Football : la France, business model pour l’Europe ?

Le foot français aurait-il un modèle de gestion suffisamment sain pour donner l’exemple à l’Europe. Pas si sûr. La raison ? Un régulation bien trop importante.

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Football : la France, business model pour l’Europe ?

Publié le 20 mai 2016
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Par Pierre Rondeau.

footballs credits Mark Botham (CC BY-NC 2.0)La saison de football s’est terminée en fanfare avec une dernière journée, en ligue 1 et en ligue 2, pleine de suspenses. Toulouse s’est sauvé in extremis, après une victoire contre Angers, alors que, à l’échelon inférieur, Metz a assuré la montée malgré le retour de son principal concurrent, Le Havre.

Le football français affiche donc un grand spectacle, malgré tout ce que peuvent dire certains observateurs néophytes. Certes, il n’a pas les performances européennes attendues et n’arrive toujours pas à s’imposer contre les géants du foot continental, mais il tient les spectateurs en haleine et préserve une certaine intensité à tous les niveaux.

C’est d’ailleurs l’un des principaux arguments mis en avant par la LFP, la ligue de football professionnel. « Nos championnats parviennent à maintenir une intensité compétitive importante tout en conservant une certaine stabilité économique ». Récemment, les représentants de la ligue se sont félicités d’une réduction de 46% du déficit et d’une stabilisation de la balance compétitive.

Par les mots de son ancien président, Frédéric Thiriez, « le football français présente un modèle novateur et innovant, capable d’assurer à la fois le spectacle sportif et la solvabilité financière, facteurs nécessaires à la pérennisation structurelle ». Ce dernier met en avant un outil inexistant dans la plupart des autres pays européens, la DNCG.

Interventionnisme dans le football

La direction nationale du contrôle de gestion, communément appelée « le gendarme du foot », créée en 1984, est chargée de surveiller les bilans de compte de l’ensemble des 48 clubs professionnels français, répartis dans deux divisions professionnelles et une division semi-professionnelle, et de veiller à leur bonne santé.

Cette commission indépendante étudie les actifs et les passifs des équipes, les dépenses et les recettes et vérifie si, d’une saison sur l’autre, les clubs présentent une comptabilité excédentaire. L’idée est de lutter contre les faillites sportives et d’éviter les risques d’insolvabilité dans une économie très incertaine et instable.

La DNCG est le signe d’une totale régulation du football français. Une entité exogène décide de la légitimé des comptes et valide ou non les politiques sportives des clubs indépendants. La liberté d’agir et de décider est donc contrebalancée par la mutualisation des risques économiques et la gestion centralisée. Les équipes n’ont plus la même marge de manœuvre dans leur prise de décision et ne peuvent pas, librement, décider de telle ou telle action économico-sportive (l’endettement structurel, l’émission d’actions, la dette financière, etc.).

Alors que la France est caractérisée par un formidable contrôle de gestion et une ingérence dans les finances des clubs professionnels, les autres pays d’Europe admettent un système bien plus libéralisé. Seulement, malgré cette liberté d’action, on ne cesse de mettre en avant l’explosion de leur dette. Cette dernière est estimée à 15 milliards d’euros en 2015 (contre un peu plus de 200 millions en France). Des clubs comme Chelsea, en Angleterre, ou le Real Madrid et le Barca, en Espagne, présentent même une dette tournant autour du milliard.

L’UEFA, l’organisation européenne du football, a imposé, en 2010, le « fair-play financier » en annonçant, officiellement, « s’être inspiré du modèle Français, des prérogatives de la DNCG ». Dorénavant, un club ne peut pas, année après année, dépenser plus qu’il ne gagne. Néanmoins, cette mesure n’étant pas rétroactive, elle ne s’attaque pas à la dette passée, accumulée, mais au déficit présent. Ce qui implique forcément un maintien de la hiérarchie sportive, avec les anciens géants endettés mais puissants et les nouveaux riches (le PSG par exemple) interdits de dépenser pour investir.

