François Hollande renonce aux économies. Encore une fois.

Même là où les économies, modestes, pourraient être une raison d'imposer des réformes et améliorer le service public, François Hollande renonce.
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François Hollande renonce aux économies. Encore une fois.

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 mai 2016
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On l’apprend dans une presse un peu atone entre les orages, la grêle, la foudre et les grèves plus-trop-surprise d’un service plus-trop-public : François Hollande renonce à amputer le budget de la recherche de 134 millions d’euros. Finalement, le changement, ce ne sera pas maintenant non plus : à un an du potentiel renouvellement de tableaux à l’Élysée, ce serait dommage de se lancer dans des réformes, d’autant plus que les plus modestes ont déclenché des vagues de protestations, de grèves et de casse dans tout le pays.

Tout s’est déroulé comme prévu.

Dans un premier temps, lors de l’élaboration d’un budget gouvernemental serré comme un café clooneysque, il avait été décidé de faire quelques économies de 134 millions d’euros dans le budget de la Recherche en France.

Dans un second temps, ce budget fut présenté devant les partenaires européens, puis accepté par ceux-ci et adoubé du oui timide et inquiet de la Commission européenne, pas vraiment dupe des pipeautages hollandesques mais diplomatiquement poussée à accepter l’entourloupe.

Dans un troisième temps, la popularité du chef de l’État refusant toujours de décoller un peu en vue d’une campagne présidentielle qui s’annonçait tendue, il fut donc décidé de ne surtout pas aller plus loin dans ces coupes budgétaires abominables qui plongeaient le pays dans une austérité turbo-libérale insoutenable.

(On ne s’en lasse pas, voici l’état des lieux de l’austérité en question, froid de canard et petit cheval mort inclus 🙂

dépenses publiques 2014 INSEE

Alors, puisqu’austérité et économies il ne devra pas y avoir dans la Recherche, annonçons-ça en grandes pompes (et petit parapluie puisque après tout, depuis Hollande, gouverner c’est pleuvoir) : moyennant un petit tweet élyséen avec force photos et moult prix Nobel et autre médaillé Fields, et après avoir reçu ce beau monde sous les ors de la République, on annoncera annuler complètement tout projet de couper 134 millions d’euros de crédits sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Tous ces gros millions joufflus concernaient les crédits de quatre organismes de recherche (CEA, CNRS, INRA, Inria) sur une coupe de 256 millions d’euros pour la mission Enseignement supérieur et recherche, soit un quart du total des crédits que le décret prévoyait de ponctionner, à hauteur de 1,1 milliard d’euros.

Nos chercheurs médaillés repartent la tête haute, le cœur soulagé et heureux d’avoir pu convaincre le Président de l’importance cruciale de la recherche.

Youpi.

youpi - loldog

Enfin, youpi, c’est une façon de voir les choses.

C’est la façon « l’argent des autres m’est nécessaire et il est bien plus facile à dépenser que le mien à gagner ». Parce qu’après tout, les 134 millions d’euros ne sortiront ni de la poche de nos médaillés, ni de celle de François Hollande. Bien évidemment, on peut toujours arguer (à raison) que ces médaillés, par leurs découvertes et leur prestige, rapporteront certainement des sommes conséquentes au pays. Certes, mais on voit mal en quoi ceci pourrait justifier alors d’aller piquer dans la poche des classes moyennes et modestes, les plus nombreuses. D’autant qu’il n’est même pas impossible d’imaginer que les découvertes et le prestige en question rapportent surtout en dehors de nos frontières…

C’est surtout une façon de dire « mais sans l’État, qui fera la recherche fondamentale ? », question faussement ingénue qui regroupe à elle seule tout le paradigme mortellement collectiviste et socialisant dans lequel notre société a gentiment basculé depuis plus de 40 ans avec pertes et fracas. Pour beaucoup, en effet, le message est maintenant passé, inaltérable : laissées à elles-mêmes, les sociétés privées ne savent pas faire de recherche et de développement, seul l’État peut se lancer dans des trucs a priori pas rentables et découvrir des notions fondamentales de l’Univers pour sauver l’Humanité et inventer le fil à couper le beurre en prime.

