La gauche malade de l’égalitarisme

La gauche renouera-t-elle avec la liberté ? Abandonnera-t-elle ses préjugés égalitaristes pour renouer avec le progrès ?

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Francois Hollande credits Parti socialiste WikiCommons ( (CC BY-NC-ND 2.0)

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La gauche malade de l’égalitarisme

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 avril 2016
- A +

Par Patrick Aulnas.

Francois Hollande, héraut de l'égalitarisme socialiste ?
Francois Hollande credits Parti socialiste WikiCommons ( (CC BY-NC-ND 2.0)

Le plus grand paradoxe politique contemporain est la classification à gauche du socialisme et de l’écologisme. Car si progrès et liberté s’accordent, progrès et contrainte égalitariste sont antinomiques. Il ne s’agit pas ici de jouer les politologues mais d’émettre une opinion.

Pour les spécialistes, la distinction droite-gauche est fort complexe et nécessite des angles de vue multiples pour être comprise. Il est certes possible d’affirmer qu’elle est moins claire aujourd’hui qu’auparavant. Mais elle continue à être utilisée par tous et l’une des questions centrale pour situer un individu reste bien : « est-il de droite ou de gauche ? »

 

La gauche passe de la liberté à l’égalité

Donc, droite et gauche existent bien dans l’esprit de nos contemporains.

Ceux-ci classent à gauche socialistes, communistes, trotskistes et la plupart des écologistes. Pourtant, s’il est un concept fondateur de la gauche, c’est bien la liberté ! Le libéralisme fut longtemps de gauche avant l’apparition des modèles constructivistes, qu’il s’agisse d’idéologies comme le marxisme ou d’utopies comme les phalanstères de Charles Fourier.

La gauche a abandonné alors le goût de la liberté pour se consacrer à la réduction des inégalités.

 

La gauche pour les libertés politiques

Il serait ridicule de prétendre que Jaurès, Blum ou Mitterrand étaient des adversaires de la liberté.

Du moins, si notre lecture de l’histoire du XXe siècle privilégie le facteur politique. De ce point de vue, le XXe siècle se caractérise par une dominante : la lutte entre démocraties et dictatures. Fascistes, nazies ou communistes, les dictatures ont prétendu soumettre à leur loi le destin des Hommes. Elles avaient un projet très simple : annihiler la liberté individuelle. Elles ont été vaincues par l’efficacité économique de la liberté, représentée par la puissance américaine, et le rejet de la servitude par des millions d’hommes, dont beaucoup l’ont payé de leur vie.

Les hommes de gauche précités furent sans conteste dans le camp de la liberté. On sait que Mitterrand eut quelques hésitations face au régime de Vichy, mais il devint ensuite responsable d’un mouvement de résistance.

 

Socialistes et communistes

Mais lorsque le Parti socialiste français s’allie au Parti communiste pour conquérir le pouvoir, ne fait-il pas une concession à la dictature par opportunisme politique ?

Les communistes des années 1970 étaient encore inféodés au pouvoir soviétique et recevaient de lui un soutien financier important. Le calcul de Mitterrand consistait à utiliser l’électorat communiste pour accéder au pouvoir puis à marginaliser le Parti communiste dans l’exercice du pouvoir. Ce qu’il a fait. Mais s’allier à un parti entretenant des rapports étroits avec un régime totalitaire est inacceptable par principe si l’on fait de la liberté la valeur suprême.

La gauche de Mitterrand a transigé avec la liberté par appétit du pouvoir. Il était plus important pour cette gauche-là de promettre davantage d’égalité que de rester intraitable sur ses alliances dans le domaine de la liberté.

 

L’interventionnisme public

La question centrale appartient cependant au domaine économique et social.

