Par Gaspard Koenig.
À Pékin, d’où j’écris cette chronique, je trouve tous les matins à la une du China Daily un article plaidant pour la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine. Quinze ans après son accession à l’OMC, la Chine est censée s’y qualifier automatiquement, ce qui lui permettrait d’obtenir une baisse substantielle des tarifs douaniers : les prix de référence utilisés par les pays importateurs pour justifier leurs mesures antidumping deviendraient ceux du marché intérieur chinois et non plus ceux des pays tiers.
Sans surprise, les Européens dénoncent les risques pour l’emploi (le Parlement européen vient de prendre une résolution en ce sens), tandis que les Chinois déplorent la pusillanimité de l’Occident, recroquevillé sur ses intérêts de court terme au mépris du droit international. « L’Union européenne a l’obligation de reconnaître le statut d’économie de marché », titrait ce week-end le China Daily, évoquant le risque de détérioration des relations commerciales.
Rappelons que si l’UE représente depuis plus de dix ans le premier marché de la Chine, celle-ci est réciproquement la deuxième destination des exportations européennes.
La Chine réclame l’économie de marché
Si on laisse de côté la joute hautement diplomatique qui se profile, le fond de l’affaire ne manque pas de sel. Voici donc un des derniers pays ouvertement marxistes-léninistes du monde, régi par un parti unique et où la lutte des classes reste le cÅ“ur de la doctrine officielle, qui supplie le reste du monde de lui donner ses lettres de créance capitalistes !
Mao, dont le visage pensif figure encore sur les billets de banque, doit se retourner dans son mausolée et Fukuyama se frotter les mains : n’est-ce pas le signe le plus avancé de la « fin de l’histoire » ? Le président Xi Jinping lui-même a fait de la « politique de l’offre » un mantra, et la Chine a détrôné les États-Unis comme première destination mondiale des flux d’investissement.
Hormis la Corée du Nord et quelques gentils étudiants de Nuit debout, qui peut encore nier la puissance de la mondialisation des échanges pour sortir de la pauvreté des continents entiers ? Le marché a conquis le monde et le rend peu à peu plus égal. Au point que, demain, la concurrence avec l’Europe ne viendra plus des coûts salariaux, débat d’hier alors que la Chine elle-même commence à délocaliser dans le reste de l’Asie, mais de la valeur ajoutée et de la R&D, en plein développement.
Économie de marché, la Chine devient aussi une société de marché. Les entrepreneurs y bâtissent des empires, comme dans l’Amérique du XIXe siècle. Il suffit de sortir dans les rues de Pékin pour voir partout une forme décomplexée de consommation de masse ; les pubs vous suivent jusque dans les boyaux du métro, en s’affichant sur les murs à mesure que la rame avance.
Evan Osnos, journaliste pour le New Yorker et observateur avisé de la Chine, a décrit dans son livre « Age of Ambition » la (re)naissance de l’individu. De l’explosion des sites de rencontres jusqu’à la folie de l’e-commerce (Taobao, l’équivalent d’eBay, propose près d’un milliard de produits), chacun cherche à définir ses goûts, sa route, sa vie. Pour ses détracteurs, c’est l’âge du « wo yi dai » (génération « moi ») ; pour ses partisans, la victoire du « gexing » (individualité).
Pourtant, le communisme est loin d’être une simple idéologie de façade. Il reste au cÅ“ur même de l’organisation sociale et économique. Un récent rapport rédigé par l’économiste libéral (tout est possible en Chine !) Zhang Shuguang rappelle ainsi qu’il n’existe pas de véritable propriété privée immobilière, la terre appartenant à la collectivité. Autrement dit, que vous soyez fermier ou tycoon, vous êtes toujours le locataire du gouvernement (à qui il faut payer une sorte de bail). Parmi les cinq critères définis par l’OMC pour accorder le statut d’économie de marché, celui des droits de propriété est clairement loin d’être rempli.
Le miracle chinois, mis en péril par la bulle immobilière et la hausse de l’endettement, ne saurait être soutenable sans État de droit. Comment innover véritablement dans un pays où la liberté d’expression est si contrainte ? Avis du docteur Fukuyama à l’Union européenne : pour que la Chine devienne une véritable économie de marché, il faudra qu’elle ouvre la page des réformes politiques. Le problème n’est pas le dumping, mais la démocratie.
