La semaine dernière, l’assemblée nationale a commencé la discussion sur le projet de loi dit Sapin 2 sur la transparence de la vie politique et économique. Afin de nous éclairer, Contrepoints a donné la parole à Éric Alt, le vice-président d’ANTICOR. ANTICOR est une association fondée en juin 2002 par Éric Halphen et Séverine Tessier pour lutter contre la corruption et rétablir l’éthique en politique. Éric Alt est magistrat, ancien vice-président du Syndicat de la magistrature et de l’association Magistrats européens pour la démocratie et les libertés.
La Loi Sapin II contre la corruption est-elle à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui en la matière ?
Le projet de loi était modeste. Beaucoup dépendra donc des amendements parlementaires et de l’attitude du gouvernement. Voici ce qu’on peut dire après la première lecture du texte par l’Assemblée nationale.
Une nouvelle Agence française anticorruption doit être créée. Elle n’est pas indépendante : elle est placée auprès du ministre de la Justice et du ministre chargé de l’Économie. Mais les députés ont obtenu l’inamovibilité du Directeur et non renouvellement du mandat de la Commission des sanctions. Par ailleurs, les associations agréées pourront alerter l’Agence.
Au-delà des enjeux juridiques, beaucoup dépendra de la volonté politique d’affecter à ce service les moyens nécessaires à sa mission. Le Service central de prévention de la corruption avait été neutralisé faute de moyens financiers et humains. Le parquet financier, emblème de la réponse politique au scandale Cahuzac, est encore deux ans après sa création limité à quinze magistrats, en-deçà des effectifs prévus initialement.
Pour l’Agence anti-corruption, l’étude d’impact évalue les besoins à 70 agents. C’est moins que l’Agence italienne, qui mobilise 350 agents pour des missions comparables. Mais ce serait déjà bien de réunir et de former ces effectifs dans un bref délai après l’adoption de la loi.
Rappelons qu’en 2014, l’OCDE avait critiqué la France pour son manque d’entrain à appliquer la Convention relative à la corruption d’agents publics étrangers…
L’OCDE avait effectivement critiqué la France, et le projet Sapin II est présenté comme une réponse à cette situation. Mais l’OCDE demandait l’indépendance des procureurs, un plus grand nombre d’officiers de police judiciaire compétents pour enquêter, le droit pour la justice d’accéder plus facilement aux documents « secret défense ». Autant de sujets sur lesquels le gouvernement fait l’impasse.
En revanche, le texte comprend une disposition relative à la transaction pénale : moyennant le paiement d’une somme d’argent, les grandes entreprises corruptrices échapperaient donc à toute sanction. Elles pourraient dès lors provisionner le risque d’être poursuivies et peut-être même en tirer quelques avantages fiscaux collatéraux.
L’idée est importée des États-Unis. Pourtant, ce n’est pas la transaction pénale qui rend ce pays efficace dans la lutte contre la corruption, mais un ensemble de dispositions juridiques sur la responsabilité des entreprises, la réparation intégrale des dommages, la possibilité de class actions, des procédures civiles permettant de forcer une société à divulguer des éléments de preuve, la rémunération des lanceurs d’alerte… S’y ajoutent la puissance économique et le coût que représenterait pour les entreprises une exclusion du marché américain. Mais prise isolément, la transaction pénale n’est qu’une mesure laxiste, qui pourrait ternir l’ambition du projet Sapin II.
Dans le combat pour la transparence politique, un aspect essentiel semble prometteur, à savoir l’encadrement du lobbying : va-t-on voir enfin disparaître la culture française de l’opacité dans le domaine ?
Le fait de légiférer sur les lobbies représente une avancée. Les lobbyistes devront se déclarer et communiquer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique un bilan d’activités semestriel. Ils devront indiquer le montant des dépenses engagées pour leur activité d’influence ainsi que leurs « principales » sources de financement. Ils seront aussi tenus de déclarer le budget d’influence de chacun de leurs clients.
Mais le texte ne prévoit pas pour l’instant l’empreinte normative, que demandait notamment le rapport du président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Pourtant, les lobbystes pèsent sur la décision législative et réglementaire. Il faut donc savoir concrètement quelle est leur activité. Inutile de connaître le nom des lobbyistes sans savoir quelles personnes ils sollicitent dans le cadre de leur travail.Â
 » la transaction pénale n’est qu’une mesure laxiste, qui pourrait ternir l’ambition du projet Sapin II. »
vous préférez sans doute des années de procédures , c’est humain de protéger sa profession ..et c’est aussi de la corruption.
la corruption n’est pas un crime mais une distorsion de concurrence comme une autre , elle doit avoir un cout suffisant pour en limiter l’usage mais sans mettre en danger une entreprise , le système américain est parfait. tout en étant perfectible .
@ réactitude
Oui, bon! Autant dire qu vous n’avez pas lu ‘article de ce même numéro de Contrepoints
« L’arbre de la loi travail masque-t-il la forêt de la loi Sapin 2 ?
Par Éric Verhaeghe »
Vous y verriez clairement qu’une fois de plus entre le discours et la loi, il y a plus d’un océan! Il n s’agit, dans cette loi qu de protéger certains corrompus qui ne seront jamais inquiétés: bref, un loi pour rien, si ce n’est des avantage particuliers pour les amis de l’autorité.
La France, ni son peuple, ni ses autorités, n’ont jamais été séduits par la « Transparence » qui n’a, en fait, aucun contrôle!
(M.Sapin a, par exemple, bétonné la porte du secret des ventes d’armes, commissions et rétro-commissions comprises: un autre « Karachi » est donc possible dès demain, dans la parfaite impunité des politiciens, intermédiaires et acheteurs … avec l’argent de ceux qu’on tient à l’écart: le peuple constructeur comme celui de l’acheteur, évidemment! Il est donc indispensable de maintenir de grosses coupures d’argent papier à moins que de l’or ou ds diamants …)
Hum … intéressante interview, qui laisse une mauvaise impression : si la même loi avait été présentée sous Sarkozy, ce monsieur aurait dit tout autre chose, que cette loi est un scandale et que
* la nouvelle agence ne sera qu’un nouveau fromage de la République, inutile parce que sans moyens véritables et sous influence de ceux-là même qui sont la cible et les acteurs de la corruption : le gouvernement.
* la transaction pénale doit être, comme aux USA, un outil pour faire tomber de plus gros poissons, c’est à dire des politiciens et fonctionnaires coupables de corruption « passive »
* le problème du lobbying est traité en dépit du bon sens puisque les principaux lobbyistes, les élus eux-même, sont exclus du dispositif.
signe imparable des priorités du gouvernement : il donne 1 milliard aux profs après en avoir augmenter le nombre de 60 000, mais il ne met rien, zip, nada, ketchi, podzob dans l’affaire de la lutte contre la corruption.
@ P
Vous avez tout compris! France et transparence ne font pas bon ménage!
C’est bien de vouloir encadrer l’action des lobbies.
Mais ceux qui cherchent à influencer l’action politique ne le font pas toujours pour des raisons économiques et financières, du moins pas directement.
Qu’en est-il par exemple d’associations ou de groupuscules idéologiques qui cherchent simplement à accroître leur influence?
De fait, on cherche, par des lois, à compenser le manque de probité de beaucoup (la plupart?) des hommes politiques.
Moins un pays a de vertu, plus il a de lois…