Par Hervé Guyader.
Un article de Génération Libre
Cela n’a échappé à personne, les États-Unis campent sur une position de refus d’ouvrir leurs marchés publics aux Européens. Vivant sous l’empire du Buy American Act de 1933, l’ensemble de leurs marchés publics est réservé aux entreprises américaines manifestant ainsi un protectionnisme à nul autre pareil. La position européenne est, elle, beaucoup plus ouverte puisque près de 70% des marchés publics européens peuvent être captés par des entreprises étrangères.
Le déséquilibre est d’ores et déjà patent même si la pratique favorise souvent les entreprises nationales qui savent répondre aux multiples et pointilleux critères des appels d’offres. Au-delà des points techniques déjà redoutables, ces commandes publiques exigent le respect de nombreux critères. Le Code des marchés prévoit en effet la possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de prévoir des clauses sociales et environnementales obligatoires. Il n’y a là aucun protectionnisme déguisé, mais juste la manifestation de la complexité des appels d’offre qui requiert une fine connaissance doublée d’expériences pour y répondre correctement.
Un protectionnisme américain hostile à la concurrence
La fermeture des marchés publics américains doit être précisée au vu du régime fédéral de l’État américain. Le Buy American Act concerne les achats du gouvernement fédéral pour les marchés publics de fourniture et de construction (mais pas de service). Toutefois, si un contrat de fourniture de services prévoit également la fourniture de biens, le Buy American Act trouve alors à s’appliquer.
À cela s’ajoute un arsenal de textes visant à soutenir les industries américaines et donc à handicaper la concurrence : le Small Business Act de 1953, par exemple, impose à l’administration de réserver aux PME/PMI 23% de ses marchés publics fédéraux directs et 35% des contrats de sous-traitance de ses maîtres d’œuvre industriels.
À côté des marchés publics fédéraux existent les marchés publics étatiques, ceux des 51 états qui constituent les États-Unis. L’impossibilité de candidater à un marché public fédéral n’est donc pas si grave s’il est possible de concourir aux autres. Sauf que chaque état édicte des règles qui finalement reviennent au même.
TAFTA/TTIP : du principe de réciprocité dans le commerce international
Il est clair qu’en l’état actuel, la position américaine ne peut conduire qu’à un durcissement tout à fait légitime de la position française qui ne cesse de dire que la signature du TTIP s’éloigne durablement. Le droit du commerce international ne peut se déployer que dans le respect du principe de réciprocité.
Il est simplement triste de constater que nos gouvernants découvrent, un peu tard, que les Américains sont hyper protectionnistes. Il eut fallu, dès les prémices, appréhender cette question et poser avec fermeté nos conditions pour un accord juste. Nul ne s’offusque, dans des négociations d’une telle envergure, que les débats soient âpres. L’exception culturelle française a su être posée !
Différentes pistes sont pourtant envisageables. Déjà, les services publics américains n’existent presque pas en l’état en comparaison de la France. Il y a donc tout un pan de l’économie que nos entreprises pourraient capter. Ensuite, s’agissant du Buy American Act, si les américains restaient verrouillés sur son application fédérale, il faudrait leur arracher le fait que nos entreprises ont le droit de concourir à armes égales avec les américaines pour les marchés publics étatiques.
Addendum
Même si les systèmes juridiques divergent fortement et que la comparaison en résultant est forcément tendancieuse, il est possible de se référer au sort réservé aux marchés publics dans l’ALENA entre le Canada et les États-Unis ainsi qu’au droit de l’OMC. En effet, le Canada est signataire de l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC.
Aux États-Unis, 37 états sont régis également par cet accord. En résulte que les règles sur les marchés publics doivent être les mêmes pour les produits canadiens comme pour les produits américains. En outre, la liberté d’accès au marché est maintenue à l’échelon fédéral, dans la mesure où la valeur du contrat principal est supérieure au seuil établi par l’OMC (actuellement fixé à 7,864 millions $US).
Toutefois, l’AMP de l’OMC ne donne pas libre accès aux marchés publics municipaux. Conformément à l’ALENA, les produits et les fournisseurs canadiens ne sont pas visés par les dispositions Buy American si l’achat est fait directement par un ministère ou un organisme fédéral américain inscrit sur la liste des États-Unis et que la valeur du marché excède les seuils prévus dans l’ALENA (seuils actuellement fixés à 25 000 $US pour les produits, à 79 507 $US pour les contrats de services, et à 10 335 931 $US pour les services de construction).
—
À côté des marchés publics fédéraux existent les marchés publics étatiques, ceux des 51 états qui constituent les États-Unis
Il y’a 50 états aux USA pour le moment 🙂
Le 51ème est le terme utilisé pour les territoires candidats à l’adhésion. (ou pour désigner l’Angleterre )
Si les Américains veulent se tirer une balle dans le pied en appauvrissant leurs citoyens par le protectionnisme, on ne voit pas pourquoi les Européens devraient faire de même.
Depuis Bastiat, Cobden, Chevalier, etc., on sait que le libre commerce unilatéral favorise la nation – et ses citoyens – qui le pratique.
Pour les « forcer » à encore plus nous enrichir.
Le round de négociations sur les marché publics vient tout juste de démarrer en Fev 2016 et c’est complètement idiot de fustiger les positions des uns et des autres. C’est à partir des positions de base que se fait la négociation. On aimerait entendre la même chose sur la position européenne sur les OGM par exemple.
Sinon une perle de Génération Libre :
« Le Code des marchés prévoit en effet la possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de prévoir des clauses sociales et environnementales obligatoires. Il n’y a là aucun protectionnisme déguisé… » : La bonne blague !
Il y a un presse release fait régulièrement par l’UE. Voilà celui d’avril 2016:
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2016/april/tradoc_154477.pdf