Par Éric Verhaeghe.
Le MEDEF est-il un discret allié du gouvernement dans l’élaboration de la loi Travail ? Plusieurs indices ont d’ores et déjà rappelé que, pour la confédération patronale, le texte était loin d’être aussi cataclysmique que son président ne l’a dit. Le report de toute décision sur la ligne à suivre annoncé lundi a confirmé le profond dilemme auquel les grandes entreprises sont confrontées aujourd’hui.
La ligne Gattaz contestée au MEDEF
Pierre Gattaz avait plusieurs bonnes raisons de se réjouir du texte gouvernemental. En premier lieu, ce texte faisait la part belle au poids du MEDEF dans le monde patronal, en lui majorant automatiquement ses voix de 20%. Certes, les députés ont écarté cette disposition dans l’attente d’un meilleur accord entre les parties patronales. Mais, pour Gattaz, ce seul motif valait bien un soutien discret.
En outre, le texte apporte d’importantes avancées pour les grandes entreprises qui font l’élection du président du MEDEF. Il permet, à ce stade, de nombreuses dérogations à la loi par accord d’entreprise, en excluant les PME de ce privilège. Comment refuser un tel cadeau ?
Face aux hésitations de Gattaz, c’est la base qui a commencé à gronder. En particulier, le risque d’une surtaxation des CDD a beaucoup ému les entreprises qui consomment volontiers cette formule. C’est d’ailleurs sur ce point que surfe habilement la CGPME, avec son opération Patrons Vent Debout ! Les entreprises inquiètes de cette surtaxation ont exigé de Pierre Gattaz une réaction ferme vis-à -vis des dérives du texte.
Gattaz se cornerise tout seul
De façon assez inattendue, Pierre Gattaz a donc répondu à l’attente de ses adhérents en… menaçant de boycotter la négociation sur l’assurance chômage. Beaucoup, dans le monde patronal, ont été désarçonnés en découvrant dans la presse cette annonce tonitruante.
Pour le MEDEF, la menace est particulièrement absurde. La convention assurance-chômage est en effet un texte purement paritaire. Il n’est pas contresigné par le gouvernement. Certes, l’État apporte sa garantie aux emprunts (colossaux) de l’UNEDIC, ce qui fait de lui un interlocuteur absent, mais pesant, dans les négociations. Formellement, néanmoins, menacer de quitter une table paritaire en rétorsion contre l’attitude d’une partie qui n’est pas prenante au débat est absurde.
Pire : le boycott du MEDEF dans cette négociation est un pousse-au-crime. Le départ du syndicat légitimerait en effet une reprise en main du dispositif par le gouvernement. Celui-ci, sous la férule de Valls, a commencé à mettre plusieurs pieds dans le processus en intervenant directement sur le régime des intermittents. Plusieurs années auparavant, la création de Pôle Emploi avait constitué une première immersion forte dans le système. Une sortie du MEDEF signerait la fin du paritarisme dans la gestion du régime-chômage.
Le sparadrap Gattaz colle aux mains des patrons
Voilà donc le monde patronal prisonnier de la promesse gasconne de Gattaz (une de plus) et bien embarrassé pour agir. De deux choses l’une : ou bien le MEDEF se désolidarise complètement du texte El-Khomri (notamment parce que le rôle des accords d’entreprise est vidé de tout contenu) et on voit mal en quoi déserter la négociation assurance-chômage servirait la cause. Au contraire, il vaudrait mieux rester pour peser dans le sens inverse de celui voulu par le gouvernement. Ou bien le gouvernement rencontre les demandes du MEDEF (par exemple en actionnant le 49-3), et le MEDEF n’aura plus guère le choix : il sera de fait engagé à signer n’importe quelle convention assurance-chômage.
Dans tous les cas, l’impulsion de Gattaz se révèle difficile à gérer et ne fait guère l’affaire des PME, qui ont vraiment besoin de desserrer l’étau réglementaire pour retrouver des marges de manœuvre internes.
Une fois de plus, le duo privilégié que le gouvernement forme avec le MEDEF joue un vilain tour aux entreprises de croissance en France.
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Le MEDEF est un allié utile dans la mesure où il y a des liens entre les très grandes entreprises et les milieux médiatiques.
Au delà des effets d’annonce, des discours et jusqu’au nom des lois on ne peut constater que texte après texte, décret après décret et règlement après règlement ce sont au final les petites entreprises et les indépendants qui sont soumis à un traitement coercitif et discriminatoire.
La volonté de tout l’appareil d’état et de l’économie qui gravite autour de lui, glacis des acteurs dits représentatifs inclus, mais aussi de toutes les instances supranationales ou plus généralement celles qui sont détentrices de fait ou de droit du pouvoir d’imposer leur ordre n’ont eu de cesse depuis maintenant des années de laminer le fondement du privé et des droits individuels.
Il n’y a simplement aucune exception. Ce sont toujours un amendement de dernière minute, un renoncement, un décret d’application qui vient ou ne vient pas, une nouvelle « lubie », une incompétence revendiquée en moquerie d’excuse transparente. Mais au final le résultat va toujours dans le même sens.
Je croyais que le Medef reconnaissait les petites entreprises car elle en avait un représentant. Qu’en dit-il? (C’est M. Lanxade si je ne m’abuse)