Par Anthony Alberti.
Ayant récemment promis de surtaxer les CDD pour éteindre la grogne des syndicats étudiants, Manuel Valls fait jouer une étrange partition à son gouvernement, à contre-pied des engagements pris au niveau européen en faveur de la flexibilité de l’emploi. Et cette incursion brutale dans un domaine qui ne lui appartient pas — les négociations entre les partenaires sociaux — risque en plus de crisper ceux-là même qu’il devrait justement ménager pour espérer faire passer ses mesures.
La petite chorégraphie est désormais bien rodée. Le pas est sûr et l’hésitation des débuts a disparu. Aujourd’hui, le gouvernement est passé maître dans l’art des volte-face, pas chassés et autres figures d’esquive qui ont transformé la politique française en véritable danse de salon. Dernier morceau joué, celui du contrat de travail, dont la loi El-Khomri aurait dû sonner la réforme tant attendue. Un projet de loi qu’on a su cependant si bien dépecer qu’il n’en reste plus grand chose, à peine un os à ronger. Ou plutôt… à ranger, dans les placards de la République qui regorgent de projets avortés en vertu d’un principe élémentaire : si c’est démagogique ET que ça plait aux syndicats, alors ça passe ; sinon, ça casse.
Un pas à droite, un pas à gauche
Lorsque le projet de loi El-Khomri fut annoncé, l’aile gauche de la majorité a crié au scandale, tandis que l’opposition restait sans voix devant le côté libéral du texte. Après avoir été si souvent vilipendé, voilà que le patronat obtenait des concessions de la part d’un gouvernement traditionnellement peu enclin à lui faciliter la vie. D’autant que, n’en déplaise aux syndicalistes, ce projet de loi, même encore imparfait, donnait de vraies bonnes pistes pour l’amélioration de l’emploi en France, y compris pour les jeunes.
Bon, pour être tout à fait exact, le gouvernement n’a pas vraiment eu le choix. Ce projet de loi, cela faisait trois ans qu’il aurait dû sortir, sous la pression d’une Union Européenne qui trouvait que la France mettait décidément beaucoup de temps à entrer dans le XXIe siècle au niveau de l’emploi. Car, en dépit de ses démonstrations publiques où il se présentait comme le toréador de l’arène politique européenne, François Hollande a vite compris qu’il allait devoir se plier aux consignes de Bruxelles en matière de réformes. Et surtout que la refonte du Code du travail devenait, non plus une recommandation, mais une véritable exigence.
Dès lors, le problème de François Hollande, ce n’était pas tant la réforme en elle-même que les conséquences politiques qu’elle allait avoir sur sa propre image. Pensez donc, un président socialiste obligé de revoir l’un des modèles fondateurs de la gauche française, ces fameux acquis sociaux nés des luttes syndicales du début du XXe siècle. Une véritable trahison de parti dans laquelle il a dû entraîner Manuel Valls, fidèle second couteau dont « l’orgueil ibérique, l’autorité ombrageuse et l’ambition en bandoulière » (c’est le Nouvel Obs qui le dit) lui ont néanmoins permis de laisser (provisoirement ?) de côté les profonds désaccords qui opposent en réalité les deux hommes (Nicolas Sarkozy voulait Valls dans son gouvernement d’ouverture en 2007 et ce dernier s’était présenté contre Hollande aux primaires socialistes de 2012).
Est-ce justement parce qu’ils ne sont pas amis (leur alliance est 100% politique, se plait-il à affirmer dès 2012) que Valls n’hésite pas à suivre Hollande dans ses errements politiques, quitte ensuite à jouer la carte de la fidélité pour se dédouaner d’une quelconque responsabilité lorsqu’il sera temps de faire les comptes ? Toujours est-il que le Premier ministre était même prêt à porter lui-même la Loi Travail sur les fonts baptismaux. Et sans la fronde de la rue, c’est ce qui se serait passé. Or, il a fallu composer. Qu’à cela ne tienne, l’homme connaît la musique.