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Sur le web
Payer au bout de 70 ans un droit pour renouveler son droit de propriété, est moindre que de payer une taxe d’habitation + taxe foncière + 24% de droit de succession en moyenne.
Si au bout de 20 ans je vends mon appartement, et donne la totalité de l’argent a ma fille, elle n’est pas taxée, ZÉRO droit de succession. Choisi ton camp camarade.
Je suis en Chine, j’ai pas d’alloc, j’ai pas de RSA, j’ai pas de CMU, l’école est payante … le communisme n’est pas ou on le croit.
L’état de droit ne peut que s’imposer comme la conséquence de l’économie de marché. Ce serait une vision bien franchouillarde que de penser qu’il doit être un préalable.
la chine…ils sont combien, plus d’un milliard en un seul pays et nous voudrions leur faire la morale ?
mais lorsque l’Europe et les usa ne seront plus qu’une seule nation , on fera comme eux ni pire ni mieux , plutôt pire car notre civilisation est trop jeune pour avoir appris des erreurs de son passé !
La civilisation chinoise est bien plus jeune que nous, elle est issue du reset effectué lors de la révolution culturelle, ce qui explique cette frénésie qu’elle a copier ce que fait l’occident. Elle a commencé par copier une forme de régime occidental, la dictature socialiste, il est normal qu’elle prenne le reste.
non , la civilisation chinoise a des millénaires d’évolution..nous, il y a autant civilisations que de pays , disons quelle commence avec les romains , nos derniers conquérants
« non , la civilisation chinoise a des millénaires d’évolution »
Bof, je suis vraiment pas convaincu du coup de la « civilisation millénaire ». Une civilisation c’est avant tout composé de gens vivants. Et il se trouve que les chinois vivants aujourd’hui sont profondément marqués par l’arrivé du communisme puis par l’occidentalisation des deux dernières décennies, évolutions dont les graines ont été plantés par la colonisation.
On ne peut pas nier ces changements brutaux, certains échouent mais ceux-ci ont réussit. Le régime politique chinois est bien un régime politique occidental. Le socialisme est une idéologie occidentale à porté universelle, qui n’accepte que très peu de divergences par rapport à la doctrine originelle. Surtout que l’on ne peu pas blâmer les chinois d’avoir fait preuve d’un manque de sérieux dans l’application de la doctrine. Si par exemple au Zimbabwe le socialisme était surtout une bonne excuse pour massacrer les blancs, la Chine avait pour ambition de faire réussir cette idéologie. Elle n’a aussi pas subit la dérive autocratique de beaucoup de pays socialistes, ou une seule personne s’arroge le pouvoir et domine le pays. Elle a réussit à maintenir un vrai régime à partit unique. Non, on ne peut pas dire que politiquement et socialement, le socialisme ait échoué en Chine.
Le socialisme a évidemment échoué économiquement, à cause de l’impossibilité de calcul économique dans une économie socialiste. Le problème qui arrive systématiquement à bout de toutes expérience socialiste, le mur de réalité infranchissable qui voue cette doctrine à éternellement échouer. Mais le pouvoir chinois à trouvé la parade avec l’ouverture économique. On peut même dire qu’il a formidablement bien prit le virage par rapport aux autres pays socialistes. Beaucoup se sont effondrés, d’autres vivotes en faisant subir une oppression incroyable à leurs citoyens, certains ne sont plus que quelques hommes corrompus laissant leur pays aller vers le chaos et pour finir une petite minorité a décidé de substituer la promesse de lendemains qui chantent par une propagande anti-occidentale radicale et la paranoïa militaire. La Chine a réussit à ne pas s’effondrer, au contraire, le régime s’est affermit tout en réduisant relativement l’oppression, et, chose risquée, à parié sur l’occidentalisation.