Bilan : en France, les budgets à la Recherche n’ont pas cessé d’augmenter ces dernières années… Sans qu’on puisse observer ni une remarquable progression de nos résultats scientifiques, ni une explosion des découvertes sur notre territoire, ni même un quelconque progrès dans le nombre d’emplois directement ou indirectement créés par cette recherche.

D’ailleurs, ça tombe bien (ou mal, c’est selon le point de vue, finalement), la Cour des Comptes a régulièrement écrit quelques petits paragraphes acidulés au sujet du CNRS en particulier et des organismes de recherche en France en général, et le moins qu’on puisse dire est que les Sages de la rue Cambon sont franchement mitigés sur les résultats obtenus en regard des fonds dépensés.

CNRS - le honzecAinsi, en 2002, l’effort de recherche public était de 0,82% du PIB et l’effort privé de 1,42%. Après plus de dix ans de « Recherche prioritaire » et d’une augmentation des efforts budgétaires, les chiffres respectifs en 2011 sont de 0,82% et de 1,43%. La différence semble avoir été quelque peu absorbée par les CIR (crédits impôt recherche) dont j’avais narré les péripéties il y a deux ans et qui s’est essentiellement traduit par des redressements fiscaux carabinés pour ceux qui s’y sont risqués.

À ces remarques s’ajoute l’instabilité des directions prises pour la Recherche par le gouvernement, d’année en année, sur laquelle se greffent les immanquables « réformes », marques indispensables du passage de l’un ou l’autre ministre, qui ne font qu’alourdir et empêtrer un peu plus les équipes dans une paperasse administrative douillettement létale.

En réalité, au soulagement de nos chercheurs, on pourrait aussi rétorquer qu’il serait plus que temps que la France s’aligne enfin sur les meilleures pratiques étrangères et que ces 134 millions de coupes étaient peut-être l’occasion de forcer ces indispensables remises à plat. Peut-être faudrait-il envisager d’introduire plus sérieusement les entreprises dans les universités, comme le tente timidement une Myriam El Khomri poussée par Cisco, quitte à déclencher des crises d’urticaire chez quelques fossiles gauchistes qui n’ont toujours pas compris qu’une recherche publique et un enseignement gratuit, cela coûte très cher. D’ailleurs, peut-être faudrait-il aussi nettement revoir les barèmes et grilles de salaires de nos chercheurs : avoir un nombre de fonctionnaires-chercheurs moins grands mais mieux payés pourrait durablement changer la donne en termes de résultats.

Au-delà des salaires, ces coupes auraient pu avoir un effet salvateur : celui de forcer les universités à se tourner, enfin, vers le marché, celui qui, finalement, permet le mieux d’évaluer ce qu’on attend des chercheurs, de mettre en relation ceux qui sont prêts à payer avec ceux qui sont prêts à chercher. De ce point de vue, la recherche américaine, allemande ou anglaise, bien plus en phase avec le monde de l’entreprise, nous donne des pistes sérieuses d’amélioration que notre gouvernement et les précédents semblent oublier avec componction.

Le Président François a donc tranché, il n’y aura pas d’économies. Rendormez-vous, amis chercheurs, la remise à plat de ce système qui fonctionne si bien ne sera certainement pas lancée maintenant. Fidèle à lui-même, le pédalomane a abandonné en rase campagne toute velléité de faire quelque chose d’un peu ferme, et laissera à l’intendance le travail de tout réorganiser suite à son demi-tour budgétaire.

Non, décidément, le renoncement, c’est maintenant. Encore une fois.

ministère des petites économies
—-
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  • d’autant plus que les recherches sur les ogm , pesticides , nucléaire etc…ne sont pas du tout écoutées ni entendues .Létat paye la recherche , mais préfère écouter les sornettes et croyances écolo et former la jeunesse dans ce sens .Les chercheurs devront-ils aller dans ce sens ?