Le rôle économique de l’État est conçu par la gauche de façon extensive. Personne ne sait aujourd’hui où peut s’arrêter l’interventionnisme public, en particulier avec la montée en puissance de l’écologisme dans les opinions publiques. Le recul de la liberté devient de plus en plus évident lorsque science, technologie, recherche, production sont soumises aux diktats étatiques. Nous nous trouvons presque dans une situation analogue à celle du Moyen Âge lorsque l’Église régentait la pensée et imposait son dogme pour entraver le progrès scientifique. Cette constatation ne doit pas étonner. Les États et les Églises constituent des deux grandes institutions qui, à travers l’histoire, ont toujours cherché à limiter la liberté individuelle. L’État place l’ordre avant la liberté. L’Église place la foi avant la liberté. Il faut obéir dans le premier cas. Il faut croire dans le second.

 

Le choix de l’égalité contre la liberté

Utiliser l’État comme un instrument de promotion de l’égalité sociale revient donc nécessairement à faire reculer la liberté.

Le noyau dur de la pensée de la gauche contemporaine est constitué par la volonté de promouvoir « l’égalité réelle ». Un secrétariat d’État à l’égalité réelle a même été créé récemment en France. Le paradoxe évoqué en début d’article se situe à ce niveau. Il est impossible de vouloir une société de plus en plus égalitaire sans une coercition croissante. La logique ultime de la pensée socialiste conduit donc à une forme de dictature qui commence déjà à poindre. Il faut en effet tout réglementer minutieusement pour qu’aucune tête ne dépasse. La liberté conduit nécessairement à une grande diversité, y compris dans le domaine de la réussite économique et sociale.

Être de gauche, c’est vouloir entraver cette diversité, baptisée inégalité. L’enfer du tout réglementaire s’impose pour s’approcher du paradis de l’égalité réelle.

 

Autoritarisme de gauche et autoritarisme de droite

L’autoritarisme de gauche, technocratique, réglementaire, forme ainsi un pendant à l’autoritarisme de droite qui se manifeste par le culte du chef.

Si la droite aime les personnages charismatiques érigés en leaders incontestés et incontestables, la gauche adore interdire et canaliser par le foisonnement réglementaire. Qu’il s’agisse du temps de travail, de la protection sociale, de l’éducation, il convient de soumettre les individus à des choix collectifs uniformes.

Mais autoritarisme de droite ou de gauche, il s’agit toujours d’utiliser l’État comme instrument de coercition. Pour ces gens-là, la violence légitime n’est pas un mal nécessaire mais une bénédiction divine. Par l’intermédiaire de l’État, ils peuvent imposer à tous leur volonté du moment ou leur projet d’avenir.

 

La dictature de la majorité

La dictature de la majorité remplace ainsi peu à peu la démocratie. Qu’est-ce que la démocratie ? Un régime politique dans lequel chaque citoyen a le droit de participer à la désignation des gouvernants et peut les contrôler.

Au cœur de la démocratie se trouve la liberté individuelle. Imposer une contrainte d’égalitarisme social ne relève pas de l’essence de la démocratie mais d’un choix idéologique qui fait glisser lentement la démocratie vers la dictature.

Ce choix idéologique est conforté par la logique majoritaire. La gauche utilise la promesse égalitariste pour obtenir des suffrages comme les tribuns de la plèbe utilisaient leur fonction de façon démagogique à la fin de la République romaine. Car pourquoi faudrait-il donc aller à marche forcée vers « l’égalité réelle » ? S’il y a croissance économique, même faible, chaque citoyen en bénéficie peu ou prou. On n’imagine pas une société dans laquelle une petite oligarchie capterait tous les fruits de la croissance ? Ce serait le meilleur moyen de la stopper. Le mensonge de l’accroissement des inégalités masque opportunément l’enrichissement de tous, pour le plus grand profit des idéologues de l’égalitarisme.

 

Renouer avec la liberté

Le problème n’est donc pas l’égalité.

Une économie de marché bien régulée ne peut fonctionner qu’avec des consommateurs nombreux et solvables. Si un nombre restreint d’individus est marginalisé, les protéger fait partie des fonctions régaliennes de l’État. En choisissant une évolution égalitaire sous contrainte publique, la gauche, depuis un siècle et demi, a placé au second plan le principe fondamental de la démocratie, la liberté individuelle. Nul doute qu’au cours du XXIe siècle, elle sera confrontée à un choix de philosophie politique : poursuivre dans cette voie et abandonner la démocratie ou renoncer à la marche vers l’égalitarisme et renouer avec la liberté.

