Par Ferghane Azihari.
Les questions relatives au commerce international peinent à s’émanciper du paradigme intergouvernemental. En témoignent les discussions autour du partenariat transatlantique ou les inquiétudes sur l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’hégémonie de cette conception du commerce est cependant curieuse quand on sait que les grands penseurs libre-échangistes – d’Adam Smith à Milton Friedman en passant par Hayek et bien d’autres – ont toujours été unanimes sur l’inutilité des accords commerciaux.
« Si l’on accepte le libre-échange, les traités commerciaux n’ont aucune raison d’exister. Nous n’avons pas besoin d’eux dans la mesure où ce qu’ils ont prétention à réglementer n’existe plus. » écrivait Pareto dans son Nouveau dictionnaire d’économie politique. Contrairement aux idées reçues, le libre-échange est avant tout une question locale. L’abolition unilatérale des barrières et l’application du principe absolu de non-discrimination sans réciprocité sont bien plus simples à mettre en Å“uvre que la négociation de textes de plusieurs milliers de pages avec tous les gouvernement de la planète. Cette ouverture unilatérale est désirable au nom de l’efficacité économique et de la justice.
Le libre-échange est efficace et juste
Efficacité car une économie a toujours intérêt à demeurer ouverte pour bénéficier des avantages comparatifs. Le consommateur profite d’une plus grande concurrence et de prix plus bas pour accéder à des biens et des services divers et variés, gagnant ainsi en pouvoir d’achat et libérant des ressources qui pourront être consacrées à la satisfaction d’autres besoins. Les producteurs locaux sont quant à eux incités à se spécialiser là où ils sont véritablement plus compétitifs. La division du travail et la productivité de chacun sont ainsi optimisées et la production globale de richesses s’en trouve renforcée.
Justice car utiliser la force publique pour entraver la libre-coopération des producteurs et des consommateurs sous prétexte qu’ils n’ont pas le même passeport est une spoliation injuste opérée sur une base xénophobe. Le fait que des gouvernements étrangers la mettent en Å“uvre n’est pas une raison pour l’importer, tout comme l’existence de régimes peu respectueux de la liberté d’expression n’est pas un prétexte pour nous censurer. L’exigence de réciprocité concernant le respect des droits et libertés est inutile et parfaitement nuisible.
L’ouverture unilatérale : des expériences peu nombreuses mais enrichissantes
Nous entendons régulièrement les protectionnistes à l’extrême-gauche et l’extrême-droite du spectre politique déplorer que l’Europe serait le «dindon de la farce de la mondialisation». Elle ferait trop de «concessions» en ouvrant ses marchés sans exiger la même chose de ses partenaires. Les entrepreneurs et agriculteurs africains – entre autres choses – désapprouveront sans doute ce mythe d’une «Europe passoire» régulièrement prêché par les apôtres du mercantilisme.
S’il est probable que le protectionnisme ait en effet toujours été la norme dans l’histoire du commerce, il serait erroné d’en déduire qu’il aurait été le moteur de l’enrichissement des sociétés humaines. Le protectionnisme ne produit rien et ne profite qu’aux rentiers avides de monopoles : les quelques corporations industrielles, professionnelles et syndicales politiquement bien connectées pour rançonner le consommateur. Un pays riche et protectionniste est un pays riche malgré son protectionnisme. Non grâce à lui. Il le serait incontestablement beaucoup plus s’il n’entravait pas le déroulement libre de la division internationale du travail.
Les quelques exemples historiques et contemporains d’ouverture unilatérale sont sans appel. Après l’abolition des Corn Laws en 1846, le Royaume-Uni a pratiqué une ouverture unilatérale pendant près d’un siècle. Cette mesure arrachée au gouvernement conservateur de l’époque malgré le lobbying des grands propriétaires fonciers s’est soldée par un renforcement et une modernisation durable de l’économie britannique. En Suisse, un quart de la population active est étrangère. La confédération connaît aujourd’hui le plein-emploi. Hong-Kong et Singapour, deux petites localités dépourvues de ressources naturelles ont fait preuve d’un idéalisme qui a porté ses fruits sur le plan commercial en réduisant au maximum les barrières aux échanges internationaux. Ces villes qui connaissaient encore la misère il y a quelques décennies comptent aujourd’hui parmi les lieux les plus prospères de la planète, même si leurs populations ont encore de nombreux espaces de liberté à conquérir sur le plan civil et politique.
Tandis que les professionnels de la novlangue orwellienne nous abreuvent de « protectionnisme solidaire » ou « intelligent », il nous faut réhabiliter l’idée que l’épanouissement des civilisations réside avant toute chose dans des interactions humaines émancipées de toute interférence arbitraire. Puissent les Européens s’en souvenir quelle que soit l’issue du référendum britannique.
Bonjour,
Pouvez-vous être honnête dans votre analyse s’il vous plaît ?
Le fait qu’un quart de la population Suisse soit étrangère n’a aucun rapport avec les questions de libre échange. Les secteurs de niche Suisses sont justement des secteurs de niche et donc ne peuvent pas être reproduits à grande échelle. Les services (banques, assurances,…) sont à l’irigines de 72% du PIB, je ne suis pas sur que cela soit une spécificité locale.
