faciale.
Une bonne partie des fluctuations à la hausse de la masse monétaire n’est pas liée aux politiques des banques centrales et des États mais aux banques et lobbys bancaires qui sont les principaux clients des banques centrales… et qui créent aussi de la monnaie en concédant des emprunts. En somme, il est dommage que les responsabilités des politiques publiques sont davantage pointées du doigt par votre article alors qu’on sait tous, au fond, que l’accumulation d’argent et de pouvoir aux mains d’une minorité est la conséquence logique du dogme libéral autrement mieux nommé « loi de la jungle ».