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  • Dans Elle Normal 1er a fait savoir qu’ « il.n’y a de bonheur que dans l’egalite ». C’etait le titre de son interview.

  • Je partage l idée que la liberté est le plus important et non la lutte contre les inégalités.
    Je voudrais souligner que notre civilisation occidentale ouverte a été une succession de uniformisations et de liberté créatrice. A ce propos concernant la période d uniformisation
    de l’église, ce serait plus précis d utiliser le mot Religion à la place d eglise. En effet ce n est pas le catholicisme de l eglise qui impose l uniformisation, mais la Religion. Ce remplacement appliqué à votre texte, permet aux Musulmans de comprendre ce qui a été à la base du développement occidental : la libération du joug religieux apres une période longue d uniformisation.

  • Comme les deux modèles droite/gauche ont échoué alors rendons la liberté aux individus car ils ont su en faire le meilleur usage depuis qu’ils l’ont conquise. Un net recul de l’Etat est souhaitable, tout en édictant les meilleures lois pour l’épanouissement de tous, mais Liberté est bien le premier mot au fronton de nos mairies. Sinon celle-ci sera recherchée mais avec la sang.

  • « La gauche malade de l’égalitarisme ». Mais non! La Gauche EST l’égalitarisme

    • Aujourd’hui. Bastiat siégeait à gauche…

      • et oui, la définition droite et gauche est une question d’époque:
        actuellement, être de gauche est synonyme de socialisme , lui mème synonyme de collectivisme forcené.

        Les libéraux qui se disent de gauche en référence à une certaine époque ou ils étaient possiblement de centre-gauche(?), sont dangereux car ils sont capables de faire voter pour un groupe parlementaire fortement et majoritairement anti-libéral.

  • Il est un peu abusif de comparer la foi et l’ordre, l’Eglise et l’Etat, mais je comprends que l’histoire et une vision extérieure à l’Eglise puisse suggérer une telle comparaison.

  • Comment prétendre que la gauche, du moins le PS, est égalitaire quand elle est viscéralement attachée au statut fonctionnaire, aux régimes spéciaux de retraite et à celui des intermittents du spectacle entre autres discriminations « sociales » totalement injustifiées ?

    • Cher Consolideur, vous semblez oublier deux choses :
      – D’abord chaque individu (chaque corps social) est rempli de contradictions et les partis politiques ne font pas exception, loin s’en faut. On ne peut donc invoquer un principe de cohérence à leur endroit
      – Ensuite rien – si ce n’est les urnes – n’empêche un parti politique de se comporter en groupe mafieux davantage soucieux du sort de ses membres que du bien commun. Ce fut notamment le cas de la nomenklatura soviétique. Et pour le verdict des urnes, encore faut-il que la campagne électorale ne prenne pas la forme d’une guerre des gangs !

      Les limites de la démocraties tiennent notamment à la qualité de la classe politique et au discernement du peuple !

      • « Les limites de la démocraties tiennent notamment à la qualité de la classe politique et au discernement du peuple ! »

        La qualité de la classe politique tient elle-même du discernement du peuple. Et j’ai bien peur que le « peuple » ne discerne même pas cela …

      • ArKersaint: « Les limites de la démocraties tiennent notamment à la qualité de la classe politique et au discernement du peuple ! »

        Les 600’000 élus le sont avec 1,9 électeur sur 10 en moyenne et à force de prébendes et de corruption ils ont mis le « contre pouvoir » des médias dans leurs poches.

        Je reformule donc: « les limites de la démocratie… c’est que la France n’est absolument pas une démocratie. »

        Le terme démocratie (du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, aujourd’hui souvent interprété comme « souveraineté du peuple », combinaison de δῆμος / dêmos, « peuple » et κράτος / krátos, « pouvoir »

        Le peuple n’a absolument aucun pouvoir ni souveraineté en France et les faiseurs d’opinion des médias relaient la voix de leur maitre étatiste.

