Maroc : la privatisation a-t-elle tué la Samir ?

La privatisation de la raffinerie nationale marocaine était une grande erreur, mais faut-il blâmer le marché ?

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Drapeau marocain (Crédits : Melissa Youngern, CC-BY-NC-ND 2.0)

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Maroc : la privatisation a-t-elle tué la Samir ?

Publié le 9 avril 2016
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Par Hicham El Moussaoui.
Un article de Libre Afrique

Drapeau marocain
Drapeau marocain (Crédits : Melissa Youngern, CC-BY-NC-ND 2.0)

Le 21 mars 2016, le Tribunal de Commerce de Casablanca a annoncé la mise en liquidation judiciaire de la « Samir », seule et unique raffinerie du pays, avec en perspective, si rien ne change, des conséquences socio-économiques négatives non négligeables (créances perdues pour les banques, chômage, précarité, et tensions sociales). Pour le chef du gouvernement actuel et pas mal de responsables et d’observateurs, la privatisation de la raffinerie nationale, en 1997, était une grande erreur laquelle explique la débâcle actuelle. Mais, peut-on vraiment mettre ce drame sur le compte de la privatisation ?

Irrégularités lors de la cession

Pour incriminer la privatisation en soi, encore faut-il que cette opération ait été faite dans les règles de l’art. Or, plusieurs irrégularités ont entaché la cession. D’abord, la Samir a été bradée. Déjà à l’époque, on contestait le prix de cession, en-dessous de la valeur réelle du marché.

Les responsables n’ont pas assez fait jouer la concurrence entre les différents candidats, puisque la cession a été menée de gré à gré avec le groupe saoudien, Corral Petroleum, propriété du saoudien Hussein Al-Amoudi. Ensuite, le ministre chargé des privatisations à l’époque, Abderrahmane Sâaïdi, s’est dépêché de faire un contrat de réalisation de la transaction moins contraignant que les conditions techniques définies dans l’appel d’offres initial. Enfin, les différentes opérations de privatisation devaient faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation rigoureuse des engagements contractuels notamment, en matière d’emploi et d’investissement.

Chose qui a été rarement pratiquée, en l’occurrence dans le cas de la Samir. Mais cerise sur le gâteau, le ministre des Privatisations de l’époque, qui eut à négocier les conditions de la cession de la Samir avec le repreneur saoudien, et qui est le représentant des intérêts de l’État, s’est retrouvé propulsé du jour au lendemain directeur général de la Samir. Que fait-on du conflit d’intérêt ? Que fait-on du délit d’initié ?

Ainsi, le mode de cession est truffé d’intrigues, de malversations et d’irrégularités, qui ont déjà tué dans l’œuf les chances de succès de cette privatisation. Car le souci des responsables à l’époque était de ramener du cash le plus vite possible pour soulager les finances publiques, ce qui leur a fait oublier de respecter certains préalables requis pour réussir toute opération de privatisation, et donc faire émerger des entrepreneurs productifs, et pas des rentiers.

Trois prérequis

Le premier est de disposer d’un État de droit garantissant le respect des dispositions légales et éthiques dans l’opération de cession pour ne léser personne : ni les intérêts du pays, ni ceux des candidats à la reprise. Malheureusement, l’état de corruption endémique, à l’époque ou aujourd’hui, le mélange incestueux entre le politique et le business, le flou juridique entourant les responsabilités des uns et des autres, l’asservissement de la justice, l’opacité, et l’absence de contre-pouvoir du moins leur silence, ont favorisé la conclusion de transactions douteuses où les intérêts particuliers ont damé le pion à l’intérêt général.

En offrant la sécurité juridique, l’État de droit est primordial pour réussir la privatisation car il garantit l’égalité des chances, faute de quoi on ne fait que remplacer un monopole public par un monopole privé ou une oligarchie. Entre choléra et peste, difficile de choisir.

Le deuxième prérequis est la liberté des prix. À l’époque et jusqu’en 2013, année d’introduction de l’indexation partielle, les prix étaient fixés par l’administration. L’absence de flexibilité des prix a créé une incertitude sur les droits d’usufruit sur les biens et services produits. En conséquence, le contrôle des prix tue l’incitation à l’investissement car il réduit la marge de profit. Mais si la marge bénéficiaire a été limitée, comment Al-Amoudi faisait des bénéfices exorbitants ?

Précisons ici qu’une raffinerie n’est rien, car se trouvant en aval de la chaîne. Ce qui compte, c’est l’amont. Al-Amoudi réalisait l’essentiel de ses bénéfices non pas grâce à la Samir mais en fournissant du pétrole brut de façon privilégiée et dans des quantités au-delà de la proportion normale à la Samir grâce à son réseau. Et puis n’oublions pas que jusqu’en 2002, Al-Amoudi profitait d’une rente confortable grâce à son monopole garanti par l’interdiction des importations de produits raffinés à l’étranger. Ceci explique sa faible incitation à investir dans la raffinerie, ou du moins à partir de ses propres capitaux.

Enfin, le troisième prérequis est la garantie d’une libre concurrence grâce à un cadre institutionnel sanctionnant la création de cartels, d’ententes ou de monopoles, ce qui permet l’émergence d’un secteur privé compétitif. Mais dans le deal initial, le gouvernement marocain a eu le génie d’accorder à Al-Amoudi le monopole de livraison des produits pétroliers raffinés.

D’aucuns diront que c’était nécessaire pour pouvoir amortir les coûts fixes. Soit, mais pas un monopole pendant 15 ans ! L’absence de concurrence a un effet néfaste sur le marché puisque les biens seront de moindre qualité et plus chers. Exactement ce qui s’est passé avec la Samir, puisque les distributeurs locaux se plaignaient toujours de la cherté et la mauvaise qualité des produits raffinés de la Samir.

Dès lors, nos responsables doivent cesser de faire de la privatisation leur bouc émissaire. La faillite de la Samir n’est pas celle de la privatisation en soi, mais de tout un ensemble de manquements publics et privés. On ne peut pas se retrouver endetté de 43 milliards de dhs, du jour au lendemain, sans pour autant remarquer certains signes annonciateurs.

Où était l’État qui a laissé le groupe saoudien accumuler une dette de 13 milliards de dhs, qui plus est sous forme de taxes non payées ? Où étaient les banques qui lui ont prêté plus de 8 milliards de dhs, souvent sans prendre même des hypothèques ? Où étaient les institutionnels qui ont souscrit les titres de la Samir ? Où étaient les commissaires aux comptes, le gendarme de la bourse et la Banque Centrale pour tirer la sonnette d’alarme et prévenir les banques sur le risque encouru ?

Les Marocains doivent rester vigilants et ne pas se tromper de cible : les privatisations demeurent un simple outil qui, pour produire leur meilleur effet, ont besoin que l’on en fasse un bon usage. Quand le menuisier est maladroit, on ne se retourne pas contre le marteau.

 

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  • Excellent et très bien rédige

  • Rentabilité de la SAMIR
    Le raffinage de pétrole au Maroc est rentable: la Banque Mondiale l’a démontré en 1995 dans l’étude approfondie préalable à la privatisation de la SAMIR (étude toujours disponible chez la BIRD). La gestion par un management local, de 1995 à 2005, l’a prouvé: un EBITA qui avoisinait le milliard de dirhams et permettait une trésorerie très confortable et un endettement nul, en plus de la distribution de substanciels dividendes (archives disponible à la Bourse de Casablanca). Depuis, c’est la gestion directe par Corral a été hasardeuse et à mené la société à la faillite. Alors, arrêtons le « SAMIR bashing »

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