Par Éric Essono Tsimi.
Le Conseil National du Parti Socialiste a décidé à l’unanimité de l’organisation d’une primaire le 22 janvier 2017 (et le 29 janvier en cas de second tour).
Si François Hollande va chercher une nouvelle légitimité dans une primaire partisane, la France se retrouvera avec un président de la république supposé au-dessus des partis mais en pré-campagne présidentielle. Techniquement il peut donc se retrouver en train de concourir contre ses ministres. Il s’agit d’une promotion interne : la solidarité gouvernementale ne peut plus jouer puisque par définition le but de la manœuvre est de désigner le meilleur d’entre eux au moment précis de la primaire socialiste. D’autant plus interne que l’on parle d’une primaire restreinte (de la gauche de gouvernement).
S’achemine-t-on vers une primaire inspirée des élections qu’on a connues naguère dans les démocraties populaires en Afrique et en Europe de l’Est ? Un suffrage censitaire, les déçus et les frondeurs forcément ne se donneraient même pas la peine d’aller voter et attendraient au mieux la sanction du suffrage universel : en contrepoint Manuel Valls et Emmanuel Macron (les deux ont des prénoms messianiques) qui s’affaiblissent chaque jour davantage dans les sondages sortiraient exsangues d’une lutte fratricide (dont le but sinon le sens serait un régicide).
La France aime bien couper les têtes de rois, mais malheur à ceux qui ici feraient office de bourreau. On imagine mal le ministre de l’Économie dans la peau de Brutus : sa candidature est une non-surprise qui ne peut avoir lieu que dans l’hypothèse ou François Hollande ne se présenterait pas.
Rester en dehors de la primaire
Pour dire simplement les choses, dans la course de la présidentielle, on ne peut efficacement s’opposer à François Hollande qu’en restant hors de cette primaire de proclamation. En s’y précipitant pour une victoire sans péril (« même une chèvre battrait Hollande »), on représenterait sans gloire le Parti socialiste qui a d’ores et déjà perdu dans l’opinion. La gauche en effet peut gagner, le Parti socialiste seul, trois fois non. Alors la question qui se pose est de savoir à quoi servira une primaire dans laquelle Nicolas Hulot, Jean Luc Mélenchon, EELV et les forces vives, les frondeurs notamment, qui avaient pris leurs distances du parti socialiste seront absents ?
« Si on veut que les choses changent, Il faut un seul candidat » disait Jean-Christophe Cambadélis pour justifier l’organisation de cette primaire (la précédente de 2011 était dite citoyenne, celle-ci serait présidentielle) : le but assurément n’est pas de rassembler, on s’y serait pris autrement durant le quinquennat (même François Bayrou, le prince dormant au pas de la porte de l’Élysée a attendu en vain le baiser de gratitude : Hollande a estimé ne rien lui devoir de son élection).
Non pas rassembler donc mais être adoubé (par le dernier carré de fidèles strapontinés). Et s’il faut un seul candidat, ce n’est pas pour que les choses changent, c’est pour faire taire à l’intérieur les voix discordantes : qu’ils se présentent à la primaire ou se taisent à jamais.
Qui dirigera ?
Autant on avait pu trouver « dégradant » (ou presque) le retour de Nicolas Sarkozy, ancien président de la république, à la tête d’un parti politique en crise, compétent avec des petits jeunes aux dents longues, se soumettant aux sondages peu flatteurs, au désaveu d’anciens collaborateurs, aux railleries sur son aura perdue et faisant l’expérience de son autorité diminuée, autant voire pire est la situation de François Hollande qui se présenterait à la primaire alors qu’il est encore président de la république. Qui dirigerait la France pendant ce temps ? Va-t-il vraiment s’y coller ou bien en homme d’appareil essaie-t-il juste de donner à son camp, qu’il a activement sapé par des choix et des non-choix qui lui ont aliéné tant de soutiens, une ultime chance de sursaut ?
En se présentant, il rendra encore plus fragile la situation des futurs présidents de la république en fin de mandat entendu que désormais nul ne pourrait plus se soustraire à la loi des partis, le précédent ayant été posé. Certains ont pu parlé de « génie tactique » pour ce qui s’apparente à un dévoiement de l’esprit de la présidentielle française (coup de grâce à la Vème République, cependant que de Gaulle n’a jamais autant été révéré dans les mémoires ?). Dans les systèmes parlementaires, c’est le chef du parti victorieux qui devient le chef du gouvernement au terme d’élections qui ne visent pas à élire ce chef-là mais des députés… En France, mutatis mutandis, ce n’était pas forcément lié : la stratégie de François Hollande qui a déjà évoqué la suppression du poste de Premier ministre serait donc de renforcer les pouvoirs déjà trop grands du président de la république tout en confortant celui-ci dans une situation de chef de parti.
Que ce soit à gauche ou à droite, la France se retrouve dans cette situation politique de guerre de tous contre tous, où finalement ceux qui ont le plus de chances de réussir ont le moins intérêt à passer par la case « Primaires », à gauche comme à droite. Ce que bien sûr Mélenchon a parfaitement compris.
Ma foi, le dernier acte du suicide du PS. Il faut être quand même franchement naze pour envisager qu’un président en exercice suspende son « travail » pour aller débattre avec un tas de candidats dont tout le monde se fiche, candidats seulement internes au même parti en plus, vu que les « alliés » du PS ont décidé de jouer dans leur coin. Mais bon, le ridicule ne tue pas…
Oh que si et cela se verra au premier tour: calculer le nombre de voix pour le candidat socialiste + au moins la moitié des abstentions et des bulletins blancs ou nuls et vous obtiendrez un chiffre à comparer à l’équivalent pour le candidat de `Les Républicains. Le même calcul peut concerner Marine Le Pen.
Ces chiffres ne seront, en rien, prédictifs: Il est probable que bon nombre d’électeur voudront transmettre leur mécontentement en votant FN au premier tour mais sans pour autant vouloir confier la présidence au FN au second tour où ils voteront avec leur tête, ou pas du tout!
Et si Hollande avait décidé de ne pas se présenter, et donc lançait la primaire pour cette raison ?
Nous assistons à une fin de règne longue et pénible pour tous le monde…
(même François Bayrou, le prince dormant au pas de la porte de l’Élysée a attendu en vain le baiser de gratitude : Hollande a estimé ne rien lui devoir de son élection).
Tracteur + béret basque, cela eu payé …