  • Le concept de gauche est un héritage topographique dont le contenu est une construction mythologique avec ses saints ,ses martyrs. Il s’agit d’une foi, d’une religion. Les libéraux ont cessés d’être de gauche quand la topographie à l’assemblée a changé et que la mythologie s’est développée.
    Le libéralisme est une pensée (pour une société ouverte), de droite ou de gauche n’a pas de sens. C’est un problème de circonstances , un nominalisme.

    • les socialistes sont fort pour changer la signification des choses simples: ainsi ils n’oppose pas les réformateurs aux conservateurs, de peur que la réforme ne se fassent pas dans leur sens. Ils disent : progressistes….quel progrès !…

  • Pire encore, trop d’égalitarisme tue l’égalité, pas seulement la Liberté.
    Avec le nivellement par le bas, l’école nous produit des crétins incapables de s’intégrer dans l’environnement professionnel.
    Au nom de l’équilibre salarié-employeur, on hyper protége certains et on abandonne des millions de citoyens au chômage longue durée et à la précarité sans fin.

    Espérons l’enterrement de la vieille gauche en 2017 car le pays a besoin d’une gauche et d’une droite mais les deux doivent se moderniser, accepter la mondialisation sans renier pour autant leurs valeurs respectives.

  • Oui, enfin, l’égalité c’est bien pour le peuple ! Pas pour les élites ! La gauche actuelle, c’est comme la russie de 1917 !

  • J’ai du mal à comprendre le raisonnement de l’auteur de cet article. SI l’Eglise a empêché toute évolution technique pour reprendre son propos, alors comment expliquer que ce soit en occident qu’est eu lieu le développements des techniques au cours des siècles, qui ont donné une supériorité technique et militaire à l’occident ?
    Cette vision d’une Eglise bloquant les développements technique, est une de ces idées fausses qui circulent encore chez ceux qui connaissent insuffisamment la période du Moyen Âge. Par exemple, je pense que cet auteur ignore tout de la première Renaissance, la renaissance dite ottono-clunisienne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Renaissance_ottonienne) qui eu sur les esprit un impact au moins équivalent à la Renaissance du 16eme siècle. Et pour rappel, l’ordre de Cluny était un ordre religieux.
    L’auteur semble aussi ignorer le rôle essentiel de l’ordre religieux des cisterciens dans le développement technique de l’occident au Moyen Âge. Les moines cisterciens avaient une capacité à améliorer et surtout diffuser à travers l’Europe via leur réseau de 1300 abbayes toutes les découvertes de l’époque. Il ne s’agissait pas d’une découverte majeure mais à chaque fois, d’une accumulation d’améliorations progressives, diffusées par des moines dont le rôle était de l’apprendre à des abbayes voisines puis ces abbayes, les apprenaient aux suivantes, et parfois en améliorant la technique.
    J’ai du mal à voir ces deux ordres religieux autant impliqués dans un développement économique et technique de l’Europe si, la chose était bloquée par l’Eglise….

    • Bonjour et merci pour ce commentaire.
      Je m’étonnes encore que les gens aujourd’hui s’arrêtent encore à l’image qu’au cours de l’histoire,l’Eglise ait été anti-science.

    • Je suppose que l’auteur pense à l’affaire Gallilée, lequel, c’est bien connu, a été brûlé vif pour avoir soutenu que la Terre n’est pas plate 😉
      C’est plus compliqué.

  • « Les États et les Églises constituent des deux grandes institutions qui, à travers l’histoire, ont toujours cherché à limiter la liberté individuelle. »

    Non, il ne s’agit que des Eglises d’Etat, au même titre que n’importe quelle institution rattachée à l’Etat (écoles, instituts scientifiques, etc…).

    Inversement, les Eglises libres, écoles privées, et instituts scientifiques indépendants militent bien plus pour la liberté. Ce qui est dans leur intérêt, car ils sont en général combattus (et souvent persécutés) par leurs pendants étatiques…

    « L’Église place la foi avant la liberté. »

    Seulement les Eglises d’Etats, les Eglises libres considèrent que la foi chrétienne est une foi de liberté, il n’y a donc aucun sens d’opposer les deux termes.

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