Par Diego Zuluaga.
Un article de l’Institut économique Molinari
Le 1er août 1981, le lancement de la chaîne MTV révolutionnait le monde de la musique. La toute première vidéo diffusée sur cette chaîne télé 100 % musique, Video killed the radio star des Buggles, traduisait bien le défi que MTV posait aux médias traditionnels. « On ne peut retourner en arrière, on est allé trop loin/Les images sont arrivées et t’ont brisé le cœur/Alors accorde le blâme au VCR » regrettait le chanteur. Cette chanson nous parle de l’évolution technologique et de la façon dont elle peut changer radicalement la situation concurrentielle sur un marché.
Pour celles et ceux nés dans les années 80 ou 90, ce titre des Buggles paraît bien vieux. Pas seulement à cause du côté vieillot du morceau (synthétiseur et voix de robot), mais aussi parce qu’il parle de technologies qui ont disparu. À l’aube de l’an 2000, les cassettes vidéo et les magnétoscopes ont ainsi été balayés par les DVD et les lecteurs DVD, qui à leur tout ont été remplacés par des formats de meilleure qualité comme le Blu-ray, et surtout, par les services de streaming comme Netflix, Amazon Prime et Spotify.
Celui qui prend l’avantage au départ a la grande part du marché
À chaque étape de cette évolution technologique, des challengers ont réussi à s’emparer rapidement d’une grosse part de marché. Pourquoi ? Parce que dans une industrie basée sur l’innovation, « winner-takes-all » : celui qui prend l’avantage dès le début finit par avoir une grande part du marché, tout au moins pendant quelque temps.
Au cours de ces 30 dernières années, nous avons pu observer à de maintes reprises ce cycle Innovation/Concurrence/Domination du marché, immédiatement suivi d’une nouvelle vague. Ce fut le cas sur le marché des magnétoscopes, où la VHS de JVC l’a finalement remportée sur le Betamax de Sony. Le scénario s’est répété entre Apple et Microsoft autour des logiciels, concurrence finalement remportée par ce dernier avec Windows. Et plus récemment, les moteurs de recherche sont à leur tour entrés sur le ring et Google a remporté la victoire sur Bing et Yahoo !
Au tour du mobile
Ce cycle touche aujourd’hui le mobile. Il est tentant de considérer Android comme un monopole qui menacerait d’entraver la libre concurrence en imposant l’usage des applications Google au détriment de celles des concurrents. Telle est en tout cas la position prise par la Commission européenne, qui a envoyé récemment une notification de griefs à l’encontre d’Android, soupçonnant Google d’abus de position dominante avec son système d’exploitation. Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, est allée jusqu’à comparer cette enquête au dossier Microsoft du début des années 2000, une déclaration qui en dit long sur la suite qu’elle envisage donner au dossier Android.
Toutefois, l’analyse de la Commission omet quelques points importants. S’il est vrai qu’Android détient un peu moins de 75 % du marché des systèmes d’exploitation sur mobiles, contre 19,5 % pour Apple et 5,5 % pour Windows Phone, leurs business models sont quelque peu différents. Apple a opté pour une intégration verticale entre son logiciel et ses terminaux, alors que Google travaille avec des fabricants indépendants en leur offrant différentes options en ce qui concerne la pré-installation des applications Google.
Livrés sans les applis
En d’autres termes, les fabricants de téléphones Android bénéficient d’une plus grande flexibilité, ce qui explique d’ailleurs pourquoi certains décident de ne pas préinstaller les applications Google. En Chine, par exemple, 70 % des smartphones Android sont livrés sans ces applis. En outre, s’ils décident d’incorporer les services Google, les fabricants augmentent la compatibilité et l’interopérabilité entre les appareils, offrant ainsi plus de possibilités aux utilisateurs de téléphone. Il n’est donc pas du tout évident que la position d’Android sur le marché soit mauvaise pour la concurrence et le choix des utilisateurs.
Mais il faut aussi pousser la réflexion plus loin. En se développant ces cinq dernières années, le marché des logiciels mobiles, et la part d’Android sur celui-ci, a éclipsé un marché adjacent qui préoccupait auparavant beaucoup les régulateurs : celui des logiciels pour PC, sur lequel Microsoft exerçait une emprise sans précédent. Pourtant, qui peut prétendre aujourd’hui que Windows est en position dominante, et encore moins qu’il peut avoir une incidence sur la concurrence au sein du marché des logiciels ?
Aucune part de marché ne peut protéger les leaders
Telle est la leçon fondamentale à tirer de plus de trente ans d’innovation continue dans le secteur des médias et de l’informatique : dans ces secteurs extrêmement dynamiques, aucune part de marché ne peut protéger les leaders contre la pression concurrentielle des nouveaux venus, qu’ils proviennent du même secteur ou d’ailleurs. Message aux régulateurs : ne laissez pas Android vous briser le cœur, une nouvelle technologie viendra bientôt prendre sa place.
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On a l’impression que ces gens-là n’ont jamais utilisé un smartphone Android pour comparer Android à Windows des années 2000. Les concurrents n’ont qu’à développer des meileures applications accessible gratuitement pour les consommateurs. En fait la commsission est en partie en guerre contre les consommateurs, et se bat activement pour l’ intérêt des concurrents qui ont bien fait leur travail de lobbying. Qui peut juger ces gens-là ? Certainement pas les consomateurs.
Excellent article ! Merci à l’auteur.
+1 « ne laissez pas Android vous briser le cœur, une nouvelle technologie viendra bientôt prendre sa place » : tout à fait
« a vin nouveau , outres neuves » les gens ne lisent jamais assez la bible 😉
Les autorités régulatrices ne comprennent rien aux effets de la concurrence : dans certain cas le monopole est néfaste, dans d’autre il est positif.
Les « normes » (monopoles ouverts) apportent des opportunités de valeur supplémentaires, alors que les « goulots » (monopoles fermés) en suppriment.
C’est d’ailleurs identique pour l’Etat, qui dans certain domaines met en place des normes qui encouragent la création (propriété, langue, calendrier, systèmes de mesure …), et dans d’autres cas met en place des goulots qui la bride (taxes, réglementation, services publics…)
Dès qu’un monopole bride la liberté, repose sur le contrainte ou crée une contrainte, il devient néfaste.
Le concept est bien plus simple en anglais ou trust signifie confiance : un monopole devient néfaste quand son usage n’est plus basé sur la confiance (le libre choix individuel), mais sur l’obligation.
Je ne suis pas sûr d’un taux de pénétration de 30% pour les apps de Google en Chine, celles-ci ayant longtemps interdites et remplacées par leurs équivalents locaux. La plupart des smartphones chinois que je connais (et il y en a pas mal) ne proposent pas ces apps dans la version chinoise de la ROM, mais uniquement dans la ROM « internationale ».
Rien à dire sur le fond de l’article.
Mais vous savez très bien que la position dominante de M$ à été casser grâce à notre courageuse autorité de la concurrence ? (C’est comme ça qu’on présenteras le truc dans 20 ans en tous cas)
Un régulateur ça régule.
Ça ne sert qu’à ça.
« Google a remporté la victoire sur Bing et Yahoo »
Google l’a emporté sur Alta Vista (et yahoo). Bing n’existait pas à l’époque.
Le pb avec Androïd n’est pas la technologie, mais le monopole de Google dans tous les domaines et son traçage centralisé des utilisateurs (le KGB à côté, c’est de la rigolade).