Premier temps : retrouver les faveurs de l’électorat de gauche
Les syndicats étudiants et lycéens (téléguidés par leurs aînés de la fonction publique qui ont en sainte horreur la simple idée de réforme, quelle qu’elle soit) sont donc sortis dans les rues pour demander l’abrogation de la loi Travail. Non contents de ne l’avoir sans doute jamais lue, ils avaient certainement oublié aussi qu’on n’abroge pas de loi qui n’a pas encore été votée. De la même façon, peut-être un effet de la fatigue, certains manifestants ont fini par demander l’abrogation… du travail. Économie de mots ou véritable lapsus idéologique, il n’empêche que Manuel Valls les a entendus et leur a proposé une entrevue au cours de laquelle il a promis de l’argent (tout le monde a un prix, ici ce sera 500 millions d’euros par an) mais aussi une surtaxation du CDD, dans le but d’amener les employeurs à renoncer à ce type de contrat. Autant dire, à renoncer à embaucher tout court, mais c’est une autre histoire…
Les uns sont donc rentrés chez eux rassurés et les autres débarrassés d’un problème. Certes, il reste bien quelques noctambules qui campent dans les rues pour demander on-ne-sait-plus-trop-quoi, mais s’ils se présentent comme le noyau dur de la fronde des dernières semaines, la réalité c’est que les « Nuit Debout » constituent juste un reliquat contestataire, simple stigmate politique d’une extrême-gauche qui n’a plus que ce moyen pour se faire entendre. De pauvres troufions abandonnés par une idéologie sans-domicile-fixe dont les mots n’ont plus guère de sens à l’heure de l’Union Européenne, de la monnaie unique, de l’économie disruptive et du commerce mondialisé.
Second temps : préparer malgré tout la réforme
Car réforme il y aura. Pas le choix. Tout le monde sait bien que les promesses de Valls ne peuvent pas être tenues sans remettre en question la légitimité-même de la France au sein de l’Union Européenne. Que signifierait la surtaxation du CDD alors que le gouvernement a récemment permis qu’on le renouvelle deux fois, au lieu d’une seule précédemment, au nom de la nécessaire flexibilité du travail ? Quel message enverrait le gouvernement à l’économie de marché en accroissant encore un peu plus le coût du travail en France ? Enfin, comment expliquer aux partenaires européens qu’on refuse de faire les efforts qu’on exige des autres (Espagne, Grèce, Italie…) et qu’on préfère continuer à donner des garanties en interne sur l’intangibilité du CDI, considéré par les autres pays comme une relique d’un passé économique hélas révolu ?
Le défi de Manuel Valls est donc double :
- rassurer les partenaires sociaux (objectif que sa proposition sur le CDD en pleine période de négociation paritaire a manifestement compromis) tout en donnant des garanties à Bruxelles qui fait de plus en plus ouvertement pression pour libéraliser le travail à l’échelle communautaire ;
- mais aussi poursuivre le train de réformes indispensables pour que la France reste crédible dans l’Union Européenne, sans pour autant donner l’impression qu’il sert la soupe au patronat.
Visiblement, l’exercice est de plus en plus délicat et il devient difficile de savoir si le Premier ministre nous dévoile son art de la danse politique, maîtrisant chacun de ses pas selon une chorégraphie dont il est visiblement le seul à connaître la mesure… ou bien s’il est juste en train de tituber, ivre d’ambition comme d’inconséquence.
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les cdd sont utiles ; ils permettent de travailler au lieu de glander , et cela peut être un enrichissement puisque l’on peut aller dans différentes entreprises ou l’on apprendra toujours quelque chose de nouveaux ; le côté moins sympa est qu’avec des cdd on ne peut pas engager de dépenses sur le long terme ( crédit pour l’achat d’une voiture par exemple 😉 par deux fois dans ma vie j’ai obtenu un cdi aprés avoir accumulé des cdd , qui duraient depuis neuf ans quand même …..j’ai travaillé deux ans dans les terres en cdd , j’ai appris beaucoup de choses ….comme quoi n’est ce pas …..
En Afrique, ces questions de cautions se traitent souvent par des associations de quartier de soutien mutuel, tontines ou bancs villageois. Evidemment, une telle chose serait soumise à enquête administrative en France, voire condamnée pour exercice illégal de la profession de banquier.