Tout le défi consistait à choisir avec parcimonie quelle occidentalisation. Elle a naturellement choisi un individualisme et un consumérisme apolitique, ou les gens ne se soucient pas des libertés outre mesure du moment que celles dont ils disposent sur le moment leur permet d’améliorer leur conditions matérielles. Elle a en gros choisit ce qui est le plus décrié par les socialistes occidentaux aujourd’hui. Et encore une foi cela a plutôt bien marché. Elle va faire face à des difficultés, une crise économique serait catastrophique pour le pouvoir et il voit la monté du christianisme dans les campagnes (déjà 100 millions de chrétiens !), qui, eux revendiquent le droit à la spiritualité, comme une grande menace. On sait que les dictatures socialistes ne sont pas fan de tout ce qui relève de l’élévation de l’esprit…
Bref, Fukuyama a gagné, un peu plus tard que prévu. Après on peu toujours se dire que la Chine est « une civilisation millénaire » quand on est un décliniste qui veut se rassurer, on trouvera surement quelques superstitions anciennes à agiter pour démontrer cela. C’est aussi utile pour les dirigeants chinois qui tiennent à limité la pénétration des idées de liberté dans leur pays et aux zozos nationalistes locaux qui ne veulent pas avoir l’impression d’avoir « tout abandonné ».
Je partage votre avis sur les zozoccidentaux qui, voyant du peuple « psirituel » et du millénaire béat en oublient complétement les réalités modernes et très terre-à -terre des chinois (ou des japonais, pour ne citer qu’eux). Mais en critiquant cet extrême, vous tombez dans l’extrême inverse qui semble consister à nier toute influence de l’histoire indéniablement multi-millénaire de la Chine, de sa culture tout aussi millénaire, ne vous déplaise.
Bien sûr que des bouleversements, des changements, et des disparitions dans l’oubli ont eu lieu en Chine comme ailleurs. Et bien sûr que la civilisation chinoise actuelle n’a plus grand chose à voir avec la civilisation impériale, qui est morte et enterrée. Personne n’a dit ça il me semble! N’empêche, il subsiste en Chine une culture d’origine millénaire, et je suis sûr qu’un sociologue compétent vous montrerait que jusque dans la structuration du pouvoir politique actuel, on peut retrouver des modes de fonctionnements comparables à ceux qui existaient dans son histoire ancienne, de la même façon qu’en France, il subsiste quelque chose de la monarchie dans la façon dont le pouvoir politique est structuré et exercé en France.
 » plutôt pire car notre civilisation est trop jeune pour avoir appris des erreurs de son passé !  »
Le projet européens qui uni les divers nations qui la compose; nous a préservé la paix depuis 70 ans après deux guerres fratricides avec des millions de morts. La Chine est toujours une dictature de confession communiste malgré les années de maoïsme et les millions de morts qui vont avec. Il me semble que ceux qui n’ont pas appris leurs erreurs du passé ne sont pas ceux que vous croyez.
D.J
« Fukuyama se frotter les mains »
+1
Fukuyama a eu raison trop tôt, il y a encore quelques aigris et revanchards, mais il avait vu juste. Son erreur a été de croire que le socialisme était mort avec l’URSS, ce qui a poussé à mener une politique bien trop bienveillante envers la Russie qui y a vu une faiblesse et a ainsi recommencé la conquête pour imposer son idéologie au reste du monde.
Pour un_lecteur : mon expérience personnelle (avec une femme chinoise venue d’une « petite » ville de seulement 150000 habitants) me fait penser que vous vous trompez, ou confondez la propagande des gardes rouges avec la réalité.
La réalité, c’est un ensemble de personnes qui, tout en vouant un culte à Mao (pour certaines) sont enracinés dans l’Histoire ancienne de leur pays, qui connaissent et surtout vivent dans la langue de tous les jours avec des classiques qui datent de la période des Printemps et des Automnes (le « Moyen Âge chinois », qu’on considère comme terminé alors que Rome venait de gagner la première guerre punique.
Donc non, la civilisation chinoise n’a pas « rebooté » en 1970 sous l’action de quelques extrémistes.