    • L’Etat subventionne la recherche pour les mêmes raisons que la presse : pour éviter qu’elle ne s’intéresse à des sujets profitables et ne gagne son indépendance.
      Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.

  • C’est pas plus mal, s’il y a bien une chose à ne pas sacrifier c’est la recherche, la sacrifier c’est sacrifier l’avenir..Hors la France n’est pas un leader dans ce domaine, loin derrière les USA et le Japon.

    • « sacrifier » : moi, tant qu’à exagérer, j’y serais allé carrément. « Martyriser », « torturer », « déchiqueter », un truc comme ça, au moins.

    • L’article souligne le décalage entre les budgets alloués et les résultats d’une part, la politisation de la recherche dans les orientations.
      Maintenant je ne suis pas certains que la recherche privée, totalement ou en partie, s’oriente dans la recherche à fond perdu : spatial, maladies rares…

      Dans la recherche, le capitalisme de connivence fait également des ravages. Dans le médical notamment. La recherche et développement s’oriente sur des molécules peu ou pas efficace mais bénéficiant d’une AMM et donc remboursé par la sécu. Un peu comme la PAC dans un autre registre.

      La problématique du marché est que, par définition, on laisse l’offre répondre naturellement à la demande en calculant le rapport bénéfice/risque. Sauf que dans le cas d’une maladie rare, par exemple, il n’y a que trop peu de demande au vue de l’effort consenti.

      A part la recherche publique, il y a le mécénat type sidaction, téléthon…

  • c’est une constante chez les socialistes, ils achètent tout le monde mais avec l’agent du contribuable. Et au passage prélèvent leur paye à vie en s’engraissant généreusement. C’est le principe des ONG, donnez-nous vos sous pour de la nourriture aux populations affamées, et on se chargera de la leur livrer dans des 4×4 flambants neufs et séjourner dans les palaces au passage.

  • « entre les orages, la grêle, la foudre et les grèves plus-trop-surprise »

    La foudre frappe de manière imprévisible comme au parc Monceaux à Paris. En revanche les grèves sont tellement attendues et récurrentes que cela en devient ridicule, et dénote tout au moins de l’incapacité à régler un problème – quel que soit la conviction qu’on ait sur le bien fondé ou la légitimité de la grève elle-même.

    Ne devrait-on donc orienter la recherche sur la prévision des impacts de foudre et l’aspect sociologique délirant de notre syndicalisme à la française ?

    • La prévision, on s’en fout, ça pourrait même être contre-productif avec le principe de précaution et tout ça. L’important est d’apprendre à rediriger la foudre contre les nuisibles…

  • finalement , le seul changement qu’à fait hollande , c’est de changer de copine ;

  • Avec Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, la recherche française a des applications intéressantes!

  • J’ai sévi si l’on peut dire 37,5 années comme contractuel du CNRS. Durant ces années de service j’ai passé trois années aux USA et 17 ans dans le secteur privé français dont 13 en agrochimie chez Rhône-Poulenc qui a depuis été racheté par Bayer. Je connais donc les deux facettes du système de recherche – public et privé – de la recherche française et l’aspect américain. La recherche américaine est financée par des « grants » y compris les salaires. Ces subsides proviennent aussi bien du gouvernement fédéral comme par exemple le NIH que de l’industrie. Il faut écrire les applications qui seront soumises aux autorités compétentes ou aux industriels. Au CNRS on peut faire ce qu’on veut, on est payé par l’Etat et on peut faire pisser des cafards durant toute sa carrière si on le désire en publiant tous les ans un article copié-collé de celui de l’année précédente. L’avancement salarial est à l’ancienneté ce qui n’est pas vraiment stimulant mais on avance plus vite si on est syndiqué, obédience CGT c’est plus efficace.
    Quand je suis parti travailler chez RP mes collègues universitaires m’ont traité de traitre : je reniais les idéaux de la Recherche avec un grand R et je vendais mon âme aux intérêts de la grande industrie … Ce qui plombe la recherche universitaire française est qu’elle veut rester indépendante de l’industrie en vertu d’idéaux surannés. J’ajouterai enfin que l’ensemble du milieu universitaire est miné de l’intérieur par des activistes de gauche totalement déconnectés du monde réel. Conclusion il faut privatiser les universités comme le sont beaucoup d’universités américaines ou européennes et même japonaises.