La régulation remise en question

Cependant, au-delà du problème et de la légitimité du fair-play financier, ce qui surprend c’est son fonctionnement. Il prend modèle sur la DNCG, cela signifierait alors que la France admet la meilleure solvabilité et la meilleure pérennisation financière, puisque l’Europe entière nous copie. Vraiment ?

Les économistes Stefan Szymanski, Nadine Dermit-Richard et Nicolas Scelles ont appliqué une analyse économico-historique à l’ensemble du football professionnel hexagonal, entre 1970 et 2014. Leur but était de vérifier si le pays, grâce à l’interventionnisme soutenu des autorités publiques et de la régulation financière poussée, présentait une certaine forme de stabilité économique, contrairement à l’Angleterre par exemple.

Résultat : la fréquence d’insolvabilité, sur toute la période, est supérieure à celle connue outre-Manche, 2.7% contre 2.5%. Autrement dit, en moyenne, « un club peut entrer en déficit une fois tous les quarante ans ». On compte 72 cas d’équipes ayant été supervisées par la DNCG pour déséquilibre comptable contre « seulement » 67 en Angleterre, sur la même période et malgré une base de données plus importante (il y a 4 divisions contre 3 en France).

De plus, les auteurs constatent que « contrairement aux Anglais, la plupart des clubs insolvables français ont lutté pour revenir à un niveau de compétition similaire » après la reprise en main de la ligue. La régulation contraint les possibilités de reprise et impose des impératifs difficiles à respecter. Les dirigeants n’ont pas les moyens de garantir la stabilité sportive et se retrouvent obligés d’équilibrer les comptes avant de pérenniser le jeu.

To famous to fail

La charge interventionniste pèse donc sur la compétitivité et la santé financière du foot français. Cela peut s’expliquer de deux manières différentes. À la fois, la régulation incite les présidents de clubs à moins de rigueur comptable, puisqu’ils savent qu’ils seront supervisés en amont par la DNCG. Et cette dernière bloque les marges de manœuvres, les libertés d’action, ce qui reste défavorable à une certaine pérennisation économico-sportive.

Dans tous les cas, la conclusion de Szymanski, Dermit-Richard et Scelles est sans appel, « la régulation est un échec et n’a pas su empêcher les risques d’insolvabilité ». D’ailleurs, dans son précédent ouvrage, Soccernomics, Stefan Szymanski parlait du concept to famous to fail (trop connu pour échouer) reprenant la maxime connue en économie too big to fail (trop gros pour échouer). À ses yeux, un club de foot a moins de risque de faire faillite qu’une entreprise lambda car il a derrière lui une notoriété et un public que n’importe quelle société ne peut pas présenter. Il ne servirait à rien d’imposer une surveillance comptable. À méditer…

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  • Mouais… ce que je vois, ce sont les scandales financiers qui touchent ce sport et en particulier son lien avec les politiques.
    Entre les révélations concernant les montages nordistes et le fait qu’il faille toujours payer (ici comme ailleurs) pour des conditions d’exploitations si particulières qu’elles ne peuvent se comparer qu’aux privilèges anciens, on se demande ce qui fait tourner le système en dehors des besoins politiques et l’argent piqué aux autres à bon compte.
    J’ai par exemple du mal à comprendre au nom de quoi je devrais par mes impôts subventionner l’exploitation des entreprises du secteur qui sait se montrer particulièrement généreux pour des gens dont je n’ai rien à faire, dont je n’apprécie que très modérément les prises de position publiques dans leur grande majorité et dont le rôle de modèle de la jeunesse laisse fortement à désirer.
    Bref, une pompe à fric et à distribution de slogans de plus qui ne paie que très rarement le prix de ses errements.
    Si toutes ses stars valent vraiment des millions, qu’ils les gagnent autrement que par l’entremise d’un discret mais efficace écrêtement, d’un financement public (direct ou indirect mais constant) et la force d’imposition de l’état.

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