Ça n’a pas d’importance parce que ça fonctionne bien en Afrique, et qu’ici, une banque qui ne prête pas sans garantie exagérée finira par accumuler de la monnaie à la BCE où elle « touchera » un intérêt négatif.
J’ai fait pas mal d’interim en commençant à travailler et je n’ai jamais demandé de crédit, tout au plus des 3 ou 4 fois sans frais pour l’équipement du logement et ce il y a une vingtaine d’années quand l’électroménager était 2 fois plus cher que maintenant… et la raison est que je n’avais pas de visibilité plus loin que 6 mois : ça s’appelle être responsable. Mon permis et ma voiture je me les suis payés en fonction de mes moyens. Faut arrêter de croire que c’était mieux avant, j’allais au boulot à pied.
Non, avant, c’était moins bien mais les gens n’étaient pas plus malheureux.
Et pour la gestion domestique, c’est sûr, il faut prévoir un peu: comparer ses revenus à ses charges obligatoires: ça donne une bonne idée du budget, penser à épargner régulièrement: « il faut toujours avoir une poire pour la soif » disait-on, chez moi (une réserve en cas de coup dur). Il ne faut pas être « radin » mais ne pas se laisser tenter par l’inutile, même si le prix est réduit! Et maintenant, en cas d’achat stupide, on peut revendre sur internet, comme tout ce qui nous encombre et dont on n’a plus besoin (vendre ou donner, d’ailleurs).
Attention au cartes de payement: il n’est pas normal d’emprunter pour vivre, comme ont fait les surendettés. Et la bonne idée, c’est de faire son échéancier pour ne pas devoir payer 2 ou 3 assurances le même mois que le tiers provisionnel.
Faudrait savoir : 1er message vous dites que les banques ne prêtent pas sans garantie, 2ème message vous dites que les gens se surendettent… Un peu de cohérence !
Manuel Vals ressemble à un médecin incompétent qui prescrirait des médicaments contre une maladie mal ou bien diagnostiquée mais, qui voyant les effets secondaires néfastes, en plus d’absence de guérison, prescrirait des médicaments en plus pour supprimer ces effets secondaires. A la fin, le malade n’en peut plus et soit arrête tout, soit finit par en mourir.
Dulieu tu as fais une très très bonne comparaison ces gens sont fous alliés
@ Dulieu
C’est clairement plus facile que de reconnaitre son erreur, ce qui n’existe pas en politique!
j’avais écrit un article de 500 lignes mais ce serait indigeste à lire, il faut seulement comprendre que toutes ces mesures totalitaristes contraires à toute forme de libéralisme n’ont qu’un seul objectif, contrôler la société. Une personne en CDD est un électron libre pour la société actuelle : il faut s’en débarrasser ou l’inciter à rentrer dans un schéma plus traditionnel ou sa vie sera conditionnée à l’instant ou il signera son CDI.
Car telle est la réalité, beaucoup sont libéraux ici, mais combien sont prêts à renoncer à tout ce qu’ils ont acquis (salaire en fonction de l’ancienneté du travail etc) pour revenir à un schéma dans lequel chaque personne sera rémunérée en fonction de ses réelles compétences, ainsi que de son travail.
Pour un état il est beaucoup plus facile de maintenir la paix sociale non pas en taxant les riches comme tout le monde le croit mais en exploitant le travail de certains pour le donner à d’autres, ainsi le type de 56 ans qui a un quotient intellectuel de 80, aucune formation, aucune notion en management aura quand même la possibilité de devenir chef d’équipe et d’avoir un bon salaire car le jeune talent qui a rejoint l’entreprise et qui n’a que 18 ans touchera lui le smic. et tout le monde s’en accommodera car le jeune n’a pas encore connu autre chose et surtout parce qu’il est seul face à cette société que personne ne remettra en cause au risque de perdre les carottes obtenues.
Typiquement nous avons un peu le même exemple avec la mesure totalement inconstitutionnelle et discriminatoire sur le RSA, pour tous sauf pour les – de 25 ans.