  • Information : la recherche en France est tres active et permet à des groupe comme Airbus de sortir de nouvelles technologies (les pales blue edge pour ne citer qu’elles). Je vous invite à regarder réellement l’impact de la recherche sur les programmes de recherche des grandes entreprises (safran, Thalès, Airbus, tout le spatial…). Effectivement cela a un coût pour l’État, coût qui n’est pas entièrement facturé à ces entreprises, qui peuvent donc générer de l’emploi sur le sol français.
    De la gestion intelligente des capitaux oui, mais en connaissance de cause. J’aimerais, au vu des commentaires, que les gens s’informent avant de condamner.

  • a quoi bon chercher si ces recherches sont exploitées par d’autres , a quoi bon éduquer si c’est pour que les gens s’expatrient…c’est sans doute là l’echec le plus important des gvts successifs ayant sévis en France . bah , la recherche justifie l’université , l’université justifie des milliers d’emplois , l’emploi est une priorité du GVT et l’école est le creuset où naissent les milices socialistes, 136 millions qui justifient les milliards dépensés par l’EN pour formater la jeunesse et nourrir ses troupes.

    • Ah quoi bon vivre si c’est pour mourir. Je ne dis pas qu’il ne faut pas réformer, je dis :
      1) que les 136 millions en question sont vitaux pour les outils de recherche, les politiques  »d’économies » précédentes n’ayant fait que repousser à demain les problèmes. Je m’explique : les réparations à minima successives coûtent plus cher qu’une dépense importante unique.
      2) il me semble évident qu’il y a une critique du système de recherche français, que j’aimerais bien ne pas voir jeté avec l’eau du bain, d’où mon commentaire précédent.
      Mais je vous confirme que la recherche  »fondamentale » ne sera jamais rentable à court terme.
      3) vous voulez donc supprimer école, université, emploi et gouvernement ? Ou alors faut-il mettre un place un système protectionniste pour protéger les investissements de l’État ?

      • bien entendu la recherche fondamentale est primordiale et doit etre financé par l’état mais toutes les autres recherches doivent être associées a l’industrie et séparées du monde universitaire tant que celui ci n’est pas libéré des politiques , ignares avérés en sciences et incapables de bien s’entourer pour combler leurs lacunes

      • odd ,

        Dans beaucoup de pays , la recherche est privée et il revient aux enseignants chercheurs de rechercher des donateurs pour poursuivre leurs études , ils doivent donc , pour avoir une chance d’être financés , faire des recherches sur des thèmes porteurs ( court terme à long terme ) économiquement pour le financeur …une partie de nos enseignants chercheurs auraient , dans cette situation , des difficultés pour être financés par le privé , d’où l’importance des financements par la mamelle fiscale …

        • Volna,

          J’aimerais tout d’abord que vous me citiez un pays n’ayant pas recours à des financements publics pour la recherche : la recherche n’est jamais complètement privée, et n’est heureusement pas motivée uniquement par des motivations rentabilistiques.
          La recherche fondamentale et le spatial scientifique par exemple ne sont pas rentables (à court et à long terme, éventuellement à très, très long terme).
          Encore une fois et pour reprendre mes commentaires précèdents, je ne nie pas qu’il faille une gestion intelligente des fonds attribués, mais limiter la recherche uniquement au privé, c’est se priver d’une ouverture et d’une possibilité de vision à long terme (par exemple le nucléaire en France, dont le développement n’a pas été rentable). Avec des fonds publics, on peut insister, se tromper, et éventuellement trouver quelque chose de vraiment nouveau. Le tout étant d’avoir des gens suffisamment compétents pour mettre les curseurs aux bons niveaux.

  • Petit Malin et vicieux le François.! Il sait qu’en cas d’échec il laisse la facture à ceux de la Droite. Et s’il repasse, comme en 2012 il roulera encore dans la farine les idiots qui l’ont élu

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