Mais le point principal est que pour faire du libre echange, il faut être deux (au moins), qui plus est avec des  »ideaux » sociaux (notamment) communs. Le libre échange appliqué systématiquement ne ferait que moyenner les niveaux de vie, si tant est que toutes les parties jouent le jeu. Le libre échange sans réciprocité, c’est s’assurer de la perte de ses secteurs primaires et secondaires.
Quel concentré d’affirmations péremptoires !!!
Commençons par le plus évident, car mesurable : le secteur financier de la Suisse qui pèserait 72% du PIB ! Un peu de lecture : https://www.contrepoints.org/2014/01/23/154252-economie-suisse-poids-reel-des-banques-et-de-lindustrie
Merci, mes sources : livre économie suisse, édition lep, 2007, Lonay. Il y est mentionné la part de 72% du secteur tertiaire en Suisse.
Actuellement on fait du commerce à trois : deux qui échangent et un qui interfère. Pour faire du libre-échange, comme vousmle dites justement, il suffit ‘être 2. Mais contrairement à ce que vous pensez, il est inutile que 2 pays s’ouvrent, il suffit que 2 individus échangent…..
Enfin je ne sais pas vous, mais moi je ne connais pas les idéaux de mon épicier et je pourrai très bien me fournir chez un fourniseur chinois humaniste et libéral alors que son pays représente l’inverse…
Certes, mais un système est en place actuellement, avec des lois, des règles, de la régulation, ses défauts et parfois même ses qualités. Comment opere-t-on la transition ?
Je parle bien sûr d’idéaux globaux, au sens des valeurs et qualité de vie prônés par les états, puisque ce sont les entités existantes.
Votre fournisseur chinois peut sans doute être bien sous tout rapport, mais il n’échappe pas aux règles chinoises et à l’économie quelque peu dirigée du pays.
Le libre échange, oui, bien sûr, mais cela doit fonctionner dans les deux sens, en tout cas lorsqu’il concerne deux économies à développement équivalent.
Avec une économie sous-développée, il peut s’agir d’une aide volontairement consentie.
ah quand la disparition de l’OMC, du FMI et de la Banque mondiale ne sont-ils pas les plus gros obstacles aux libres échanges?
Dans l’idéal, il devrait être réciproque. Ceci dit l’absence de réciprocité n’est pas un prétexte pour ne pas abolir unilatéralement nos barrières. Celles-ci nous appauvrissent. Du reste, l’exigence d’une équivalence quant au stade du développement est inutile. Le fondement de la division du travail réside dans le fait que nous sommes différents. L’uniformisation des conditions de vie n’est donc en rien un préalable nécessaire à la liberté d’échanger avec son prochain indépendamment des frontières.
Expliquez moi comment fonctionne votre système de libre échange unilatéral avec des pays au stade de développement inférieur. Prenons l’exemple de la Chine : la concurrence sur le secteur secondaire est en capacité de ruiner notre industrie, qui résiste par des technologies de pointe ou de niche. Et nous parlons d’un système qui n’est pas libre échangiste. Sachant que les universités chinoises tournent à plein régime, et que je ne vois pas pourquoi un chinois serait moins performant qu’un français, à fortiori lorsque nous parlons de 10 ingénieurs chinois pour 1 français, à quel moment croyez vous que les secteurs de pointe seront rattrapés ?
Effectivement, pour être concurrentiel, il faut supprimer les avantages sociaux, et il faudrait pouvoir vendre sur le marché chinois librement, mais ce n’est pas le postulat de départ. Avoir donc les mêmes acquis sociaux que les chinois pour peut être un résultat ne me paraît pas judicieux.
Je veux bien qu’on me propose du boeuf aux hormones et aux antibiotiques mais je veux que ce soit marqué dessus clairement. De même pour la viande des raviolis. Je veux aussi savoir quels produits sont subventionnés (ex. le coton US ou des produits agricoles français, …) et qui peuvent ruiner des producteurs artisanaux par dumping. C’est à cela que pourraient servir les traités de libre échange.
Et c’est à ce moment là que vous tombez dans le grand piège de la société de communication : pour pouvoir vivre  »sainement », il faudrait être expert en biologie, en physique, etc… Et travailler à côté pour gagner l’argent nécessaire à l’achat desdits produits. Non, encore une fois, la transition entre le monde actuel et l’idéal libéral n’est pas atteignable sans de grandes désillusions : si à long terme, les consommateurs de l’idéal libéral peuvent eventuellement impacter les pratiques et produits du commerce, à court terme il n’y aurait que les réflexes de contournement des réglementations des entreprises dans un monde sans reglementation, donc une course aux scandales sanitaires en perspective.
Éh bien n’achetez pas de viande non marquée, n’achetez que de la viande marquée. Problème résolu.
un libre échange sans réciprocité dans un pays qui limite son action ,et donc ses dépenses, est surement gage de performance.
Pour le cas de la france, il ne lui restera plus comme « échange » les allocations familiales, les études payés, l’assurance maladie gratuite: mais alors payé par qui et avec quoi ?