J’en ai traité dans mon commentaire, parlant des superstitions utilisés pour se rassurer. La Chine civilisation millénaire, bien, qu’a t’elle fait pendant tout ce temps ? Pendant très longtemps ce pays était bloqué dans un immobilisme total, qui a parfois aboutit à des révolutions très violentes. La Chine n’a jamais été une société individualiste comme aujourd’hui, n’avait jamais connu une conception semblable à la notre (même socialisé) du droit, jamais connu cette occidentalisation des mÅ“urs, jamais eu ce type d’institutions… Il y a eu un vrai reboot, surtout qu’une foi que l’on arrête de faire comme tout les occidentaux qui voient des « peuples spirituels » à chaque foi qu’ils ne sont pas dans un pays monothéiste, on se rend compte que ces gens sont en grande partie totalement apolitiques, comme la plupart des gens sur terre.
Pour ce qui est de la propagande des gardes rouges, je vous retourne l’argument. Le régime se sert habillement de la « civilisation millénaire » pour décrédibiliser tout ceux qui voudraient une ouverture politique, l’arrivé d’une conception des libertés semblable à celle de l’occident libéral plutôt qu’à celle de l’occident socialiste, une plus grande liberté religieuse…
 » La Chine est-elle une économie de marché ?  »
La Chine est 144ème mondial pour son indice de liberté économique
 » Économie de marché, la Chine devient aussi une société de marché. Les entrepreneurs y bâtissent des empires, comme dans l’Amérique du XIXe siècle « .
Les seules en Chine qui ont une réelle liberté d’entreprendre sont les investisseurs étrangers. Ce sont ces investissements venu de l’étranger qui sont le moteur de cette prospérité en trompe l’oeil. L’économie Chinoise reste un capitalisme d’état où l’essentielle des crédits bancaires vont aux entreprises publiques ou parapubliques ou aux entrepreneurs chinois les apparatchik affilier aux parti communiste. La corruption sport national fait tout le reste.
Vous l’avez du reste relevé dans votre avant dernier paragraphe :  » Pourtant, le communisme est loin d’être une simple idéologie de façade. Il reste au cÅ“ur même de l’organisation sociale et économique « .
D.J
Il me semble que le premier pour son indice de liberté économique est aussi une région spéciale de Chine : Hong Kong. Quant à la liberté d’entreprendre, le temps où ça se décidait au PCC est révolu depuis longtemps. L’article est bien sur ce paradoxe d’une économie de marché dans un pays où la liberté reste très limitée, et où la corruption règne. Et accessoirement, la moyenne entre Hong Kong et reste de la Chine donne à peu de choses près la place de la France, 75e…
Et si on pondère par le nombre d’habitants ? C’est ce que je vous reproche sans cesse, vous ne vous intéressez qu’aux élites… Du point de vue des élites, tout les pays du monde sont des paradis libéraux… Pourquoi on ne parlerait pas de l’énorme majorité de chinois, qui, à la campagne, vivent encore dans des conditions de vie déplorables ?
Je ne m’intéresse pas du tout qu’aux élites. Et si vous vous promenez en Chine, vous verrez partout des petites échoppes, et des gens qui vivent peut-être dans des conditions qui vous paraissent déplorables, mais qui ne diffèrent qu’en mieux de celles de ma famille, pourtant pas spécialement pauvre, dans la campagne française après la guerre. Même si depuis quelques années la croissance a ralenti, là -bas chacun pense que son enfant vivra mieux que lui-même. En revanche, si vous vous promenez en France, vous verrez des inspecteurs du travail occupés à chasser les échanges non fiscalisés, des éleveurs endettés à suivre les normes, des maraîchers qui n’ont pas le droit de vendre aux particuliers sans tracasseries administratives, des gens qui pensent que leurs enfants seront chômeurs perpétuels et des maisons à vendre. Le paradoxe, c’est que les statistiques sont basées sur ce que disent les administrations. En France, vous pouvez créer votre entreprise en 24 heures mais pas la faire marcher. En Chine, vous devez sans doute obtenir des autorisations en principe plus longues, mais quelques enveloppes rouges accélèrent la procédure en tant que besoin. Si vous demandez aux jeunes ce qu’ils veulent faire, 75% des Chinois vous répondent du business, et 75% des Français fonctionnaires. Le problème c’est que vous ne vous intéressez pas à ce que disent les gens, mais aux statistiques d’il y a 25 ans.