Quand je lis votre témoignage j’ai vraiment l’impression que les salariés ne sont pas conscients de leurs compétences et de l’intérêt qu’ils suscitent de la part de leur employeur. Il faut très souvent essayer plusieurs candidats pour en trouver un valable. Vous ne le savez peut-être pas mais bien souvent quand on s’en remet à une agence de travail temporaire ou un sous-traitant on s’arrange pour demander un intervenant qui nous a satisfait précédemment. De même beaucoup de chefs d’entreprise et de cadres, voire d’employés ont hâte de retrouver une personne après un accident ou un arrêt maladie. Cela veut dire que les salariés ont une vraie importance dans le processus de production et donc une valeur.
Comme dit par ailleurs 80% des salariés dans le privé sont payés au-delà du minimum conventionnel et c’est bien la preuve que contrairement à ceux payés au SMIC ils ont encore une valeur positive une fois payés.
Concernant la prime d’ancienneté, (quand elle n’a pas été dénoncée et intégrée dans le salaire) il ne faut pas se leurrer, si l’employé ne mérite pas son salaire la remise à niveau s’effectue en négatif à travers les augmentations individuelles qui lui passeront sous le nez : c’est une façon de faire savoir au salarié qu’il vaudrait mieux qu’il cherche du travail ailleurs.
Sur votre senior qui passe chef d’équipe à l’ancienneté ça doit uniquement concerner les ouvriers d’état ou les collectivités territoriales, perso ayant pas mal bourlingué je n’ai jamais vu ça : un chef doit avant tout être capable d’organiser le travail de son équipe et même un ouvrier très qualifié remplit parfois difficilement cette tâche : ce sont des compétences différentes.
Globalement je trouve que vous avez une idée de l’entreprise qui date de plus d’un demi-siècle. Les talents, même de 18 ans sont très vite repérés car c’est dans l’intérêt de l’entreprise qui est même prête à payer la formation : il n’y a qu’à voir le succès des formations (même d’ingénieurs) en alternance à l’issue desquelles les salariés sont embauchés par l’entreprise.
PS : un QI de 80 c’est à la limite d’un débile léger !
Mon épouse, étrangère, naturalisée cette année après 10 ans de séjour, a d’abord travaillé 5 ans comme nounou à domicile. Elle a stoppé 3 ans quand nous avons eu nos 2 enfants. Elle a commencé à vouloir retravailler il y a 2 ans. Nous pourrions vivre sans car j’ai un bon CDI mais elle tenait à avoir une activité et une certaine indépendance financière.
Impossible de retrouver un emploi de nounou. Hollande était passé par là avec suppression des avantages fiscaux. Toutes ses amis nounous lui ont fait part de la difficulté d’avoir un boulot déclaré. Beaucoup étaient passée au black.
Nous sommes passés par Pole Emploi avec une perte de temps à remplir des formulaires, CV et répondre à des annonces sans aucun retour.
Puis par relation, elle a commencé à trouver des petits boulots en extra dans les hôtels parisiens . Sur août, septembre et octobre c’était du temps plein. Les attentats ont vidé les hôtels ce qui fait que décembre a été un mois très creux. Son réseau d’amis et de connaissances au travail s’agrandissant elle trouvé des CDD dans 2 entreprises de blanchisserie pour hôtel et vêtements industriel. Mars et Avril auront été à temps plein. Elle a même du refuser des offres.
Au final plus mon épouse travaille, plus elle a d’opportunités. Le travail n’est pas toujours facile et c’est au smic.
Apprendre que l’on risque de taxer les CDD (qui sont déjà plus chers avec la prime de précarité) et d’aggraver ainsi la pénurie d’emploi me consterne.
Merci du témoignage. Pour les emplois à domicile c’était vraiment évident que ça allait favoriser le black. Ils viennent de s’en rendre compte et bonjour l’instabilité fiscale, un coup dans un sens, un coup dans l’autre.
Vals ne sait plus où il habite. Ses coups de menton n impressionnent plus personne et il est complètement désemparé. Il est éreinté, ne décolère pas et ne peut plus faire qqch d’utile. Une ou deux années sabatiques avec un revenu egal au smic lui remettrait la tête sur les épaules.